Le mouvement social #Moi aussi, dénonçant les cas d'inconduites sexuelles, a provoqué une grande mobilisation au Québec et la sphère juridique n'en a évidemment pas été exclue.
Sur cette vague, des modifications ont notamment été apportées à la Loi sur les normes du travail. En effet, le 12 juin 2018, un projet de loi modifiant les normes applicables en matière de harcèlement psychologique au travail a été adopté. Certaines desdites modifications apportées permettent d'intégrer plus spécifiquement à la loi la notion de harcèlement sexuel. L'accès aux recours prévus à l'encontre des conduites de harcèlement a également été élargi par l'augmentation du délai à l'intérieur duquel une plainte à cet égard doit être déposée.
Considérant le contexte social présent au Québec depuis le mois d'octobre 2017, il est apparu opportun d'apporter quelques ajouts et changements à la Loi sur les normes du travail. Néanmoins, il est à souligner que malgré le « timing » de leur entrée en vigueur, ces modifications, pour certaines, concrétisent le résultat de plusieurs années d'analyse de la loi par les tribunaux.
À cet égard, la Loi sur les normes du travail définit le harcèlement psychologique comme étant "une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste." La rencontre de ces cinq éléments constitutifs permet de conclure à la présence de harcèlement psychologique au travail. Il est ainsi à constater qu'un geste de prime abord anodin peut constituer du harcèlement s'il se reproduit fréquemment.
Inversement, il est à noter qu'un geste de plus grande gravité peut n'avoir à se manifester qu'une seule fois pour être considéré de harcèlement s'il porte atteinte et produit un effet nocif continu pour un employé.
Une telle définition du harcèlement au travail a été à maintes reprises interprétée par les tribunaux comme incluant le harcèlement sexuel. Néanmoins, depuis le 12 juin 2018, le législateur précise spécifiquement que le harcèlement psychologique peut se manifester par des paroles, des actes et des gestes à caractère sexuel.
Bénéficier d'un environnement de travail exempt de harcèlement psychologique est un droit reconnu aux employés par la loi. Son corollaire est l'obligation de l'employeur de prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique dans son milieu de travail. Lorsqu'une telle conduite néfaste est portée à sa connaissance, il doit alors faire en sorte d'y mettre un terme. Au fil des années, la jurisprudence a énoncé et reconnu des moyens préventifs pouvant être adoptés par l'employeur pour répondre à son obligation.
Depuis le 12 juin 2018, la Loi sur les normes du travail exige toutefois l'adoption d'au moins un moyen préventif bien précis, soit celui de détenir et de rendre disponible à ses salariés une politique de prévention du harcèlement psychologique et de traitement des plaintes. Le législateur spécifie que cette politique doit inclure, entre autres, un volet concernant les conduites qui se manifestent par des paroles, des actes ou des gestes à caractère sexuel.
Une autre modification particulièrement importante ayant été apportée à la Loi sur les normes du travail est l'augmentation du délai pour agir à l'encontre d'un comportement ayant constitué du harcèlement psychologique. En effet, alors que le délai initial prévu par la loi pour déposer une plainte auprès de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) se limitait à 90 jours suivant la dernière manifestation de la conduite de harcèlement, ce délai est porté à deux ans depuis le 12 juin 2018.
Une telle modification répond au souci de donner davantage l'opportunité à l'employé, suivant la survenance de comportements potentiellement troublants et perturbants, de faire valoir ses droits. On peut effectivement imaginer que, dépendamment des circonstances, certains salariés puissent ne pas se sentir prêts à entamer des démarches à l'intérieur des trois mois suivant les événements dont ils ont été victimes.
Il est à préciser que ledit délai de deux ans désormais prévu à la loi débute à compter de la dernière manifestation du comportement de harcèlement. Dans sa démarche, l'employé peut donc référer à des événements s'étant actualisés plusieurs années auparavant, et ce, tant que leurs dernières manifestations se soient déroulées avant l'expiration du délai de deux ans précédant le dépôt de sa plainte.
Malgré cet élargissement du délai pour porter plainte, il demeure important pour le salarié subissant ou ayant subi du harcèlement de ne pas perdre de vue la date d'expiration dudit délai. Dans l'intervalle, il pourra notamment s'assurer de s'informer de ses droits auprès d'un conseiller juridique, de consulter la politique de prévention mise en place par son employeur et de tenter de discuter de la situation avec un représentant de ce dernier, le cas échéant.
Me Laurence Ferland avocate
Fontaine Panneton Joncas Bourassa Avocats