Le dernier rapport du GIEC, paru en mars de cette année,
nous remet devant nos responsabilités face aux changements climatiques. Le
réchauffement est en cours et, à ce jour, nous n'avons pas réussi à renverser
la situation et les conséquences sont de plus en plus lourdes. Tout retard «
nous fera rater la brève fenêtre d'opportunité nous permettant d'assurer un
futur viable pour nous tous et qui se referme rapidement ».
Avec les engagements actuels de tous les pays, on se dirige
vers un réchauffement de la planète d'au moins 2,7 ℃ alors que la
cible acceptable est de 1,5 ℃. Ne pas rectifier le tir nous
plongera dans l'irréversible et des risques de transformations majeures de la
vie sur terre. Nous, les Humains, sommes particulièrement fragiles à ces transformations.
Liberté individuelle vs intérêt collectif
Avec la pandémie, les pays avaient le choix des moyens et
chacun comptait sur la fermeture de leur frontière pour en garantir l'efficacité.
Concernant les changements climatiques, il faut oublier cette mesure,
l'atmosphère n'a pas de frontières ; ceci qui veut dire que l'Inaction des
uns va contrecarrer l'action des autres.
Comme on l'a vu au Canada, lors de la pandémie, une minorité
de la population a décidé de faire primer leur liberté individuelle au
détriment du bien commun. La liberté de contaminer les autres, la liberté de
provoquer des décès, la liberté d'engorger davantage le réseau de la santé, la
liberté de bloquer l'économie et j'en passe. Des sondages ont laissé voir que
cette minorité aurait la sympathie de quelque 10 à 15 % de la population.
Des camionneurs non vaccinés, instrumentés par la droite
radicale, ont décidé de manifester puis d'occuper des postes frontières et la
ville d'Ottawa et de paralyser l'économie en opposition aux mesures sanitaires
imposées par nos gouvernements. Il aura fallu tout un doigté policier et
l'utilisation de la Loi sur les mesures d'urgence pour venir à bout de cette
occupation armée, armée de camions mastodontes.
Saurons-nous faire primer l'intérêt collectif en ce qui
concerne les actions de lutte aux GES ?
Absence d'unité au niveau national
Qu'en sera-t-il lorsque les dérèglements du climat
s'accélèreront et obligeront des mesures et des modifications importantes de
nos styles de vie ? Les réactions de plusieurs provinces ne présagent rien de
bon.
Les provinces dont les énergies fossiles comptent pour
beaucoup dans leur économie ont tendance à prendre des attitudes
climatosceptiques et à bouder les mesures proposées sur le plan pancanadien.
Elles invoquent leur autonomie, leur liberté de faire ce qu'elles veulent et
alors de ne pas travailler de façon unifiée dans la lutte aux changements
climatiques. Nous y trouvons l'Alberta, la plus grande émettrice de GES au
Canada mais aussi l'Ontario, la Saskatchewan, le Manitoba, toutes campées dans
la frange conservatrice du pays, mais aussi le Québec bien que pour des raisons
différentes.
L'Alberta tente même d'utiliser la tragédie ukrainienne pour
justifier la continuité de l'exploitation de son pétrole et de son gaz avec
comme conséquence la remise en cause de l'atteinte de la carboneutralité en
2050. Jason Kenney veut ressusciter le projet du pipeline Keystone XL vers les
États-Unis. Au Québec, les promoteurs de la liquéfaction du gaz naturel en
profitent pour remettre sur la table le projet GNL Québec.
Un des candidats importants à la course à la chefferie conservatrice,
M. Poilièvre, a promis, que s'il devenait premier ministre, d'annuler la taxe
sur le carbone, reconnue internationalement comme essentielle.
Ce sont toutes des menaces déstabilisatrices de la
nécessaire unité d'action devant l'urgence de la crise climatique.
Le surplace au niveau international
Malgré leur signature de la Convention-cadre des Nations
unies sur le changement du climat (CCNUCC), des pays restent sceptiques alors
que d'autres se campent sur leurs intérêts particuliers. Les échecs répétés des
réunions internationales (COP) et les cibles jamais atteintes en attestent.
À titre d'exemple, la
Russie vient d'approuver la construction de la plus grande entreprise de
transformation du gaz naturel au monde. Elle ne manifeste aucune intention de
réduire ses émissions de GES malgré sa signature de la CCNUCC.
S'engageant dans la guerre contre l'Ukraine elle met à mal
la lutte au réchauffement climatique. De plus, elle engloutit des milliards en
destruction de vies et d'infrastructures. Elle entraîne des pays à financer la
riposte ukrainienne. Devant cette agression, l'OTAN presse leurs membres à
consentir 2 % de leur PIB dans la défense. Le Canada, afin de protéger son
territoire arctique est appelé à des dépenses supplémentaires car la Russie
reluque l'arctique canadien. Tant d'argent gaspillé alors que la priorité
devrait être la transition énergétique.
D'autre part, des pays importants oscillent au gré des
élections entre le climatoscepticisme et la lutte au GES. À ce niveau, les
États-Unis sont clairement fracturés en deux : si les Républicains l'emportent
aux prochaines élections nous verrons des reculs comme ceux faits sous Donald
Trump. La situation est similaire au Canada avec l'alternance du pouvoir entre
les Libéraux et les Conservateurs.
Autre manifestation des lenteurs dans la lutte climatique, l'ONU,
lors d'une réunion de 175 pays, vient de mandater un comité pour la rédaction,
d'ici 2024, d'un Traité mondial contre la pollution plastique. Louable mais, si
le passé se répète, on aboutira à un plan qui, si tout va bien, ne sera accepté
qu'en 2025 et son exécution sera effective dans 4 ans, dans 5 ans.
Au-delà des cibles, l'inertie
Il est difficile d'être optimiste quant à la capacité des
pays de la planète à s'engager résolument dans un plan de réhabilitation du
climat.
La dégradation de la planète s'accentue et on ne réussit pas
à l'endiguer. Les pays continueront à tergiverser, à établir des cibles qui ne
seront pas respectées, à tenter d'obtenir des consensus que certains pays
s'efforceront de saboter ou tout simplement d'ignorer, faisant primer leurs
intérêts propres au détriment de l'intérêt collectif de la planète.
Des citoyens feront primer leur liberté individuelle, des
provinces réclameront leur autonomie et des pays défendront leurs intérêts
particuliers minant ainsi la nécessaire solidarité et unité d'action pour
contrer la surcharge de GES sur notre planète. Le GIEC nous en fait la preuve
et nous le serine, le moment approche où il sera trop tard...et trop tard, ce
sera trop tard.