La nouvelle m'a frappé. Les boomers entrent dans une phase de « déconsommation ».
Déconsommation. Bon, voilà une autre affaire.
Nous vivons à une époque de communication. Nous avons raffiné nos manières de communiquer. Nous avons inventé des outils de communication incroyables. Assez, même, pour ne plus trop savoir comment communiquer de personne à personne!
Dans cette ère de communication, un point revient, inlassablement : on nomme les choses. On dirait qu'une fois nommées, les choses s'acceptent mieux.
Jean Charest ne parlait pas de coupes budgétaires dans la fonction publique, il parlait de réingénierie de l'État. Un mot patenté par des communicateurs. Cela vient ennoblir les gestes qui suivront.
Les gestionnaires d'entreprises sont spécialisés dans l'utilisation de mots magiques qui font gober des situations souvent troubles. Je pense aux « phases de rationalisation", à la mode du « benchmarking » qui a fait perdre des centaines d'emplois sur la simple base de la comparaison de modèles d'affaires entre les entreprises. Je pense,justement, à l'expression « modèle d'affaires » qui vient aussi justifier plein de gestes lourds de conséquences...
Le fait de nommer une chose (avec une appellation originale, si possible) implique une sorte de fatalité. Quand l'homme d'affaires reconnu vous dit : « Le modèle d'affaires de notre entreprise prescrit des actions courageuses que nous accomplirons dans le respect des règles établies et reconnues », il vient de se déculpabiliser d'une série d'actions qui n'interpelleront pas du tout son courage, mais bien sa dévotion envers des principes économiques reconnus et nommés. Et c'est toujours dans cette quête effrénée de profits. Dit autrement, au nom du modèle d'affaires, nous allons abolir des postes, transférer la production ailleurs dans le monde et diminuer nos dépenses au maximum. Et le « courage » de l'homme d'affaires sera récompensé par un puissant chèque de l'entreprise.
Nommer une action ou une série d'actions, c'est donc la rendre fatale. Inévitable.
Quand j'ai entendu le terme déconsommation, je me suis dit, bon, ils veulent en venir où?
En fait, cette fois, c'est la crainte qui fait réagir les boomers.
Je suis né en 1961. La toute fin des boomers et le début d'autre chose. J'en suis donc plus ou moins. Plus moins que plus, en fait.
Mais, quand j'avais 18 ans, au volant de ma rutilante Honda Civic '76, j'entendais des chroniqueurs parler de la société de loisirs qui allait meubler ma vieillesse. « Ben dis donc, c'est pas rien! » que je me disais. Loisirs mon œil...
L'ère de consommation qui a suivi nous a fait passer, en moins de trente ans, d'un retour à la terre à une société du chacun-pour-soi dans laquelle l'indice de bonheur se calculait en possession. Le bonheur, cela dit, avait un synonyme : la réussite.
C'est en glorifiant la réussite que nous nous sommes mis, collectivement, à dépenser nos épargnes, puis, pour que le bonheur ne se termine pas, à emprunter toujours plus pour alimenter notre réussite.
Les boomers devaient vivre aisément grâce à un fond de pension riche et crémeux.
Aujourd'hui, les fonds de pension font la manchette. Les prestations déterminées pour la vie, trouvaille des années 70 et 80, ne tiennent plus la route. Et, comble du malheur (sarcasme, un peu, quand même!) l'espérance de vie ne cesse d'augmenter!
C'est cette peur de manquer d'argent qui incite les boomers à réduire leur consommation. À redéfinir leur bonheur quotidien.
Le rêve s'estompe pour plusieurs. Mais ce n'est pas si grave. Rêver sa vie, c'est une chose. La vivre en est une autre.
Qui n'a pas fantasmé sur un objet et, une fois celui-ci acquis, n'a pas été déçu de ne pas ressentir le bonheur espéré?
Clin d'œil de la semaine
« La nécessité est la mère de l'invention » dit-on. La crainte de manquer de matières premières est peut-être la mère d'un bonheur redéfini...