Il est impossible de parler de rivalités sportives en Estrie sans aborder celle entre les Expos de Sherbrooke et le Big Bill de Coaticook dans la Ligue de baseball majeur du Québec. Explosive depuis le début des années 90, cette rivalité a donné droit aux meilleurs matchs de baseball de la Province.
« En tant qu'amateur de sport, c'est une des plus fortes rivalités que j'ai vues dans le sport amateur au Québec et elle se perpétue depuis 1990 », explique Christian Caron, auteur du livre Coup sûr au stade Julien-Morin. « Il était évident dès le début de mes recherches pour mon livre que j'aurais un chapitre complet dédié à la rivalité entre les deux clubs ».
« En 1990, Sherbrooke a gagné la série en cinq matchs. L'année d'après, en 1991, les deux équipes ont de nouveau croisé le fer en éliminatoires. Quatrième match de la série, Coaticook mène 2 à 1 dans la série. En 6e manche Sherbrooke fait six points et ça tombe 8 à 2. À Coaticook on croyait que c'était terminé, mais l'équipe a effectué une remontée absolument indescriptible avec huit points pour éliminer Sherbrooke. En 1990 et 1991, la rivalité s'est cimentée et est toujours restée intense ».
« Je déteste Coaticook, je me lève la nuit pour les haïr », lance d'emblée le propriétaire des Expos de Sherbrooke, François Lécuyer, lorsqu'on lui parle de la rivalité avec le Big Bill. « Mais c'est correct, même que c'est plaisant. Certaines équipes me rendent indifférent, mais eux, je me plais à les détester. Il y a des choses pas gentilles qui se sont dites c'est certain, mais c'est de bonne guerre ».
« Je me plais à dire que la rivalité entre les Expos et le Big Bill est LA rivalité du baseball québécois », souligne pour sa part Robert Legault, annonceur maison de la formation sherbrookoise et homme de baseball très impliqué en Estrie. « Il y en a d'autres par exemple à Montréal et Québec dans le junior élite, mais ces rivalités ne valent pas celle ici en Estrie. La grosse ville contre le petit village, les gens de Coaticook se bombent le torse lorsqu'ils battent Sherbrooke, que ce soit un match de saison régulière ou le match décisif en finale ».
« Il se passe quelque chose à chaque match entre les deux équipes. Que ce soit une décision controversée, un coup sûr opportun, un accrochage entre deux joueurs, des coups sournois ou des discussions animées. À l'époque des Athlétiques, des Cards et des personnages tels que Stéphane Waite et Benoit Maurais, un match Sherbrooke contre Coaticook pouvait meubler une section des sports complète dans le journal ».
« C'est une rivalité dont on va se souvenir longtemps », conclut Christian Caron. « Nous allons encore en parler dans 25 ans. Dans les foyers pour personnes agées, nous allons discuter de la rivalité entre Sherbrooke et Coaticook, c'est certain ».
Des organisations amies malgré la rivalité
Tant elles pouvaient être rivales sur le terrain, les deux organisations ont toujours entretenu des liens.
En 1991,1992 et 1993, Sherbrooke et Coaticook ont travaillé main dans la main pour la réalisation de deux championnats provinciaux de baseball sénior ainsi que le championnat canadien sénior « Donc autant les deux organisations voulaient s'arracher la tête par moment, autant elles étaient capables de travailler de concert pour le bien du baseball de la région.
En 1997, il n'y avait pas beaucoup de joueurs à Coaticook et Sherbrooke avait un différend avec les concessions (restaurants, bières). Les deux ennemis jurés, Stéphane Waite et Benoit Maurais se sont alors associés pour finalement jouer sous le nom des Athlétiques, mais à Coaticook.
Anecdotes
« Il y a quelques années en série, je rentre dans le stade Julien-Morin à Coaticook et le monde commence à me huer. Et comme de raison c'est moi qui gagne le moitié-moitié. Et c'était un bon montant, environ 600 $. Ils me haïssaient encore plus. En plus l'annonceur maison ne m'aimait pas et il a dû me donner l'argent. Les gens voulaient me lancer des roches. Tous le match je me faisais dire que j'achetais des joueurs avec mon argent etc. alors j'ai remercié les gens à la fin du match de m'avoir donné leur argent pour que je puise me payer des joueurs. Tant qu'à ne pas être aimé, aussi bien en profité, c'était très drôle! » - François Lécuyer
« De gros noms devront s'asseoir sur le banc de temps en temps tellement nous avons du talent cette année. L'équipe qui nous fait le plus peur, c'est nous-mêmes en raison de la bisbille qui pourrait naître au sein de l'équipe. Mais ne vous inquiétez pas trop, nous verrons à ne pas trop ridiculiser nos rivaux. Et dans tous les cas, si nous ne gagnons pas cette année nous devrons congédier l'instructeur (lui-même) sur-le-champ » - Citation de Stéphane Waite, instructeur de la formation sherbrookoise lors de la conférence de presse d'avant-saison en 1995.
Simon Roberge - @simon_roberge
Crédit photo : Nathalie Miclette
Lecture suggérée : Coup sûr au stade Julien-Morin de Christian Caron