C'est assis sur la chaise de Gabriel Nadeau-Dubois et vêtu d'un complet bleu marine, motivé par un bon stress et accaparé d'espoir et de conviction, que j'ai siégé à l'Assemblée nationale du Québec durant trois jours.
Entouré de 124 autres jeunes à l'esprit folâtre ailleurs qu'attablé au McDonald's avec un sac banane Supreme, j'ai adoré jouer le député, quoique c'était un peu (beaucoup) l'inconnu pour moi. N'ayant jamais été filmé durant un discours, n'ayant jamais pénétré dans le Salon bleu et n'ayant jamais, tout simplement, siégé au Parlement, j'avais peur de cette expérience constellée de trop de « jamais » pour le circonspect Scorpion que je suis. En fin de compte, j'avais seulement peur d'avoir peur.
Démocratiser la politique. Sans insinuer que la nôtre est trop peu démocratique, j'emploie ici le verbe « démocratiser » au sens figuré ; rendre notre système politique plus accessible, le vulgariser, en somme. Et, dans ce sens, c'est génialissime de faire un cocktail de futurs électeurs sherbrookois, almatois et vaudreuillois, pour ne nommer que ces gentilés.
Pour nous, c'est plus que magique d'avoir l'opportunité de débattre au théâtre même de la politique québécoise. Pour eux, c'est plus que magique de savoir demain prodigieux, épatant, abonni par des idées de taille, pris en charge par la génération Z qui comporte, elle aussi, ses René Lévesque, ses Maurice Duplessis et ses Robert Bourassa.
En toute honnêteté, je ne savais pas quoi écrire sur mon séjour, tellement c'était singulier. Rien ne sonnait juste. Un « once in a lifetime » dont tous les mots sont essoufflés de pertinence, comme désuets, cherchant à tâtons ce qu'il leur reste de vérité. Ainsi, je vais simplement vous laisser des faits saillants, pour illustrer : signature du livre d'or, assermentation, rencontre avec le vice-président et le lieutenant-gouverneur, visite privilégiée de l'antichambre du premier ministre avec M. Éric Caire, nouvelles amitiés et ineffables plaisirs.
Soixante-douze heures durant, j'ai enchaîné les moments grisants. J'ai mangé les meilleures profiteroles de ma vie ainsi qu'un burger entre deux gaufres, j'ai passé deux nuits au Château Laurier à me baigner et à faire de l'exercice avec des gens que je peux désormais appeler des amis, j'ai créé tout plein de souvenirs qui vont de « plaisant » à « inoubliable » et, par-dessus tout, j'ai eu la certitude que la politique m'intéresse grandement et que je suis, chemise Calvin Klein et pantalon prince de Galles à l'appui, dans mon élément en Chambre.
Malgré les quelques ampoules aux pieds causées par mes souliers Kenneth Cole et les nuits d'à peine cinq heures, c'est une expérience des plus enrichissantes que j'ai vécue. J'ai appris beaucoup, ri souvent, pleuré de joie un tantinet. Les amitiés qui en découlent et le bagage apporté me sont plus que chers.
Et j'espère sérieusement que ces mots ont su vous démocratiser la politique ou, du moins, celle que j'ai expérimentée, qu'ils n'étaient pas essoufflés de pertinence ou désuets. Même si c'est peut-être impossible de décrire l'indescriptible dans le Parlement des jeunes, j'aurais essayé.
Alexis Jacques, La parole est aux ados