Quelle route devons-nous
privilégier pour préserver l'habitabilité de la planète ? N'est-ce pas une
question d'importance majeure à s'approprier pour relever le défi vital que
nous pose son réchauffement excessif ?
Depuis le début des
années 1990, le Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat (GIEC) suit
l'évolution du climat et ses conséquences sur la nature. Il a proposé un
itinéraire qui fut endossé par 196 pays dans un accord en 2015 qu'on appelle
l'Accord de Paris.
Prérequis pour
comprendre l'itinéraire
Les gaz à effet de serre
dans l'atmosphère sont nécessaires pour assurer la vie sur terre mais
l'activité humaine depuis l'industrialisation a provoqué une accumulation de
ces gaz que la planète ne peut plus gérer. Vers 1850, la concentration du
dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère
était de 280 ppm, en 1990 elle avait atteint 351 ppm et en 2020 421 ppm (ppm
étant des « parties par million ».
Il faut aussi savoir que
l'accumulation actuelle de GES dans l'atmosphère ne peut se résorber en
quelques mois ni quelques années. Nous subissons les gestes qui n'ont pas été
posés il y a quelque 20 ou 30 ans et les gestes que nous posons aujourd'hui
n'auront d'impacts que dans 20 ou 30 ans.
Les éléments sur lesquels
il faut agir sont : d'une part, les émissions de GES en provenance des énergies
fossiles qu'il faut remplacer par des énergies renouvelables et d'autre part,
les puits naturels de captation de GES (terres et océans) qu'il faut protéger et
rendre plus efficaces.
Contrairement à un
scénariste qui a le loisir de décider du scénario de son film, le GIEC doit
plutôt essayer de comprendre et d'interpréter celui auquel la nature nous
soumet. Pour cela, il analyse les lois de la science en action, celles de la
biologie et de la physique particulièrement. Il peut alors anticiper le futur
et nous dévoiler le scénario le plus probable que nous devons suivre pour
revenir aux conditions d'une planète habitable.
Le scénario
sécuritaire à suivre
Le tableau ci-bas décrit
le scénario souhaitable pour éviter l'emballement du climat et juguler les
conséquences de celui-ci.
2020
|
2030
|
2050
|
2100
|
1,2° C
|
1,5° C
|
2.0° C
|
1,5° C
|
Atteinte du
pic des émissions
|
Diminution
des émissions
|
Carboneutralité
|
Émissions nettes
négatives
|
Décrue
graduelle
|
43 % de
diminution des émissions
|
Équilibre
entre émission/captation
|
Stabilisation
du climat
|
Dans son rapport de
novembre 2021, le GIEC nous dit que le pic des émissions de GES aurait dû être
atteint en 2020 pour ensuite commencer sa descente. Il incombe aux pays de se
donner les conditions d'assurer le déclin des émissions.
Le GIEC poursuit en
affirmant que pour atteindre l'objectif de réchauffement maximum de 1,5° C en 2100, il faudrait réduire les GES de 40 % dès
2030 par rapport à 2019. Comme le pic n'a pas été atteint en 2020, il faudra
donc réduire nos émissions de 43 %. À ce moment, la température du climat aura
atteint 1,5° C. Ne pas oublier que ce sont les gestes
posés il y a 20 à 30 ans qui donneront le résultat de 2030.
Puis, 2050, étape
charnière du scénario, atteindre la carboneutralité. À ce moment, nous devrons
avoir fait un virage majeur vers les énergies renouvelables et rendu plus
efficaces les puits de carbone. La carboneutralité signifie que nous devrons
réussir à neutraliser chaque tonne de GES émise par nos activités. Plus un GES
ne devrait venir gonfler le stock accumulé dans l'atmosphère. Par contre, la
température aura grimpé jusque'à 2° C aves
ses conséquences sur nos vies.
Alors commencera une
étape cruciale à savoir celle de diminuer le stock accumulé dans l'atmosphère
que les scientifiques appellent des « émissions nettes négatives ». Au cours de
ces 50 années, la concentration et le volume de GES, exprimé en ppm et en
tonnes, devraient chuter suffisamment pour stabiliser le température à 1,5° C ; ce qui constitue le niveau proposé comme étant
acceptable pour la réhabilitation du climat.
Ouf! Quel défi ! Le GIEC
nous dit : « C'est possible ». Mais le succès dépend des actions cohérentes que
nous prenons AUJOURD'HUI.
Sommes-nous sur la
bonne trajectoire ?
La réponse claire est
NON.
Nous sommes sur un
parcours de tergiversations sur les cibles de réduction et sur les moyens pour
les atteindre. Suite à l'Accord de Paris, des pays se sont engagés, certains
sérieusement, d'autres de manière peu convaincante et le reste sans véritable
volonté. À titre d'exemples, la Chine qui émet 26,4 % de tous les GES au monde,
dit ne pas pouvoir atteindre la carboneutralité avant 2060, l'Inde pas avant 2070.
Et si le passé est garant
de l'avenir, la majorité ne respectera pas leurs engagements. Le GIEC nous
prévient que même si toutes les cibles actuelles sont respectées, nous sommes
sur une trajectoire qui nous mène à une augmentation de GES de 14 % en 2030.
Imaginez l'écart, nous devons nous diriger vers une réduction de 43 %. Si cela
demeurait, nous nous dirigerions vers un réchauffement de 2,8° C à 3° C. Les
conséquences seraient hors d'entendement. Il nous faut donc rectifier le tir.
La balle est dans notre
camp. Dame Nature n'est pas encline à négocier.
Yves Nantel
janvier 2023