« Nous menons une guerre contre la nature. Si nous la
gagnons, nous sommes perdus. » Hubert Reeves.
C'est tout un contrat que nous avons entrepris. Il
se situe autant au niveau mondial, national, qu'individuel. Se réconcilier avec
la nature implique de respecter ses règles afin de ne pas dépasser les
capacités planétaires.
LE CONTRAT
Le contrat repose sur deux axes majeurs et un axe
transversal.
Axes majeurs :
-
la réhabilitation du climat
-
le maintien de la biodiversité
Axe transversal :
La réhabilitation du climat
Les émissions des GES, responsables du
réchauffement climatique et de ses conséquences sur la planète, sont
constituées à 72 % de gaz carbonique (CO2),
à 19 % de méthane (CH4) et à 6 % de
protoxyde d'azote (N2O). Le trop plein de CO2 provient très principalement des énergies fossiles que sont le
charbon, le pétrole et le gaz naturel que nous extrayons du sous-sol et dont la
combustion produira de l'énergie pour produire les biens, pour se déplacer,
pour se chauffer, pour cuire les aliments. Le contrat consiste alors à remplacer les énergies
fossiles par les énergies renouvelables dont l'éolien, le solaire et
l'hydraulique. Le débat est en cours sur la pertinence et la nécessité du
nucléaire.
Pour atteindre le contrat, on discute de
l'utilisation des techniques de captage et stockage de carbone. À ce jour, rien
ne laisse croire qu'elles peuvent s'avérer des moyens substantiels sur lesquels
on peut compter.
Les émissions de méthane et
de protoxyde d'azote sont issues de l'élevage
des ruminants et du traitement des déchets pour le premier gaz et des
fertilisants et autres rejets agricoles pour le deuxième.
Le contrat nous obligera à diminuer radicalement
la production de viandes rouges donc de sa consommation. Nous devrons adopter
l'agroécologie à savoir des méthodes de culture qui épousent les façons de
faire de la nature. Plusieurs expériences se réalisent actuellement mais nous
sommes loin de leur application intégrale. Le défi est grand car il faut
continuer à produire pour se nourrir.
La réhabilitation du climat passe aussi par la
préservation des puits naturels de captage de carbone que sont les océans et la
terre. Les océans sont les plus grands capteurs de CO2.
Il faut donc à tout prix les dépolluer et restaurer leurs capacités maximales
de captation. À preuve : si la biosphère terrestre - forêts, marais, pergélisol
- contient 4 fois plus de carbone que l'atmosphère, les océans, pour leur part,
les océans en contiennent 47 fois plus. En plus de la captation du carbone, les
océans nous procurent un réservoir de nourriture et d'emplois des plus
importants.
La cible à atteindre : la carboneutralité en 2050, la réhabilitation du climat en 2100.
Le maintien de la biodiversité
Des scientifiques estiment que nous venons
d'entrer dans l'ère de la 6e extinction de masse.
On parle d'extinction de masse au moment où plus de la moitié de la vie sur
terre disparait. Le taux d'extinction des
espèces connaît une accélération de 100 à 1000 fois plus rapide que celui qu'on
associe aux événements catastrophiques survenus aux cours des dernières
dizaines et de millions d'années. Selon l'IPBES,
en continuant comme actuellement, un quart des espèces seraient menacées
d'extinction dès les prochaines décennies.
La nature évolue lentement dans un équilibre
relatif entre tous ses éléments. Aujourd'hui, un de ses éléments, les Humains,
est en train de détruire cet équilibre avec une fulgurance inédite.
Le contrat pour le maintien de la biodiversité
doit comprendre :
-
la restauration de la capacité de
reproduction de la vie dans les océans. Cette capacité est amoindrie à cause de
la surpêche industrielle, de l'acidification des océans, de la pollution par
les plastiques apportant comme conséquence la perte des services qu'ils nous
apportent (nourriture, emplois);
-
la création d'aires marines et
terrestres protégées;
-
la réduction de la déforestation;
-
la minimisation de
l'artificialisation des terres. Cette dernière est occasionnée par l'étalement
urbain alors qu'on remplace le sol naturel par de l'asphalte, du béton, des
édifices.
Il existe un lien étroit entre le dérèglement du
climat et la perte de biodiversité. Le contrat doit en tenir compte dans sa
stratégie.
La justice climatique
Le contrat doit aussi comprendre un axe
transversal, un axe qui traverse les deux premiers. Le principe du «
pollueur-payeur » est le pivot sur lequel oscille la justice climatique. C'est vrai au niveau international : on ne doit
pas exiger des efforts démesurés aux pays dont les habitants ont une empreinte
écologique faible. Au contraire, la justice climatique implique que l'on doive
aider ces pays à sortir des énergies fossiles, par exemple, tout en assurant
leur développement. La même logique s'applique à l'intérieur de chaque
pays. Ceux qui ont contribué au dérèglement du climat et à la perte de
biodiversité doivent assumer leur réhabilitation proportionnellement à leur
contribution.
Oui, tout un contrat. Avons-nous le choix ? Les sceptiques seront confondus
au fur et à mesure des nouveaux événements catastrophiques que la nature
s'apprête à nous infliger.
IPBES
: Plateforme intergouvernementale scientifique sur la biodiversité et les
services écosystémiques, créée en 2012 par 140 pays. On la compare souvent au
Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).