Vous avez sûrement déjà stationné votre véhicule dans un endroit indiquant que le propriétaire du terrain n'est pas responsable des dommages occasionnés à votre automobile ou encore vous avez sûrement déjà signé une décharge de responsabilité civile lorsque vous vous apprêtiez à sauter en parachute, à accomplir un parcours d'hébertisme, à escalader une paroi ou encore à monter à cheval dans un club équestre.
Vous vous êtes alors probablement questionné à savoir si de telles limitation ou exclusion complète de responsabilité sont légalement valides et anéantiraient ainsi toutes vos chances de poursuite en justice en cas de dommages à votre personne ou à vos biens.
En fait, vous devez savoir que certaines dispositions qu'on retrouve dans le Code civil du Québec (C.c.Q.), de même que dans la Loi de la protection du consommateur (L.p.c.) viennent interdire ou nuancer l'application de telles clauses, et ce, peu importe si vous avez aperçu la mise en garde sur une enseigne ou encore si vous avez lu et signé le document de décharge.
De fait, la loi prévoit qu'on ne peut exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice matériel causé à autrui par notre faute intentionnelle ou notre faute lourde (art. 1474 C.c.Q.). Cette faute qualifiée de « lourde » est celle qui dénote d'une insouciance, une imprudence ou une négligence grossière. Ce faisant, les clauses d'exonération de responsabilité sont valides en l'absence d'une telle faute.
Or, dans tous les cas, si vous êtes un consommateur transigeant avec un commerçant, la loi prévoit que la stipulation par laquelle ce dernier se dégage des conséquences de son fait personnel ou de celui de son représentant est invalide, ce qui préserve vos recours (art. 10 L.p.c.).
De plus, dans tout type de contrat, on ne peut exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice corporel ou moral causé à autrui. Il s'agit d'une règle d'« ordre public », qui est donc impérative et à laquelle personne ne peut déroger par convention. Ceci rend invalide toute clause par laquelle une personne tenterait d'exclure ou limiter sa responsabilité pour les dommages physiques ou psychologiques qu'il vous causerait.
Finalement, vous devez savoir que la tendance jurisprudentielle est à l'effet que la personne qui pratique un sport accepte les risques et dangers raisonnables, normaux et prévisibles inhérents à celui-ci, mais elle n'assumera toutefois pas l'aggravation de tels risques causés par le manque de vigilance et de prudence d'une autre personne laquelle constituerait alors une faute. Cette notion d'« acceptation de risques » n'emporte donc pas automatiquement la renonciation de votre recours contre l'auteur du préjudice (art. 1476 C.c.Q.).
Par exemple, la Cour d'appel dans l'affaire Zhang c. Deng a déterminé que le risque de se faire frapper par une raquette est inhérent à la pratique du badminton en double, alors que dans cette affaire un joueur avait perdu un œil après avoir reçu un coup de raquette de son coéquipier. La conduite des parties a été analysée en la comparant avec celle de joueurs de badminton raisonnables, prudents et diligents, dans les mêmes circonstances. Aucune faute n'a été ainsi imputée puisque dans ce jeu, il existe certains moments de confusion comme lorsque des joueurs doivent frapper le moineau lorsque celui-ci s'oriente entre les deux partenaires. La faute n'ayant pas été démontrée, le tribunal a conclu qu'il s'agissait ainsi d'un malheureux accident.
Dans une autre affaire, la Cour d'appel a cette fois conclu que la présence d'un hélicoptère qui effraie les chevaux pendant une excursion organisée, occasionnant ainsi une chute d'une cavalière, ne constitue pas un risque inhérent à la pratique de l'équitation. Dans ce jugement Hôtels Fairmont inc. c. Schecter, une dame avait subi des blessures à la suite de « manœuvres périlleuses » exercées par l'hélicoptère qui ont eu l'effet d'apeurer les chevaux. Contrairement à la précédente situation, le tribunal a conclu qu'une faute avait été commise puisqu'il était assurément négligent, irresponsable et dangereux de se promener ainsi à bord d'un hélicoptère en survolant un groupe équestre constitué de débutants. On ne pouvait ignorer le risque lié à la présence de cet hélicoptère à proximité des chevaux, lesquels s'énerveraient fort probablement. De plus, la personne fautive avait une connaissance personnelle du fait qu'il était possible à cette période précise de l'année de croiser ce groupe sur le chemin. Ici, la présence de cet hélicoptère n'a pas été considérée comme un « fait banal », habituel à la pratique de l'équitation. La cavalière a donc été dédommagée.
Chaque situation étant unique, il est ainsi fortement suggéré de rencontrer un conseiller juridique afin d'évaluer précisément les faits propres à votre dossier.
Références :
- Zhang c. Deng, 2017 QCCA 69
- Hôtels Fairmont inc. c. Schecter, 2009 QCCA 2053
Par Me Ariane Ouellet
Fontaine Panneton Joncas
Bourassa & Associés