Et s'il fallait cesser d'être sage pour bien vieillir et être heureux? Ce n'est pas le discours que l'on entend généralement. Et pourtant.
En 2006, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, dans un entretien au journal Le Nouvel Observateur, insistait sur le fait qu'avec l'âge, il importe de se stimuler intellectuellement pour assurer son « bien-vieillir ». Or, la stimulation intellectuelle exige de sortir de nos « zones de confort » : toutes ces activités qui relèvent de la routine et dans lesquelles, en vieillissant, nous courons le risque de nous engourdir.
Bien sûr, nous avons tous besoin d'une base rassurante et prévisible dans nos activités quotidiennes, pour nous prémunir contre l'anxiété et l'errance - même dans nos loisirs. Qu'on soit retraité ou professionnellement actif, la routine est comme un chandail chaud qu'on retrouve toujours avec la certitude du confort.
Mais plutôt que le confort tous azimuts, Boris Cyrulnik nous invite à viser l'équilibre entre la sécurité qu'entraîne la sagesse et la nouveauté toujours offerte à l'expérience humaine. Un équilibre d'ailleurs indispensable à l'enfant pendant les phases les plus actives de son développement intellectuel.
« Pour avoir une vie psychique, j'ai besoin de ce couple d'opposés : la base affective qui me sécurise et le monde étrange qui me stimule. Les âgés, parce qu'ils tentent moins d'explorations - la sécrétion de sérotonine et de dopamine s'est ralentie - ont tendance à se cantonner dans les activités où ils excellent, dans les lieux qu'ils connaissent, renforçant ainsi leur base de sécurité intime. »
La sagesse serait-elle donc un piège? Le mot est un peu sévère. Mais il est indéniable qu'à tout âge, notre vigueur intellectuelle repose sur la fréquence à laquelle nous accueillons la nouveauté.
Comment, donc, sortir de ce piège? Boris Cyrulnik ne manque pas d'idées. « [...] la culture : lieux de rencontre, voyages, associations, universités du troisième âge, etc., permettent d'entretenir la stimulation. Ils constituent les tuteurs de développement dont les âgés aussi ont besoin, comme les jeunes enfants. »
Autrement dit : continuer de se laisser surprendre par la vie, surtout quand on est âgé. Apprendre est souvent le projet de toute une vie. Mais quand on a, en plus, le luxe d'avoir du temps pour le faire et le loisir de le faire quand ça nous plaît, la clé d'un certain bonheur de vivre peut être tout près.
Et vous, avez-vous été trop sage cette année?
Lecture recommandée : CYRULNIK, B. « Apprendre à être heureux ». In : Le Nouvel Observateur, 5-11 octobre 2006 : 12-28.