Dernièrement, je suis tombé sur un article publié sur vin Québec qui disait essentiellement ceci : la cartographie de la langue telle qu'enseignée dans les écoles de sommellerie est un mythe, voire une légende urbaine.
Dans les cours de sommellerie, on nous enseigne que la perception des saveurs se fait à des endroits précis sur la langue. Le sucré sur le bout de la langue, le salé sur les côtés, l'acidité sur les côtés arrière et l'amertume à l'arrière. On retrouve sur internet et dans les livres les plus sérieux sur le sujet, une multitude d'exemples sur le sujet. Même moi, dans le livre que j'ai écrit sur la dégustation (Mon guide personnel de dégustation des vins, paru aux Éditions Michel Quintin) j'évoque ce concept. Parce qu'on me l'a enseigné de la sorte et qu'il s'agit d'un concept établi, je ne voyais pas pourquoi j'aurais changé quoi que ce soit à cette idée reconnue par les bien pensants du monde de la sommellerie. Personnellement, j'ai toujours douté à propos de la cartographie de la langue. Pourquoi? Tout simplement parce que lorsque je goûte, je perçois aussi ailleurs que dans les zones précises où on nous dit qu'on devrait les percevoir. Je me demandais si j'étais normal et il semblerait que oui. Bon, maintenant essayons de décortiquer tout ça et de mettre un peu d'ordre là-dedans.
Le mythe proviendrait en réalité d'une mauvaise traduction des travaux d'un scientifique allemand D. P. Hänig exécuté en 1901 et traduit par le psychologue américain Edwin G. Borin en 1942. Ce mythe aurait été corrigé depuis à plusieurs reprises, par Virginia Collins en 1974 et surtout par les travaux de Linda Bartoshuk en 1993. Pourtant, dans son étude, Hänig disait que les goûts primaires sont perçus par toutes les papilles quelle que soit leur localisation sur la langue. Il disait cependant que les participants à l'étude avaient l'impression de percevoir à des endroits précis sur la langue certaines saveurs, d'où l'origine de la méprise. Des études récentes par la Monell Chemical Senses Center ont permis de contredire l'hypothèse de la cartographie de la langue. L'expérience faite sur les sujets consistait à déposer une goutte de substance salée ou sucrée au même endroit sur la langue. Le constat fut révélateur puisque les participants réussissaient à identifier les différentes saveurs, démontrant ainsi que la cartographie de la langue est un concept erroné.
Quatre saveurs primaires?
Outre la cartographie de la langue, la théorie selon laquelle nous ne percevons que quatre goûts primaires (Salé, acide, amer, sucré) serait également erronée. On en compterait une cinquième, soit l'umami (savoureux). On pourrait croire qu'il s'agit d'une découverte récente, pourtant cette cinquième saveur aurait été identifiée par le scientifique japonais Kikunae Ikeda en 1908.
À cette classification on peut ajouter plusieurs autres types de saveurs, dont celle de l'amidon, de la saveur métallique, piquante, astringente, grasse, etc. On parle ici de conception globale.
Un constat inquiétant :
Il faut toutefois s'interroger à propos du fait que cette idée ait traversé le temps et que celle-ci se soit retrouvée dans autant de manuels scolaires ou dans certaines des encyclopédies les plus réputées. Je possède plusieurs ouvrages chez moi qui traitent du sujet, des livres écrits par des hommes et des femmes respectés dans le monde du vin. "L'Atlas du vin" de Jancis Robinson et Hugh Johnson, "Le vin" d'André Nominé, "Bien connaître et dégusté le vin", avec la participation de sommités telles que Michel Rolland ou encore Markus Del Monego (meilleur sommelier du monde et master of wine), pour n'en nommer que quelques-unes. Ces ouvrages tiennent tous le même discours et répandent l'idée de la cartographie de la langue. Je me dis qu'un d'entre eux aurait dû lever la main et parler haut et fort afin de cesser qu'on répande cette idée fausse. On parle ici de sommités, pas des deux de piques. Michel Rolland, Jancis Robinson, Hugh Johnson sont des gens qui flottent au-dessus de la mêlée en matière de connaissances vinique. Quand ils parlent, on ouvre grand les oreilles, on écoute et on boit leurs paroles comme s'ils étaient des messagers de Dieu. Je trouve cela désolant et j'ai clairement l'impression d'avoir été berné par des gens qui ont semble-t-il tourné les coins ronds quelque part. Ce qui m'inquiète ce n'est pas que des gens aussi réputés aient contribué à répandre le concept, mais c'est qu'il n'y en ait aucun d'entre eux qui aient contredit cette idée malgré le fait qu'on ait démontré qu'elle soit fausse. Moi je ne suis qu'un grain de sable dans le grand monde du vin, il est donc normal que je me sois tu, même si j'avais un doute, mais ces derniers sont des étoiles et à mon sens ils auraient dû savoir et intervenir.
Suggestions de la semaine :
Brouilly, Château de Pierreux, 2011, France, code SAQ : 10754424, prix : 20,15$
Si, règle générale, vous fléchissez pour les vins légers et délicats, celui-ci devrait conquérir vos papilles et ravir votre cœur. Sa robe rouge très dense et foncée nous interpelle. Elle abrite un bouquet fin et nuancé, marqué par des notes typiques de baies des champs, mais c'est davantage par ses accents évoquant le tapis forestier et par ses notes minérales qu'il se démarque. Il est doté d'une bouche suave, avec des tannins souples, voire gouleyants. D'agréables nuances de baies dominent l'ensemble, sans le côté herbacé souvent associé aux vins à base de gamay. Un vin réussi, sans fausse note. Un tartare de bœuf, pas trop relevé ou des boulettes de veau à la sauce tomates se marieraient très bien avec ce vin.
Fumé blanc, Fetzer, Valley Oaks, Californie, États-Unis, code SAQ : 255448, prix : 15,20$
À l'œil, il affiche une robe jaune paille d'une belle intensité. Au nez il ne manque par d'expression. Un ensemble de notes bien définies de fruits exotiques, d'ananas en particulier, d'agrumes également, enjôlent nos narines. À cet ensemble déjà garni se jouxtent des nuances de pomme verte. La bouche est plus fraîche et moins acide que ce a quoi je m'attendais, ce qui est loin d'être un défaut. Les notes d'agrumes occupent le haut du pavé ce qui lui donne un fort agréable côté rafraîchissant. De plus, ses accents se déploient et s'étirent sur une longue période de temps. Un vin réussi qui plaira à une vaste clientèle. Des crevettes tempura à la mayonnaise au wasabi feront un accord des plus réussis.