« Tout
cela est vrai et réconfortant aux yeux de celui qui a la foi. La foi évite de
toujours remettre les choses en question. »
C'est un
prêtre qui parle. La phrase est dite dans un contexte hautement émotif. Le
genre de contexte dans lequel il peut être pratique de se raccrocher à une
lueur d'espoir quand tout semble sombre autour.
La foi
qui apporte la lumière. Évite les remises en question. Les questionnements.
La foi.
Troublante
foi.
La foi,
au Québec, est tout sauf un long fleuve tranquille depuis les cinquante
dernières années. Les pratiques religieuses ont radicalement changé. Le passage
de la foi d'une génération à l'autre, sans remise en question, a frappé un mur
au cours des dernières décennies. Pourtant, le principe même de la foi semble
omniprésent!
Pour moi,
la spiritualité n'est pas en couple avec la foi. Pas automatiquement,
j'entends. Et c'est une affaire toute personnelle. D'ailleurs, les grandes
dérives de la foi viennent au moment où on s'approprie les concepts religieux
pour en faire des outils de conversion, d'endoctrinement. La liberté de
religion est un concept reconnu dans plusieurs sociétés. Même dans celles-ci,
cela dit, un fait demeure : faire partie d'une religion ou d'un groupe
religieux crée un sentiment d'appartenance qu'on dit inclusif, mais dans la
mesure où « l'inclus » se soumet aux normes du groupe.
Cette
chronique ne discute pas de l'importance ou non d'avoir une foi dans un dieu,
quel qu'il soit.
Cette
chronique s'inquiète des dérives que j'observe ces temps-ci, tout autour de
moi.
Bon, je
fais une parenthèse sur le dernier mot de la phrase précédente. Moi. C'est aussi
une dérive grandissante. Il suffit de noter simplement le nombre de fois qu'on
entend (ou qu'on dit!) l'expression « oui, mais moi » dans nos
phrases. L'expression est saupoudrée
allègrement dans toutes sortes de contextes. Dans celui de vie en société où
l'autre a aussi le droit d'exister, disons que ça devient une dérive de tout
ramener à son petit soi si précieux.
Fin de
la parenthèse.
Revenons
à la foi.
Une
autre expression qui meuble nos phrases quotidiennes est celle-ci :
« je crois pas ça, moi. »
La forme
interrogative est aussi grassement utilisée : « tu crés ça,
toi? »
Comme si
tout était basé sur la croyance.
Je fais ici
un détour par le début de cette chronique et je propose un raisonnement qui
peut sembler simpliste, mais qui me trouble : telle chose (ou situation) est vraie pour
celui qui y croit. Il a alors foi en cette chose. Et s'il y croit, ça devient
une vérité. Et quand on est en présence d'une vérité, on arrête de questionner,
de vouloir remettre en question. Finalement, puisqu'on a une liberté totale de
croire en ce qu'on veut, ça devient non-discutable. Et quand une chose n'est
pas discutable, ça crée des fossés inconfortables qu'on contourne en se rapprochant de ceux qui croient à la
même chose que nous. Excluant ainsi les autres et nous confortant dans notre
foi en la chose.
Troublant.
C'est un
comportement qui se rapproche étrangement des grands mouvements religieux
prétendument inclusifs, mais qui ne le sont que si on prend le pas dans la
parade proposée.
Pas très
aidant, en société, lorsqu'il faut faire un tout avec les libertés
individuelles de chacun. Faut croire (!) que le grand changement dans les
pratiques religieuses n'a pas complément balayé nos réflexes de croyants...
Clin
d'œil de la semaine
« Le
Coronavirus? Tu crés à ça toi? Pas moi... »
Fin
de la discussion.