Voyant une maison prendre un coup de vieux, quoi de plus normal que de songer à la chirurgie esthétique ! Mais, tout comme un plasticien ne transforme pas le quidam en Leonardo Di Caprio, on ne fait pas d'un immeuble victorien un building art déco.
En fait, en matière de rénovation, il importe de toujours résister à l'envie de modeler un tout nouvel édifice.
Pailleurs, de telles « opérations » ratent plus souvent qu'autrement. Effectuées sur des immeubles, elles viennent non seulement défigurer ces derniers, mais elles tracent de curieuses cicatrices dans un quartier. Pour éviter d'en arriver là, il faut avant tout tenir compte des caractéristiques d'origine d'un bâtiment. Et ensuite travailler à en préserver les éléments patrimoniaux.
Cela dit, n'est pas patrimonial uniquement ce qui a pignon sur rue dans des quartiers historiques ou au coeur d'un village bicentenaire. Si le patrimoine rappelle le passé, il ne renvoie pas qu'au passé ancestral. D'ailleurs, il est fréquent de parler de « patrimoine moderne ».
Patrimoine? Ouvrez les yeux...
À quoi reconnaît-on pour autant la valeur patrimoniale d'un immeuble ou de certains de ses éléments? Il faut ouvrir les yeux : attention particulière aux ouvertures (portes et fenêtres), revêtements, couronnements (corniches, mansardes, parapets, etc.), détails de menuiserie et de métal ainsi qu'aux saillies et avant-corps (balcons et escaliers). Dans tous les cas, il s'agit d'observer les matériaux, couleurs, textures, dimensions et techniques de construction. On n'en fait plus du pareil ou il est difficile d'en faire autant aujourd'hui ? Ces éléments, ou l'immeuble entier?, ont une valeur patrimoniale certaine.
C'est notamment le cas de la majorité des plex des vieux quartiers de Montréal, Québec, Trois-Rivières et Sherbrooke. Succomber à la tentation de modifier de tels immeubles entraîne une conséquence peu banale : il devient impossible de leur redonner un jour leur look original. En cas de doute quant au caractère patrimonial, on peut tenter un coup de fil à sa municipalité. À Montréal, par exemple, le Service des permis et inspections offre des conseils en la matière.
Gare aux thérapies de cheval
Un édifice qui a atteint un âge vénérable affiche par ailleurs, un jour ou l'autre, des signes de fatigue. Bref, la rénovation demeure inévitable. À éviter cependant : la thérapie de cheval pour soigner de petits bobos... Dans bien des cas, il est nettement plus sage de rajeunir les éléments plutôt que de les remplacer de but en blanc. Un exemple? Une maçonnerie abîmée n'appelle bien souvent qu'à un simple nettoyage et un rejointoiement des briques.
En fait, ce n'est qu'en dernier recours que l'on devrait songer à remplacer des éléments d'origine par des nouveaux. Et si on en vient à opter pour de nouveaux, il faut alors rechercher des matériaux qui s'approchent le plus possible des originaux ou qui, à tout le moins, s'harmonisent aux caractéristiques originales. Gare aux matériaux dits « sans entretien ». Non seulement viendront-ils défigurer définitivement l'immeuble, mais les belles propriétés qu'on leur attribue relèvent davantage du mythe que de la réalité...
La cote au vieux
Les années 70 et 80, époque où on ne jurait plus que par le « moderne », ont accouché d'un bon nombre d'hérésies architecturales en matière de rénovation. Heureusement pour notre paysage, cette mode est derrière nous. Aujourd'hui, c'est le vieux qui a la cote. Tant et si bien que nombre d'architectes puisent actuellement dans les idées de leurs ancêtres pour dessiner les nouveaux immeubles.
Dans un tel contexte, il vaut assurément plus que jamais la peine d'investir temps et argent dans la restauration d'un édifice. Pour preuve, ceux qui, par le passé, ont tenté d'apporter une touche de moderne à un édifice ancien s'en mordent maintenant les doigts : non seulement ont-ils entre les mains un bâtiment balafré à jamais, mais un bâtiment dont la valeur de revente aurait pu s'apprécier... s'ils n'en avaient par renié le caractère d'origine.