Petite sortie à l'épicerie. Je sors de l'auto pour aller détacher bébé de son siège. Il dort profondément. Je déboucle sa ceinture délicatement, il se réveille quand même en sursaut et se met à pleurer. Il se débat et se met à crier.
Il lance sa tuque et une botte tombe par terre, dans l'eau. Je lui parle doucement, le rassure. Mais rien ne fait. Il émergeait probablement d'un rêve dans lequel il jouait dans une immense piscine de balles, en mangeant une purée fraise-banane.
À quelques voitures de nous, une femme me fixe et analyse ma situation. Je vois ses gros sourcils se froncer et son regard perçant me scruter. Je me sens jugée. Et puis voilà, le verdict tombe. Je sens qu'on me colle l'étiquette «mauvaise mère»!
Anyway, c'est le karma! Parce qu'avant d'avoir un enfant, j'ai tellement jugé les autres parents. Je me disais, moi je ne ferais pas ça de même! Pis ça non plus! Et maintenant que j'ai une progéniture, je confirme qu'à mon tour, je vis ces «twilight zones». C'est-à-dire un six minutes intenses en public qui démontre clairement que mon enfant est soit très fatigué, affamé, ou juste mystérieusement pas content.
C'est là que l'inconnu te fixe et prend le pouls de la scène. Dans les moments de crise, ou d'affirmation de soi devrais-je dire, j'applique la bienveillance parce que j'y crois et que les résultats sont positifs. Se détacher de la situation émotionnellement. Respirer. Prendre ça avec un grain de sel. Respirer. Vérifier les besoins de l'enfant. Respirer.
Parfois, j'ai le vulgaire fantasme du hurlement par-dessus l'épaule qui m'interpelle. Du genre : «QUOI!!! T'as jamais vu ça un enfant qui fait une crise de bacon toi?». Mais je serais loin de donner le bon exemple! Bien sûre, ça arrive à toutes les familles de devoir traverser le centre d'achat avec un enfant qui ne répond plus de lui-même. Parfois, on se regarde entre parents, et on se fait un petit clin d'œil en guise d'encouragements. Et bien sûr, quand rien ne va plus avec notre petite tornade, c'est correct si quelqu'un s'assure que tout va bien, malgré l'impasse.
Maintenant, imaginez que l'on donne le code vert au parent qui maîtrise parfaitement les états d'âme de son enfant. Le code jaune irait au parent qui hausse le ton et qui perd un peu patience, mais qui se ressaisit, heureusement. Et, il y a le code rouge. Malheureusement, j'en ai croisé quelques fois sur mon chemin. Un parent qui bascule dans l'agressivité et la violence par des mots et des gestes très brusques. Leur enfant pleurait de détresse et moi, j'étais paralysée avec mes sentiments d'impuissance.
Visiblement, le parent n'allait pas bien du tout. S'il agit de la sorte devant les gens, imaginez à la maison. Si vous êtes rentrés chez vous avec une boule dans la gorge et le cœur gros, avec plein de regrets et l'impression que vous auriez pu dire ou faire quelque chose devant un maudit code rouge, c'est que vous vous posez la même question que moi. Qu'est-ce qu'on fait dans ce temps-là??
Je sais aujourd'hui que je ne me fermerais plus les yeux. Évidemment, il ne faut pas dire n'importe quoi et aggraver le climat déjà tendu. Mais un parent qui franchit les limites de l'éducation et qui devient un bourreau, c'est un parent qui a besoin d'aide. C'est notre responsabilité en tant que citoyen de veiller au bien-être des enfants. Comme le dit si bien la DPJ : «Il faut être à l'écoute des enfants et rompre le silence. La protection des enfants relève de leurs parents, mais aussi de l'ensemble de la collectivité.»1
Cette semaine dans les médias, l'Alliance pour la santé étudiante au Québec (ASEQ) annonçait un nouveau code dans les bars pour aider les femmes en détresse. Peut-on penser à créer un concept pour aider les parents et les enfants qui vivent des épisodes de haute tension? Est-ce un appel à l'aide? Qu'est-ce qu'on peut faire en tant que citoyen devant un évènement de la sorte? Pour ma part, je n'ai pas encore trouvé la bonne réponse, alors je vous lance ma demande, à vous, et à l'Univers. Ensemble, trouverons-nous la solution?
1: http://www.cdpdj.qc.ca/publications/brochure_signalement_DPJ_FR.pdf