Concours de circonstances? Vieillissement prématuré? Attaque de sagesse?
Allez savoir...
Toujours est-il qu'un soir, comme ça, le constat s'est imposé de lui-même : il y a des cons et des connes partout. Vraiment partout.
Je vous raconte.
Il y a quelques semaines, j'ai assisté au spectacle de Jean-François Mercier. Un bonhomme que j'ai appris à apprécier. La carapace dure qui laisse filtrer des choses drôles. Parfois durement touchantes.
D'entrée de jeu, il a été clair : c'est une soirée de rodage. Le brouillon avant le propre. La soirée des essais. Sauf erreur, nous étions les derniers d'une série de 6 ou 8 spectacles de rodage.
Il en faudra plus...
Je suis sorti de l'expérience abasourdi. Sans trop comprendre pourquoi sur le moment.
Il sacre un peu. Pas mal. Tout le temps, en fait. Mais ça, je suis capable d'en prendre. Quand je dis tout le temps, je dis un mot sur trois. Et je n'exagère pas. Une pluie ininterrompue de sacres. Pendant deux heures. Mais ça, à la limite, je trouve que c'est vide, pas drôle et usant. Mais ça ne m'abasourdit pas, d'habitude!
Peut-être l'obsession du pipi-caca-poil qui se dégage du spectacle, alors? Bon, Mercier parle au moins vingt fois de sa graine, de fourrer des filles après le show, de son cul, de ce qui entre dedans, de ce qui en ressort. Graine, graine, graine... Pendant deux heures. Mais ça, à la limite, je trouve que c'est vide, pas drôle et usant. Mais ça ne m'abasourdit pas, d'habitude!
Je ne comprenais pas trop ma réaction en lien avec ce spectacle.
Je croyais qu'il sauverait la mise avec un conte comme numéro final. Mais non. En parlant de Fred Pellerin, il dit que si pour faire un conte, il faut juste avoir l'air bizarre et se donner un drôle d'accent, il était capable de faire ça! Et il part sur un conte destiné à toucher le cœur des gens par un geste de tendresse tardif qui ralliera tout le monde. C'est confirmé : il ne faut pas juste avoir l'air bizarre et avoir un drôle d'accent pour rallier, il faut aussi avoir un bon contenu. Mais pourquoi donc son texte ne passait-il pas la rampe?
À cause de son attitude. Je l'ai compris en croisant, cette semaine, au hasard de la route, une fille qui marchait en direction du restaurant Subway et qui portait déjà son uniforme. Immobilisé au feu rouge, je la regarde un instant. Et je pense à Mercier en me disant : « Tiens, là v'là, ta criss de conne du Subway! »
Et c'est là que j'ai compris. L'attitude générale du gars sur scène. Et le phénomène n'est pas unique à Jean-François Mercier.
Pour faire rire, il semble que la norme soit devenue celle-ci : au lieu de se contenter d'une anecdote survenue dans le feu d'une action quelconque, il faut nécessairement commencer en disant que le personnage central de l'anecdote est un ostie ou un criss de con. Ce n'est pas compliqué, écoutez les numéros des humoristes, tout le monde est con. Sauf l'humoriste, évidemment. Et l'épidémie nous a gagnés, collectivement, Pour être « in », il faut colorer nos histoires de qualificatifs réducteurs sur le personnage principal. « L'ostie de con de chez Bell, la conne de la compagnie d'assurances, le sans-dessein du sondage.
Vous me direz que tout ça est sans grande conséquence, que c'est juste drôle, que ça met de la couleur dans l'anecdote? Je trouve juste que le phénomène sème de la haine à force de multiplier les occasions. Et ça crée ce faux sentiment de supériorité chez celui ou celle qui raconte. C'est comme de la bouffe trop riche, ça finit par lever le cœur.
Je sais bien que le personnage de Mercier est un gros cave, qu'il voulait appeler son show « colon irritable », je sais tout ça. Mais je trouve que le colon gagne du terrain dans notre société.
Sur une base personnelle, j'essaierai de faire attention et d'éviter ce piège à l'avenir.
Il est possible que l'objectif de Mercier soit de dénoncer la situation en en mettant trop. Vraiment trop. J'espère que ça marchera et que, la prochaine fois, il pourra socialement passer à autre chose. Qu'il saura me surprendre en laissant de côté l'orgie de pipi-caca-poil-sacres-et-connes-et-cons. Et qu'il remplace tout ça par du contenu.
Mais bon, ça, c'est moi...
Clin d'œil de la semaine
« T'as lu Fouquet? Ostie qu'y est con... » Fin de la réflexion. C'est tellement plus simple!