La réponse est presque automatique. « Comment ça va? » « Ça va pas pire! »
Lorsque je réponds ce « pas pire » à la question d'un ami, il rétorque invariablement « Ouin. Si on enlève le pas, il reste juste le pire! »
C'est quand même une drôle d'expression. Elle vient résumer la trop longue « ça pourrait être pire, finalement, ça va pas si mal pantoute ».
Et le "pas pire" a fait des petits, sur sa route! Un de ses descendants (plus ou moins direct) est le « au pire ».
- Allons marcher un peu!
- OK! Au pire, on arrêtera manger quelque part!
Au pire ? Étrange choix de mots! À moins que ce soit vraiment pénible de manger avec cette personne!
Les « au pire » pullulent dans des contextes où ils ne devraient pas être invités. Ironiquement, dans bien des cas, il pourrait avantageusement être remplacé par « au mieux »!
Ward et le pire
Cette chronique n'attaque pas Mike Ward. Je suis devenu indifférent au personnage. Lui et moi, c'était terminé bien avant l'incident de Jérémy Gabriel! Une incompatibilité d'humour trop souvent mise en lumière a eu raison de nos rendez-vous dans les salles de spectacle.
L'actualité ramène le dossier Ward/Gabriel à l'avant-scène ces jours-ci. La cause sera entendue par la Cour Suprême du Canada, après avoir rebondi sur le bureau d'autres instances, dont la Cour d'appel.
Le fond du litige se base sur la notion de liberté d'expression. Vous avez peut-être vu le clip ( https://www.youtube.com/watch?v=4mOCu3_arpE ) qui a tout lancé, celui où Ward dit qu'il était le défenseur de Gabriel parce que c'était un enfant mourant qui vivait ses rêves. Il continue en disant que le problème, c'est qu'il ne meurt pas. Ward ironise qu'il a essayé de le noyer aux glissades d'eau à Bromont, mais il n'est pas tuable... Il ajoute que sa maladie, « c'est qu'il est laid » (lette).
Bon.
La question angulaire du clan Ward est résumée par son avocat, Julius Grey : « Est-ce que les paroles constituent en soi une forme de discrimination ou non? C'est une question très importante ».
L'expression de la liberté.
J'aime bien que le plus haut tribunal du pays réponde à cette question. Y siègent des gens de compétence, d'expérience et de sagesse et la cause devrait apporter un éclairage nouveau sur une question qui est fondamentale et fascinante : la liberté d'expression a-t-elle une limite?
Dans un temps où la liberté personnelle est réclamée à grands coups de masques, je vois un autre enjeu, bien plus fondamental à mon avis : l'impact de la décision sur la vague de dénonciations qui a cours depuis des mois au Québec et ailleurs dans le monde. Au-delà des gestes, ce sont souvent les mots qui sont visés pour parler des gestes sexistes et réducteurs qui minent la vie de celle ou celui qui est la cible.
La question ne se limite plus aux propos d'un humoriste envers une personnage souffrant d'un handicap. La question est plus large. L'intimidation verbale cause-t-elle, en soi, un préjudice condamnable ou bien peut-on dire ce qu'on veut, comme on le veut? La réponse sera peut-être plus nuancée mais néanmoins, très intéressante.
Pas pire, pareil !
« Ça va être pas pire comme débat! »
La Cour suprême tranchera en regard des lois actuelles et de l'interprétation que les juges en feront. Ce qui est bien de cette instance, c'est qu'une fois le jugement rendu, la logique qui l'anime est susceptible d'influencer le législateur (le Gouvernement canadien, en l'occurrence).
Peut-être en arriverons-nous à débuter la conjugaison de deux choses: nos droits et nos responsabilités. Les droits individuels sont une chose et la responsabilité de chacun à vivre en société en est une autre, mais que les deux doivent cohabiter.
Je trouve que cette cause est porteuse d'espoir, ne serait-ce que pour le débat qu'elle engendre.
Ça va pas pire, finalement !
Clin d'œil de la semaine
Dans l'expression « pas pire », on est toujours à un pas du pire!