Ayant pour mission
de veiller au maintien de l'ordre et de la moralité, les services de police ont
évolué en même temps que les localités qu'ils desservent. À Sherbrooke,
l'embauche d'un premier policier ne survient qu'à la fin du xixe siècle. Le premier
policier, nommé Pierre Couture, est engagé le 20 décembre 1874 pour effectuer
de la surveillance au centre-ville.
Au cours des
sept décennies qui suivent, l'histoire de la police sherbrookoise est indissociable
de celle du Service des incendies. Les hommes qui y travaillent sont
responsables aussi bien d'assurer la sécurité publique que de contrôler et
éteindre les incendies.
. À peine fondé, le jeune Service de
police doit s'adapter afin de faire face à la forte croissance démographique
que connaît la ville de Sherbrooke et aux innovations technologiques qui
marquent la société de l'époque.
Le chef de police Édouard Moreau
Édouard
Moreau, chef de la police de la ville de Sherbrooke, assis à son bureau, 195 Archives nationales à Sherbrooke, fonds
Famille Phaneuf (P1005, D3, P117). Photo : Jean-Marie Donahue.
Né en 1910 à Sherbrooke, Édouard Moreau étudie à l'école primaire
Saint-Jean-Baptiste, puis au collège de Beauceville.
Il travaille dans l'industrie du textile avant d'être engagé comme policier en
1938. Il
ne tarde pas à se démarquer et est rapidement promu aux rangs de caporal (1941)
puis de sergent (1942). À
la demande de l'ancien directeur du Service d'incendie et de police, Percy W.
Donahue, il est envoyé aux États-Unis afin de parfaire sa formation. À son
retour, il est nommé lieutenant (1943). Il devient ensuite le directeur du Service
de police nouvellement créé, en 1944. À
titre de chef de police, Édouard Moreau sera reconnu pour la discipline
rigoureuse qu'il instaurera au corps de police sherbrookois.
La modernisation de la formation
Leçon de judo à
laquelle assistent des policiers de la ville de Sherbrooke, entre 1952 et 1960. Archives
nationales à Sherbrooke, fonds Famille Phaneuf (P1005, D3, P34). Photo :
Jean-Marie Donahue.
La nomination d'Édouard Moreau à
la tête du Service de police le place devant des défis de taille, notamment
parce que les policiers sous sa gouverne n'ont pas reçu de formation à
proprement parler.
Cette absence de formation n'est
pas exceptionnelle pour l'époque. En
effet, les critères d'embauche sont plutôt associés à l'âge, à la réputation, aux
antécédents judiciaires, à la taille, à la condition physique ainsi qu'à la
connaissance des langues officielles.
Pour remédier à l'inexpérience
relative du personnel, Édouard Moreau s'assure que les policiers bénéficient de
formations modernes, voire avant-gardistes, qui les prépareront à intervenir
plus efficacement dans le cadre de leurs fonctions.
Il veille tout d'abord à l'entraînement
physique des policiers. À partir de 1952, des leçons de judo leur sont ainsi offertes
directement au centre de police. Cet
apprentissage permet aux policiers de maîtriser les contrevenants sans avoir
recours aux armes.
Des
policiers s'entraînent à utiliser des armes à feu dans un champ de tir sous la
supervision du chef de police Édouard Moreau, 195 Archives nationales à Sherbrooke, fonds
Famille Phaneuf (P1005, D3, P85). Photo : Jean-Marie Donahue.
Exercices
de tir au pistolet effectués dans un champ de tir par des policiers en tenue
civile, 1956. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Famille Phaneuf
(P1005, D3, P103). Photo : Jean-Marie Donahue.
L'utilisation
des armes à feu fait également l'objet de formations rigoureuses. S'inspirant
volontiers du modèle militaire, le chef de police exerce « sa petite armée »
au tir du pistolet, de la carabine portative, de la mitrailleuse et même de la
grenade.
Édouard Moreau
rédige en outre un petit manuel afin que les policiers et les recrues connaissent
bien leur rôle, les règlements internes du Service de police ainsi que les lois
en vigueur.
Groupe de policiers
assistant à une formation sur les armes à feu, 195 Archives nationales à Sherbrooke,
fonds Famille Phaneuf (P1005, D3, P83). Photo : Jean-Marie Donahue.
En 1960, une
première école de police régionale voit le jour à Sherbrooke. La formation
annuelle est ouverte aux policiers de Sherbrooke et des villes environnantes. Édouard
Moreau y enseignera pendant 15 ans.
Fait remarquable : le FBI y dispense des formations, notamment sur l'usage
des armes à feu.
Aucun service de police canadien n'avait pu jusqu'alors bénéficier de
formations offertes par le célèbre service de renseignement américain.
Une attitude controversée, un héritage important
Sous la
direction d'Édouard Moreau, la police à Sherbrooke entre résolument dans l'ère
de la modernité. La formation des policiers se développe considérablement, notamment
en ce qui concerne l'utilisation des armes à feu.
À partir des
années 1960, cependant, l'attitude de Moreau est la cause d'un vif
mécontentement au sein du Service de police, plusieurs lui reprochant une
discipline excessive ainsi qu'une attitude paternaliste et autoritaire. À la
suite d'une enquête, le conseil municipal décide de revoir la structure du Service
de police et de réduire le pouvoir qui est attribué à son chef. Édouard
Moreau conserve néanmoins son poste jusqu'à sa retraite, le 31 décembre 1975, après
33 années de service. Le maire de Sherbrooke de l'époque, Jacques O'Bready, ne
manquera pas de souligner sa contribution à la mise sur pied d'un service de
police qui se démarque par son efficacité et sa discipline.
Afin de rendre
hommage à Édouard Moreau et de rappeler son importance dans l'histoire de la
police sherbrookoise, son portrait est intégré en 2007 à la murale Tradition
et prévention, située au 275, rue Marquette.
La période
pendant laquelle Édouard Moreau a été chef de police est caractérisée par
d'importantes transformations sociales et technologiques. La généralisation de
l'usage de l'automobile, en particulier, change profondément le travail des
policiers. Vous aimeriez en savoir plus sur ce sujet? Ne manquez pas notre
prochain article!
Pour obtenir plus d'information sur l'histoire de Sherbrooke et de
l'Estrie et sur les institutions qui ont marqué la région, nous vous invitons à
venir consulter les différents fonds et collections conservés par BAnQ :
Archives nationales à Sherbrooke
225, rue Frontenac, bureau 401
819 820-3010, poste 6330
archives.sherbrooke@banq.qc.ca
Sources :
La Tribune, 23 septembre
1960, p. 6.
La Tribune, 25 avril 1962,
p. 3.
LECLERC, Jean-François, « La Sûreté du Québec des
origines à nos jours : quelques repères historiques », Criminologie,
vol. 22, no 2, 1989, p. 107-127.
MCAULEY, Gordon et BLAIS,
Laurent, La police de Sherbrooke : 125 ans d'histoire, Sherbrooke,
Éditions GGC, 1998, 263 p.
Gordon
McAuley et Laurent Blais, La police de Sherbrooke : 125 ans
d'histoire, Sherbrooke, Éditions GGC, 1998, p. 53-54.
Ibid.;
et La Tribune, 23 septembre 1960, p. 6.
Gordon
McAuley et Laurent Blais, op. cit., p. 53-54.
Ibid.,
p. 58-59.
Ibid.
Jean-François
Leclerc, « La Sûreté du Québec des origines à nos jours : quelques repères
historiques », Criminologie, vol. 22, no 2, 1989, p. 122.
Gordon
McAuley et Laurent Blais, op. cit., p. 55.
Ibid., p. 111.
Ibid.
Ibid.
Ibid., p. 112.
Ibid., p.
68.
La
Tribune, 25 avril 1962, p. 3.
Gordon
McAuley et Laurent Blais, op. cit., p. 59.
Ibid.,
p. 59-68.
Ibid.