Ils sont nombreux les architectes et les designers pour qui toute ornementation est à proscrire. Formés à l'autel des modernistes, pour qui la forme doit exprimer la fonction, ils recherchent la ligne pure sans fioritures. Le nouvel engouement pour le style contemporain sonne-t-il le glas de l'ornementation intérieure?
Selon la designer Marie-Josée Lafortune, l'ornementation n'a assurément plus la cote ces temps-ci. Elle ne se résout pas pour autant à tout arracher dans le cadre de rénovations. « Par exemple, je vais peindre les boiseries de couleur sombre et les murs en blanc, ce qui rafraîchit l'intérieur », explique-t-elle. Dans un autre cas, une rosace dans un décor champêtre a été peinte en blanc pour mieux se confondre au plafond. « Tout revient éventuellement, philosophe-t-elle. Regardez le papier peint : on en met partout maintenant. »
Propriétaire de Cornici Créations à Trois-Rivières, Dino Predan ne s'en fait pas pour autant. Même si le niveau d'activité a baissé, « quatre, cinq ans, six tout au plus et les choses reviendront à la normale, dit-il. Le plâtre est toujours resté. » Selon lui, ce ne sont pas tous les clients qui prisent le blanc hôpital; du blanc partout, sur les murs, sur les plafonds, sur les meubles. Il y aura toujours des gens qui préfèrent un style plus classique.
C'est surtout sa très grande polyvalence qui fait du plâtre un matériau aussi intéressant. Tout est fait sur mesure, ce qui permet de personnaliser les intérieurs des maisons haut de gamme et d'ajouter de la valeur et du cachet. Dans le cadre d'une rénovation, certains ornements seront appelés à être restaurés et dans certains cas, refaits de toutes pièces. « Nous prenons alors une empreinte, explique-t-il, pour faire le travail en atelier et revenir l'installer une fois la pièce terminée. »
Corniches, moulures, colonnes, socles, niches, rosaces, manteaux de cheminée sont autant d'occasions de mettre en valeur le savoir-faire d'artisans qui ont conservé bien vivante la tradition de l'ornementation. « Dans le secteur commercial, plus c'est gros, plus c'est léger. Un homme peut repartir avec la moitié de ces très grandes colonnes sur son épaule », lance-t-il.
S'adapter aux dernières tendances
Architectural Impact n'a rien perdu non plus des traditions artisanales du travail du plâtre et de la pierre reconstituée. L'entreprise travaille avec des particuliers, des designers et des constructeurs, tant dans la construction neuve que la rénovation et la restauration. « La seule différence, explique la présidente Francine Blanchette, c'est que le travail se fait maintenant en atelier plutôt que sur place. Nous faisons le travail à mesure, car nous n'avons pas l'espace pour maintenir un stock. »
« Nous pouvons offrir une variété infinie de moulures, bien plus que ne peut en offrir Réno Dépôt », soupire la présidente. Mais voilà, la tendance contemporaine ne supporte pas la moindre fioriture. Pour survivre, Architectural Impact mise sur la pierre reconstituée qui se décline du beige au gris « béton » et que l'on destine au manteau de cheminée, au-dessus de comptoir et même à la hotte de cuisinière. L'entreprise travaille en ce moment sur un recouvrement d'escaliers de même nature. « Avec le plancher en bois sombre, et même le plafond en bois, c'est du plus bel effet », souligne la présidente.
Armés de fibre de verre, tous ces produits sont à la fois résistants et légers, un peu à la manière des décors de cinéma. « Nous pouvons réaliser des manteaux de cheminée de deux étages de haut sans pour autant qu'il faille renforcer le plancher ou les murs », note Francine Blanchette.
Nouveaux produits ornementaux
D'autres produits ont en quelque sorte pris la place des éléments d'ornementation traditionnels. « Le bois est très en vogue pour ajouter de la chaleur et de la texture aux murs. On retrouve aussi des panneaux de métal ou encore à effet métallique. Il y a également la céramique que l'on utilise de plus en plus sur les murs », explique la designer Marie-Josée Lafortune. Escaliers, rampes, balustres, hottes de cuisine, jusqu'à l'éclairage qui revêtent une dimension architecturale et participent au facteur wow d'un intérieur. Dans cette quête d'originalité, le plafond s'avère une troisième dimension à explorer. C'est ainsi que la designer a apposé au plafond d'un « lounge » en sous-sol des pastilles sur lesquelles ont été installés des luminaires à DEL. Elle travaille aussi la moulure de style « shaker » pour souligner la tête de lit ou dans la salle à manger.
Reconnu pour ses produits de polyuréthane, Plastika revêtement (anciennement Les Plastiques GPL) lance justement à la fin septembre une gamme de panneaux muraux en polyuréthane qui imitent à s'y méprendre le revêtement de pierre. « Nous avons regardé ce qui se fait actuellement et jugé que nous pouvions offrir une très belle imitation », souligne la vice-présidente, Isabelle Paiement.
Offert en trois types de pierre et plusieurs couleurs, le nouveau produit peut se retrouver tant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Très légers, les panneaux de 2 pi x 4 pi s'installent aisément à l'aide de colle ou de vis. Selon la vice-présidente, le produit convient particulièrement bien au sous-sol, au hall, à la salle de bains ou peut servir de manteau de foyer s'il s'agit d'un foyer au gaz. Le phénomène du « vivre dehors » offre aussi à l'entreprise de nouveaux débouchés : elle réalise tant pour l'extérieur que l'intérieur des vérandas et pavillons, ouverts ou fermés, étant donné la résistance aux intempéries du polyuréthane.
Un souci environnemental
Au-delà de la peinture à faible teneur de composés organiques volatils (COV), la construction écologique a pour sa part redécouvert des enduits anciens non toxiques sans produit chimique, qui sont propres à la décoration intérieure. C'est le cas du marmorino, fait de poudre de marbre et du tadelakt, un stuc d'origine marocaine à base de chaux qui s'applique à la truelle et permet des réalisations des plus originales.
Le tadelakt trouve tout naturellement sa place dans la salle de bains grâce à ses propriétés hydrofuges et antifongiques, et lui confère plus de chaleur que la céramique. La malléabilité du matériau permet de créer des bancs, des niches, des tablettes ainsi que des réalisations en sgrafitto où l'artisan réalise de véritables œuvres d'art en superposant des couches et en grattant la matière pour créer des motifs et des textures.
Peu importe le style (et le budget), l'homme a toujours trouvé le moyen à travers les époques de s'offrir un peu de réconfort et de personnalisation en aménageant son intérieur.
Source : Magasine Québec Habitation septembre 2015. Magasine publié par l'APCHQ Provinciale.