Le Grand Prix de Montréal plaît à des dizaines de milliers de personnes. Et je peux le comprendre très bien. L'humain qui est aux commandes d'une machine formidable. L'humain qui éblouit par sa capacité à pousser des performances mécaniques dans leurs derniers retranchements, le tout pour la qualité du spectacle. La Formule 1, c'est une activité qui fait que des amateurs se lèvent la nuit pour regarder une course en temps réel, même si elle se déroule à l'autre bout du monde.
Un monde de sensations.
Rien à redire là-dessus.
Ce qui me turlupine un brin, c'est cette facilité que nous avons, comme collectivité, à débloquer des sommes publiques étonnamment élevées pour maintenir des activités économiques. Au nom du levier économique. Investir 25 M$ par année, par exemple, pour en générer 40 M$, c'est un bon deal. Même si les retombées ne reviennent pas directement à celui qui met l'argent sur la table, le système économique s'en porte mieux et notre frêle équilibre est temporairement maintenu. Personne ne trouve à redire là-dessus, semble-t-il.
C'est comme ça pour le Grand Prix, mais c'est aussi comme ça pour Bombardier.
Le levier économique est invoqué. Et l'argent coule à flots.
Quand on parle du Grand Prix de Montréal, on parle du grand cirque de la F1. Le grand cirque brille de tous ses feux lorsque les projecteurs sont allumés, que le spectacle se déroule. Mais, comme dans tout cirque ambulant, la réalité du quotidien est parfois plus sombre.
Les reportages parlent peu, par exemple de l'étonnant problème de prostitution qui sévit de façon encore plus spectaculaire lors du Grand Prix. Des prostituées viennent de partout. On les reconnaît, apprend-on, par le fait qu'elles passent les douanes avec très peu de bagages, qu'elles ne savent pas exactement où elles vont coucher quand on leur demande. Elles sont aussi nerveuses parce que leurs proxénètes les regardent de près, même s'ils sont toujours juste assez loin de l'action principale.
Ça, c'est pour les prostituées qu'on importe.
Mais il y a les autres. Celles d'ici. Fraîches et très jeunes. On les recrute dans les environs des Centres de jeunesse ou autres endroits où se regroupent les jeunes en quête de repères ou de sensations fortes. Les jeunes vulnérables, quoi. Et on ne leur parle pas directement de prostitution au départ. On les embarque dans le cirque. Sans trop révéler la programmation réelle.
Je sais que la prostitution n'est pas unique au Grand Prix. Mais elle s'en trouve amplifiée.
Je m'en vais où, avec tout ça?
Je trouve juste qu'on a le portefeuille souple quand il s'agit de mettre en valeur ce qu'on considère comme un levier économique. On parle subitement d'austérité quand on parle de communautaire et de services de proximité aux citoyens en perte de repères.
Dit autrement, j'aimerais qu'on considère aussi comme un levier le fait d'investir dans l'équité sociale. Un levier dont on reconnaîtrait l'utilité et qu'on défendrait aussi valeureusement qu'on défend le Grand Prix et les investissements dans Bombardier...
Clin d'œil de la semaine
La société, c'est un bolide sur une piste de course : poussée à la limite de sa performance, elle risque de manquer un virage un bon jour...