Le matin de Noël cette année. Vous vous souvenez ? Le bleu du
ciel rendu éclatant par un soleil brillant créait un féérique
contraste avec le blanc qui avait enrobé tout ce qui meuble la ville
qui semble, de son côté, tellement paisible en ce matin lumineux.
Précieux moment !
Vous vous souvenez ?
Non ?
Dommage.
Dans le brouhaha de nos journées, on oublie de
prendre le temps de voir le beau, autour. Cette année, je m'étais
dit deux choses au moment de commencer l'année : faire
l'effort de voir, reconnaître, apprécier et décrire à voix
haute les belles choses qui meublent notre environnement. Et je
m'étais aussi dit que ma chanson-phare, pour une 2e année
consécutive, serait Sur mon épaule des Cowboys.
Au
bureau, cette semaine, en m'installant avec des collègues pour une
rencontre, j'ai pris un petit temps pour admirer le paysage offert.
Une image de carte postale d'hiver, je trouvais. Alors, j'ai
décrit en très peu de mots : « C'est vraiment magnifique
ce matin ! »
Je n'ai pas changé le monde. Mais
peut-être un petit peu le mien et, de cause à effet, peut-être un
tantinet celui des collègues. Qui sait ?
Je n'ai pas
changé le monde, parce que quelques heures plus tard, en
conversation téléphonique, j'ai tenté la même petite
description. Isssshhhhhh... « Sacre-moi patience avec la
maudite marde blanche ! »
Je n'ai pas insisté.
Ç'eût été inutile ! On ne convainc pas facilement un effaceur
d'arc-en-ciel et de licornes !
Nous avons tous besoin
de beau pour illuminer nos vies. Cela dit, le beau n'est pas
universel. Ce qui est beau pour moi ne l'est pas nécessairement
pour l'autre.
Le beau, je le réalise de plus en plus en
vieillissant, habite souvent des trucs qui évoquent mon passé. Une
chanson que j'avais un peu oubliée. Au gré d'une liste d'écoute
aléatoire, j'ai entendu, avec un bonheur surprenant, la voix de
Gilbert Bécaud qui chantait Je reviens te chercher.
Le
beau a tendance à réveiller des fibres en moi. J'appelle ça des
fibres. Un chimiste mettrait un nom sur une substance euphorisante
qui sommeille en moi, mais je préfère parler de fibres. L'image
ne me parle plus.
C'est à partir de fibres qu'on fait
du papier. Le papier qui a reçu en premier les paroles et la musique
de la chanson de Bécaud. La fibre, c'est aussi le tissu qui nous
habille, nous protège, nous réchauffe.
Bref...
Cette
chanson de Bécaud, je le réalise, est un des nombreux repères de
ma vie. Elle me ramène à mes enfants, à des concepts amoureux,
mais flous de l'adolescence et à des spectacles marquants. C'est
un repère qui déclenche en moi une vague de bonheur.
Dans mon
quotidien des 16 dernières années, je m'intéresse à la
célébration de la vie des gens qui décèdent. Mes plus intenses
souvenirs de ces célébrations résident dans l'œil brillant
d'émotions de la personne qui vient de reconnaître un repère
sonore ou visuel associé à la personne disparue.
Le
beau, c'est ça : un éveilleur de repères !
Le
titre de la chronique évoque l'univers de... Plusieurs auront
reconnu l'allusion à l'émission de France Beaudoin.
C'est
que cette émission est pour moi (et pour ma petite maisonnée !!),
un éveilleur de repères. La fibre de cette émission est de
célébrer le beau dans la vie des invités. Rarement, ce sont des
choses extraordinaires. Presque toujours, ce sont des petites choses
de la vie qui ont marqué la personne invitée. L'intérêt que je
ressens envers ces petites choses qui, après tout, appartiennent au
quotidien d'une autre personne ne tient pas du voyeurisme. Il tient
à deux choses, dans mon cas. D'abord, le fait que la personne
mette ses mots sur ces choses, sur ce beau tout simple, vient valider
la valeur de mes propres souvenirs. Puis, le fait que la prestation
musicale magistrale s'occupe de magnifier la chose, imprimant en
moi de précieux moments où le beau est en vedette !
Un
manque de beau. Un manque de repères...
Trump me
rappelle une phrase entendue souvent dans ma vie : « Assez fou
pour mettre le feu, pas assez fin pour l'éteindre... »
Il
y a Trump. Il y a la guerre. Il y a les disparités sociales qui nous
côtoient intimement au quotidien. Il y a les changements climatiques
qui bousculent nos acquis.
Il y a tout cela dont je ne
peux (et ne dois pas) m'extirper. S'il est essentiel de ne pas
l'ignorer, il faut reconnaître que c'est bien assez pour créer
un vertige.
C'est là que le beau est essentiel. Le beau
qui éveille des repères. Des repères sur lesquels on peut
s'appuyer, le temps de reprendre son souffle. Ce beau-là prend
bien des formes.
Ayons la discipline de ne pas fermer les
yeux en attendant que tout passe...
Clin d'œil de la
semaine
Nous vivons un hiver normal. Normal, mais qui
est devenu exceptionnel...