Sur les médias sociaux, des vidéos nous arrivent de partout.
Les plateformes comme TikTok et Facebook en véhiculent beaucoup. Certaines
démontrent des astuces intéressantes. La plupart sont des coquilles vides.
Parmi les vidéos qu'on prétend astucieuses, il y a celles de
ces gens qui se fabriquent des boîtes destinées à recevoir de façon sécuritaire
les colis livrés, entre autres, par Amazon. Une de ces vidéos mise sur une
surface de miroir pour déjouer le coup d'œil du passant et éviter que celui-ci
ne dérobe un paquet laissé à l'abandon sur le balcon.
Ingénieux, quand même.
Mais quelque chose me rendait dubitatif. Ma réflexion se
résume en trois mots : temps, pouvoir et conséquences.
Amazon a d'abord misé sur le temps. Leur slogan pourrait
être Le temps d'y penser et ce sera livré. Cette obsession du temps sauvé n'est
pas anodine. Le temps est le grand influenceur de nos vies. On manque
résolument de temps. Pour sauver du temps, on est prêt à investir. Et plus on
investit dans les bébelles pour sauver du temps, moins on en a !
Le vice est là. C'est sûrement ce vice qui a inspiré le
sourire du logo d'Amazon.
Les dirigeants ont compris ce vice du temps qui nous gruge.
Et il en profite à plein !
On sait que plus il y a de temps entre le moment où on se dit
qu'on veut acheter quelque chose et le moment où on l'achète, plus il y a de
chances qu'on abandonne le projet. Le « besoin », qui est criant aujourd'hui,
criera bien moins fort si on se dit seulement : « Je vais y penser et
je l'achèterai dans quelques jours ». Il y a même de bonnes chances que le
besoin n'en soit plus un. Amazon l'a compris et nous pousse à appuyer sur le
bouton « commander » avant de réfléchir.
Quand des phrases justificatives du type « Je ne vais
pas perdre deux jours à chercher, tout est là en quelques clics ! Puis il n'y a
jamais rien dans les commerces ! » ou encore « il n'y a aucun autre moyen d'en obtenir autrement ! », hey, bien, là, précisément, je constate que le piège Amazon s'est bien refermé sur nous.
Puis, il y a la notion du pouvoir.
Amazon nous a déjoués avec la notion de temps. On ne
magasine plus. On ne s'informe plus. On achète. C'est le but ultime
d'Amazon.
Mais pour être bien sûre que l'hameçon du temps sauvé sera
suffisante, la compagnie Amazon joue de psychologie : elle sait très bien
que le fait que mon clic (mon achat) déclenchera une série d'actions qui se
bousculeront pour me servir, ça procure un sentiment de pouvoir agréable.
"Peu importe ton revenu, dis-toi que, maintenant, tu es important !"
Et en spécifiant que si tu deviens un client Prime, tu
deviens presque un super héros de la consommation, la compagnie vient nous
attacher, réduisant presque à néant notre capacité de réfléchir.
Puis, il y a les conséquences.
Une fois ce nuage de glorieuse vapeur passé, il reste des
conséquences. J'achète de qui, au juste ?
Comment se déroulera
le service à la clientèle ? Qui et (surtout) comment seront gérées les commandes que je vais retourner ?
Il est bien documenté que c'est une catastrophe à ce niveau.
La compagnie préfère rembourser et même jeter les items plutôt que de gérer des
retours, dans bien des cas. La responsabilité sociale, c'est une dépense. Les
dépenses diminuent les profits.
Amazon est une sorte de grand vacuum dont la succion est
rotative. La rotation du vacuum fait sortir du giron, ce qui est une dépense.
Puis, la force centrifuge du vacuum siphonne tous les revenus vers la case
profits.
Quand Amazon décide du jour au lendemain de fermer ses
installations au Québec, c'est qu'il y a une opportunité de faire plus de
profits. Rien d'autre. Après tout, les conditions salariales et les
responsabilités d'employeur sont considérées comme des dépenses.
Quand une entreprise est capable de dicter elle-même toutes
les règles du marché, c'est qu'il y a un déséquilibre dans ce marché. C'est ce
qu'on vit présentement.
Revenons à la mise en marché d'Amazon : maintenant
qu'elle nous tient avec la notion du temps sauvé et du pouvoir qu'on ressent,
elle en ajoute une solide couche. Après tout, comme disait l'autre : trop
fort, casse pas ! Comme le
propriétaire Jeff
Bezos est multimilliardaire, il se paie l'accès
privilégié au bureau de Trump et
verra à encore
diminuer les réglementations
en matière d'éthique commerciale, sociale
et environnementale.
Rien de tout ça ne sera avantageux pour la collectivité. La
collectivité représente une dépense, après tout.
Mais Bezos fait le pari que le gain en temps et le pouvoir
qu'il offre au client l'empêcheront de réfléchir.
Ça semble bien fonctionner pour le moment.
Clin d'œil de la semaine
- J'ai acheté plein de
vêtements sur Amazon.
- Et si ça ne convient
pas ?
Bof,
à ce prix-là, je les donnerai à une friperie. D'ailleurs, la ville devrait
faire des collectes pour aller déposer des trucs aux friperies. Ça bouffe du
temps, ça !