L'Assemblée nationale vient d'adopter à
l'unanimité la Loi protégeant les consommateurs contre l'obsolescence
programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l'entretien des
biens. Au-delà de sa perspective de protection des consommateurs, cette
législation s'inscrit dans la ligne de l'économie circulaire et doit être
accueillie favorablement.
Cinq mesures principales
Les objectifs de cette de loi s'actualisent de la
façon suivante :
a)
interdire la programmation de
l'usure des biens en vue d'en vendre davantage;
b)
créer une garantie de durée
minimale de fonctionnement de ces biens;
c)
inscrire un droit à la
réparabilité incluant la fourniture de pièces de rechange, des ateliers de
réparation, des outils et des manuels d'instruction;
d)
adopter une mesure anti-citron sur
les autos;
e)
obliger les fabricants d'appareils
électroniques à rendre compatibles leurs chargeurs de batterie.
Ces articles de loi seront insérées dans la Loi
sur la protection du consommateur (LPC) et seront graduellement mis en
application sur une période de 3 ans.
Une mesure depuis longtemps réclamée
Rappelons que le mouvement de consommateurs du
Québec dénonçait déjà, depuis près d'une cinquantaine d'années, l'« effort pour vendre » incluant
la publicité, le crédit, les méthodes de vente et l'obsolescence programmée,
dénommée alors désuétude planifiée. Et ce, dans le cadre de la remise en cause
de la société de surconsommation en plein essor à cette époque.
Il y a quelques années, à l'Université de
Sherbrooke, un chargé de cour en droit a mis ses élèves au défi d'élaborer une
telle loi afin de la présenter pour adoption par l'Assemblée nationale. C'est
le député indépendant Guy Ouellette qui en a fait un premier dépôt en 2019.
Appuyé par les mouvements écologique et de consommateurs, le ministre de la
Justice, Simon-Jolin Barrette a finalement fait accepter un projet de loi qui a
fait l'unanimité le 3 octobre dernier.
Soulignons aussi que le Québec est le premier état
à voter une telle loi en Amérique du Nord. Par contre, en Europe, la France a
déjà à son arsenal de la protection des consommateurs une loi similaire depuis
2015, loi peaufinée en 2021.
Mise en application de l'économie circulaire
Au-delà du bienfait réel pour la protection des
consommateurs, une telle législation s'inscrit dans la ligne de l'économie
circulaire qui remplacerait l'économie linéaire appliquée actuellement.
L'économie linéaire étant celle qui se caractérise par le processus suivant :
extraire - produire - consommer - jeter.
Quant à l'économie circulaire, elle implique des
stratégies qui, du début de l'élaboration des biens et des services jusqu'à
leur fin de vie, doivent tenir compte de l'utilisation parcimonieuse des
ressources naturelles, de procédés d'extraction et de production à émissions
nulles de GES, d'une consommation responsable et sobre ainsi que de mécanismes
maximisant la fin de vie des biens produits. Elle inclut le recyclage maximum
de tous les matériaux composant ces biens.
Toutes les mesures de cette loi, appliquées
rigoureusement et renforcées par la vigilance des consommateurs à s'en servir,
auront comme conséquence d'augmenter la durée de vie des biens visés. Augmenter
la durée de vie signifie choisir les métaux et les matériaux de façon à
diminuer leur utilisation, décarboner les procédés de production et de mise en
marché, allonger la durée de vie des produits (réparation, réemploi,
réutilisation) puis recyclage des métaux et autres matériaux. En fait la
circularité dans notre économie.
Finies les réponses : « Ça ne
vaut pas la peine de la faire réparer, ça va vous coûter plus cher que d'en
acheter une neuve », fini de se buter à un appareil irréparable à
cause de boulons non dévissables sans un outil spécial, finie la difficulté
d'obtenir des pièces de rechange, des outils et des manuels de réparation.
Si l'utilisation d'une ou de plusieurs de ces
mesures permettaient, par exemple, de conserver son auto 5 années
supplémentaires, et on peut appliquer le même raisonnement à son frigo, à son
ordinateur, à sa thermopompe ou à son lave-vaisselle, et autres, c'est moins
d'utilisation de matériaux et d'énergie donc moins d'émissions de GES dans
l'atmosphère. Au fil des années, cela aurait une incidence évidente.
C'est à prendre au sérieux
Pour que cette loi rende tous ses bienfaits, il
faudra:
a)
que le gouvernement fasse
respecter rigoureusement la Loi ;
b)
que les consommateurs l'utilisent abondamment
;
c)
que les organismes de consommateurs et
environnementaux maintiennent la pression pour son respect et pour sa
bonification.
Au-delà de la Loi qui s'inscrit dans le cadre de
l'économie circulaire, les stratégies de celle-ci devraient devenir le réflexe normal et
permanent pour toute la production de biens et de services dans notre société.
Il faut reconnaitre que l‘économie circulaire a de plus en plus d'adeptes.
Espérons que nous sommes sur la voie de changer de paradigme, de délaisser
l'économie linéaire.
Yves Nantel