Il est quasi impossible de
trouver un quartier sans terrain gazonné. On le tient pour acquis et évident;
on a un terrain, on a du gazon. C'est aussi simple que ça. Il est si commun qu'en
superficie, le gazon est la plus grosse monoculture au monde. Pourtant, plus on
y porte attention, plus on réalise que cette culture et l'univers qui l'entoure
sont bien étranges.
L'omniprésent gazon de nos
jours ne date pas d'hier. En fait, ces grandes étendues parfaitement vertes et
uniformes remontent aussi loin que le 17e siècle. À cette époque, un gazon
était un signe de statut et de richesse. Puisque la main-d'œuvre requise pour
entretenir le gazon de cette époque était très couteuse, seulement les riches
pouvaient se le permettre. Détenir une terre et de ne pas s'en servir pour
cultiver de la nourriture était déjà un signe de richesse...imaginez quelqu'un
qui, non seulement ne cultive pas sa terre pour de la nourriture, mais en plus
la cultive pour une plante sans aucun potentiel direct autre que son apparence.
Le summum de la richesse! Cette quête de statut et de richesse a finalement été
rendue accessible lors des années de la belle époque, où la stabilité relative
de l'après-guerre a amené un engouement pour les valeurs bourgeoises. À partir
de ce point, la famille typique se devait d'avoir un gazon bien entretenu,
sinon, que penseraient les voisins? Étrangement, même si nos valeurs
d'aujourd'hui ont changées, le gazon est resté.
Il est important de comprendre
que les cultivars de gazon que nous possédons aujourd'hui sont beaucoup plus
résistants que ceux d'auparavant. Avant qu'une espèce puisse même survivre dans
un milieu comme le Québec, des quantités faramineuses de ressources ont dues
être lancées dans le développement et le croisement de cultivars plus résistants. Ces nouveaux cultivars survivent à notre
environnement, mais sont tout de même mal adaptés et en stress constant. On
coupe trop souvent le gazon, ce qui l'oblige à mettre beaucoup d'énergie dans
la pousse de nouvelles feuilles sans jamais vraiment avoir le temps de
développer un système racinaire sain. Ces racines atrophiées sont incapables de
puiser l'eau et les nutriments assez creux dans le sol et sont donc très
sensibles aux sècheresses. Un gazon « bien entretenu » a donc besoin
de fertilisation, d'eau et de pesticides. Bref, une industrie au complet dépend
de cet étrange attachement à cette monoculture qui nous suit depuis le 17e
siècle.
Il est difficile de changer
nos façons de penser face à une pratique si ancrée dans notre culture.
Cependant, il n'est jamais trop tard pour commencer. Le sujet des gazons peut
être très polarisant, mais sera de plus en plus pertinent dans un monde où les
ressources seront de plus en plus limitées. Pour commencer, il est important de
réaliser que les regards désapprobateurs et les commentaires qu'on lance à ce
voisin dont le gazon est long n'apportent rien de bon. Les seules parties qui
tirent quelque chose de ces échanges de vitriols sont les compagnies de gazon,
de pesticides et d'engrais. Ils ont tout à leur avantage que les propriétaires
eux-mêmes fassent respecter leurs lois pour eux et sans frais.
Nous sommes loin d'un monde
sans gazon. Cependant, on peut alléger son fardeau sur notre société par de
simples changements de pratiques. Par exemple, vous pouvez repousser la
première tonte de votre gazon au mois de juin, aidant les pollinisateurs, votre
portefeuille, votre emploi du temps et votre gazon. Vous pouvez aussi tondre
que les chemins les plus voyagés sur votre terrain, en laissant le reste
pousser plus haut. Ceci aidera le gazon et devenir moins dépendant des apports
externes en eau et en fertilisant. Si ces options ne sont pas encore pour vous,
personne ne vous en voudra, c'est beaucoup de changement! Cependant, la
meilleure chose que vous pouvez faire dans ce cas-ci est d'être compréhensif face
aux choix environnementaux de vos voisins et de votre municipalité.
Les Jardins Pollinies
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