Le jury vient de rendre son verdict dans le procès lié à la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic. Les accusés ont été déclarés non-coupables. Ce procès peut être l'occasion d'une réflexion sur les frais de justice en matière criminelle pour les accusés innocentés qui ont des frais d' avocats très élevés à payer.
Les procès en matière criminelle sont souvent fort complexes. Celui des trois personnes accusées (et déclarées non coupables ce vendredi après-midi) suite à la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic nous le rappelle. C'est pourquoi souvent il est nécessaire pour un accusé d'être représenté par un avocat. Mais qu'arrive-t-il lorsque l'accusé ne peut se payer les services d'un avocat ? Normalement, s'il a de faibles revenus, il aura accès à l'aide juridique. Ce n'est pas toujours le cas, puisque certaines personnes sont à la fois trop « riches » pour avoir accès à l'aide juridique et trop « pauvres » pour se payer de tels services.
C'est pourquoi les tribunaux ont inventé la requête Rowbotham. Pour comprendre cette requête, il faut savoir que l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit ceci : « Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale ». Que recouvre le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité ? Que signifient « principes de justice fondamentale »? Tout et rien. Ces mots sont une façon pour le rédacteur de la Charte canadienne de donner un chèque en blanc aux juges, qui peuvent faire dire ce qu'ils veulent à ces mots. Ils auraient pu décider que cet article 7 donne droit à un avocat payé par l'État pour tous les accusés. Ils ont plutôt décidé de conférer un tel droit que dans les cas où l'absence d'avocat de la défense rendrait le procès inéquitable.
Un accusé que souhaite profiter de ce droit doit déposer une requête Rowbotham, démontrer qu'il est indigent et qu'il lui faut un avocat pour que le procès soit équitable. Pour prouver ce dernier élément, il doit insister sur la gravité des intérêts en jeu, la durée et la complexité du procès et son incapacité à participer seul au procès.
Est-ce que cela règle la question de l'accès à la justice en matière criminelle de manière juste pour tout le monde ? Non, car, d'une part, il y aura toujours des accusés peu fortunés qui tomberont entre les mailles du filet. Et, d'autre part, il y a sans doute des criminels en mesure de cacher leur argent et d'ainsi pouvoir faire payer leurs frais d'avocats par les contribuables, grâce à des requêtes Rowbotham. En 2015, on estimait que l'État avait payé autour de 20 millions de frais d'avocats pour des motards criminalisés...
Même si cela découle de la Charte canadienne des droits et libertés, et donc de la Constitution canadienne qui est au-dessus des lois québécoises, le gouvernement du Québec pourrait limiter ces abus. En adoptant en 2010 la Loi encadrant l'obligation faite à l'État de financer certains services juridiques, il a plutôt de choisi de se soumettre servilement aux tribunaux... et ce aux frais des contribuables.
Guillaume Rousseau, avocat et professeur agrégé à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke.