Au Québec, les communautés
religieuses ont longtemps eu la responsabilité, voire le contrôle,
d'importantes sphères d'activité, notamment l'éducation et la santé. Jusqu'au xxe siècle, de nombreux
bâtiments sont érigés par ces communautés, toutes dénominations confondues,
afin d'accueillir leurs ouailles. À partir de l'après-guerre, la société
québécoise entre dans un processus de laïcisation. Graduellement, le rôle des
communautés religieuses se limite davantage à l'encadrement de la vie
religieuse. Même si le nombre de clochers continue d'augmenter dans la première
moitié du xxe siècle,
plusieurs édifices, dont les hôpitaux et les écoles, doivent être rénovés et adaptés
aux changements. Par la suite, le nombre de fidèles diminue progressivement, ce
qui mène aux fermetures d'églises auxquelles on assiste actuellement. Alors que
certains bâtiments sont détruits, d'autres se voient offrir une seconde vie.
C'est le cas des édifices que nous vous présentons ici.
Hôpital Saint-Vincent-de-Paul de
Sherbrooke
L'hôpital Saint-Vincent-de-Paul de Sherbrooke, où logent actuellement les
résidents du CHSLD Saint-Vincent, vers 1945. Archives nationales du Québec à
Sherbrooke, fonds Chambre de commerce de Sherbrooke (P1, S6, SS10, D1, P18). Photo :
Roméo Duford.
Au début du xxe siècle, l'essor de la
population sherbrookoise crée une pression importante sur l'Hospice du
Sacré-Cœur, qui n'arrive plus à soigner convenablement tous ses patients. C'est
pourquoi l'Hôpital Saint-Vincent-de-Paul ouvre ses portes le 29 mars 1909. Les
Sœurs de la Charité de Saint-Hyacinthe sont responsables de l'Hospice et du
nouvel hôpital général. Dès son ouverture, l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul offre
la chirurgie ainsi que le traitement des maladies infantiles, oculaires,
bactériologiques et urinaires. Puis, deux autres départements voient le jour,
soit la radiologie et la radiothérapie, respectivement en 1910 et 1925.
La bonne réputation de l'hôpital
lui permet de s'associer avec les universités de Montréal et Laval en 1954 et
1956. Grâce à cette affiliation, les internes peuvent poursuivre leur formation
dans les couloirs de l'hôpital sherbrookois. Malgré sa renommée, le coût pour
moderniser les équipements et la compétition avec l'Hôtel-Dieu de Sherbrooke
poussent la communauté religieuse responsable à vendre l'établissement à un
groupe laïc pour la somme symbolique d'un dollar. Les seules conditions de
vente sont de payer les dettes et le passif de l'hôpital.
Grâce à sa vente et au paiement
de sa dette, l'établissement médical peut poursuivre ses activités et voit même
son personnel doubler. De ce fait, les locaux de l'hôpital laissés vacants par
le départ des Sœurs de la Charité de Saint-Hyacinthe sont réaménagés, voire agrandis.
Malgré cette modernisation, l'établissement du 300, rue King Est, sera plus
tard transformé. Il accueille depuis le CHSLD Saint-Vincent. Le bâtiment conserve
donc une vocation similaire à la mission d'origine des Sœurs de la Charité
malgré leur départ.
Église Sainte-Thérèse
d'Avila de Sherbrooke
L'église Sainte-Thérèse d'Avila, dans laquelle on trouve actuellement le
restaurant OMG, entre 1952 et 1957. Archives nationales du Québec à Sherbrooke,
fonds Denis Tremblay (P11, S3, SS2, D7). Photographe: non identifié.
Entre 1911 et 1921, la ville de
Sherbrooke est en plein essor, passant de 22 424 à 32 154 habitants.
En parallèle, le nombre de fidèles catholiques augmente également, d'où la
création d'une nouvelle paroisse et l'érection de l'église Sainte-Thérèse-d'Avila
en 1922. Celle-ci est la proie des flammes en 1938, mais est aussitôt rénovée. En
1952, l'église est reconstruite selon les plans de l'architecte Denis Tremblay.
Faute de fidèles et parce qu'elle
a besoin de nombreuses réparations, l'église Sainte-Thérèse-d'Avila ferme après
la dernière messe, le 24 juin 2001. Dès lors, le lieu de culte est vendu et réaménagé
afin d'accueillir une cuisine et une salle à manger. En 2004, le restaurant
l'Olive Bleue ouvre ses portes à ses premiers clients. Puis, en 2013, le
restaurant OMG (Oh My God), un clin d'œil à l'atmosphère bénie du lieu, reprend
les fourneaux de l'ancienne église Sainte-Thérèse-d'Avila.
Église Sainte-Marguerite de
Magog
L'église Sainte-Marguerite de Magog, qui accueille aujourd'hui la
bibliothèque municipale, 1964. Archives nationales du Québec à Sherbrooke,
fonds Jacques Darche (P5, S2, SS2, D170). Photo : Jacques Darche.
Depuis sa fondation, l'essor
démographique de Magog suit le rythme du développement industriel. Notamment,
l'installation de la Dominion Textile (alors la Magog Textile and Print
Company) en 1883 contribue à l'augmentation de la population. En 1949-1950,
l'église Sainte-Marguerite de Magog est érigée afin d'accueillir ces nombreuses
familles ouvrières. Celle-ci remplace le lieu de culte temporaire en bois construit
en 1921.
Lors de son cinquantenaire, les
fenêtres, les portes et le clocher de l'église sont réparés. Toutefois, en
2007, la diminution du nombre de fidèles ainsi que le manque de revenus pour
continuer les réparations mènent à la fermeture du lieu. L'année suivante,
l'église est vendue à la Ville de Magog qui lui donne une nouvelle vocation,
celle de bibliothèque municipale, à partir de 2011.
Église Plymouth-Trinity de Sherbrooke
Église Plymouth-Trinity de Sherbrooke,
vers 1958. Archives
nationales du Québec à Sherbrooke, fonds Denis Tremblay (P11, S1, SS6, D4). Photographe:
non identifié.
L'église Plymouth-Trinity de
Sherbrooke est construite en 1851 afin de répondre à l'augmentation du nombre de
familles congrégationalistes, qui passe de 20 à 805 entre 1852 et 1861. En
1925, les méthodistes, les congrégationalistes et une partie des presbytériens
du Canada s'unissent pour former l'Église Unie du Canada. Dès lors, le temple
situé au coin des rues Dufferin et de Montréal est renommé Plymouth-Trinity
United.
Le sort de l'église
Plymouth-Trinity de Sherbrooke pourrait changer dans les prochaines années. Les
élus du conseil municipal ont comme objectif de transformer cette dernière en
cinémathèque. Selon ICI Radio-Canada Estrie, un nouveau bâtiment serait
construit derrière l'édifice actuel afin de faire place à 15 résidences
d'artistes, un studio de tournage, des locaux de création et un lieu de
diffusion. On espère que ce bâtiment de style néoclassique signé par
l'architecte Wilhelm Footner trouvera une nouvelle mission qui lui assurera de
conserver sa place dans la ville aux nombreux clochers.
Plusieurs bâtiments québécois,
aux caractéristiques architecturales et aux vocations premières fort variées,
ont réussi à adopter une seconde mission. D'autres, peut-être par manque de
promoteur, ont été détruits ou le seront. C'est le cas de l'église Saint-Joseph
de Granby, démolie en 2017, et de l'église Saint-James de Compton qui passera
peut-être prochainement sous les pics démolisseurs. La désacralisation de lieux
de culte ne peut malheureusement sauver tous les clochers. Toutefois, la région
des Cantons-de-l'Est peut s'enorgueillir de ses projets de transformations
exemplaires qui respectent les valeurs patrimoniales des bâtiments tout en
répondant aux besoins contemporains de la population locale.
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Sources
« Autorisation de Québec : Formation d'une nouvelle
corporation à l'hôpital St-Vincent de Paul », La Tribune, 22
septembre 1965, p. 3.
BLANCHETTE, Guy, « L'hôpital universitaire ne devra pas
exister au détriment des autres hôpitaux », La Tribune, 5 janvier
1967, p. 2.
BOMBARDIER, David, « Sainte Thérèse d'Avila aide Danville
avant de s'effacer », La Tribune, 28 juin 2001, p. A3.
Centre Monseigneur Racine, « Hôpital
Saint-Vincent-de-Paul (Sherbrooke) », Exposition virtuelle,
https://expo2.archivesmgrracine.org/fr/soin/soeurs-de-la-charite-de-saint-hyacinthe/contributions/hopital-saint-vincent-de-paul-sherbrooke
(consulté le 6 mars 2022).
DESHAIES,
Thomas, « Un village de création à venir dans l'église Plymouth-Trinity de
Sherbrooke? », Radio-Canada, 1er février 2022.
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1859037/batiment-patrimonial-sherbrooke-hub-creatif-art-culture
(consulté le 23 septembre 2022).
« Historique », La Tribune extra, 16 mars
1985, p. 2-3.
Université de Sherbrooke, « Population de Sherbrooke et
ses arrondissements, 1818-2013 », Patrimoine espace web, http://patrimoine.espaceweb.usherbrooke.ca/fr/statistiques/habitants.php
(consulté le 3 mars 2022).