L'observatoire
européen Copernicus prévoit que 2024 deviendra la première année à dépasser le
seuil critique du réchauffement du climat, surpassant l'année 2023, qui s'était
conclue avec +1,48 ℃. L'objectif à ne pas dépasser est de +2 ℃, idéalement +1,5
℃, adopté par 192 pays lors de l'Accord de Paris en 2015 ?
Août
s'est conclu à +1,51 ℃ plus chaud que le climat moyen pré-industriel
(1850-1900). On n'a jamais fait face à une telle augmentation, est-ce le début de
l'emballement du climat ?
Les visages du réchauffement
Les
océans deviennent de plus en plus acides. Le PH des océans est demeuré
relativement stable durant 50 millions d'années. Cela nous a donné des océans
qui absorbaient 30 % du CO2 d'origine
humaine (provenant très principalement des énergies fossiles) et qui regorgent
de ressources permettant l'existence de centaines de millions de personnes. Le
PH a commencé à bouger avec l'ère industrielle. L'acidification s'est accélérée
avec une augmentation de 18 % depuis 1980.
Avec
le réchauffement du climat, les feux de forêt de grande intensité se
multiplient. Au Canada, l'ampleur des feux a occasionné le dégagement de CO2 sans précédent. En 2022, il se classait au 10ᵉ
rang des plus grands émetteurs de CO2 au
monde, avec les feux, il grimpe au 4ᵉ rang. Quel désastre pour le Canada !
La
force des tempêtes nous atteint de plus en plus. La queue de l'ouragan Debby a
mis à mal les réseaux d'évacuation des eaux pluviales et des égouts de
plusieurs villes, dont Montréal. Ailleurs au Québec, des rues furent inondées et
se sont même effondrées, des ponts ont cédé et des sous-sols d'habitation
furent submergés. Les compagnies d'assurance auraient reçu un nombre record de
réclamations au Québec : 2,4 milliards $ au minimum.
Aux
Iles Saint-Pierre-et-Miquelon, on déménage des quartiers du village
Saint-Pierre vers celui de Miquelon un peu plus haut que le niveau de la mer.
Des
vagues de chaleur jamais vues sévissent. Phoenix, Arizona, dépasse les 100
jours consécutifs à plus de 37,8 ℃, ce qui correspond à 100 degrés Fahrenheit.
Et cela se produit partout sur la planète. L'actualité est pleine de reportages
à cet effet.
Y a-t-il matière à paniquer ?
Les
personnes ou les entités municipales et autres qui subissent les dégâts réclament
des mesures d'adaptation aux conséquences et des compensations financières. Les
experts et les organisations écologistes qui analysent les causes
invoquent la nécessité d'accentuer les
mesures d'atténuation des GES.
Les
gouvernements du Canada et de Québec se sont dotés de plans de lutte somme
toute bien structurés et avec des mécanismes de révision indépendants. Par
contre, les rapports de ces comités nous indiquent que les plans sont nettement
insuffisants et que l'atteinte des objectifs fixés à 37,5 % de réduction
(Québec) et 45 % (Canada) en 2030 et la carboneutralité en 2050 sont
inatteignables avec les mesures actuelles. Les gouvernements ne semblent pas
paniquer.
L'exemple du Québec
À
titre d'exemple, le Comité consultatif sur les changements climatiques du
Québec vient de produire un rapport d'analyse (fin août). Après avoir réaffirmé
la nécessité du programme de tarification carbone, il en fait la critique et
propose des modifications majeures si le Québec veut atteindre sa cible de
réduction de 37,5 % en 2030 par rapport à 1990 et la carboneutralité en 2050.
Le
marché du carbone organisé autour du Système de plafonnement et d'échanges de
droits d'émissions (SPEDE), conjointement appliqué avec la Californie, implique
au Québec 120 entreprises du secteur des transports, industriel, du bâtiment et
de l'électricité. Ajoutant à son importance, il régit plus des trois quarts des
émissions de GES au Québec.
En
conclusion, le Comité affirme que malgré sa pertinence, «
il n'aura pas réussi à ce jour à favoriser une véritable démarche
transformationnelle, tant en ce qui concerne notre consommation d'énergies
fossiles que de nos procédés industriels ». En fait, malgré ses 11
ans d'existence et ses 8,8 milliards de revenus à investir dans des projets de
réductions d'émissions et d'adaptation, SPEDE dans sa forme actuelle, aura été
insuffisant à infléchir la courbe des émissions de GES au Québec.
Pour
sa part, Recyc-Québec, dans son plus récent rapport (début septembre), nous
avise : « Nous vivons désormais au-delà d'un espace de fonctionnement durable et nous
nous trouvons dans la "zone de danger" d'un changement irréversible du système naturel permettant le maintien de la vie sur Terre ».
Seulement 3,5 % de l'économie québécoise peut être qualifiée de circulaire.
Ainsi, 96,5 % des produits sont consommés de façon linéaire : on extrait, on
produit, on consomme et on jette.
L'élément manquant
Actuellement,
nous sommes sur des trajectoires qui nous mènent à des réchauffements de + 2 ℃,
et jusqu'à + 4 ℃. Nous ne sommes pas loin de l'emballement du climat si nous
n'y sommes pas déjà. Pour qui s'y arrête le moindrement, il y a matière à
paniquer. Il nous faut une vision claire de ce qui nous attend si nous
persistons dans cette voie et des transformations à opérer si nous voulons les
éviter.
Avec
ces projections, nous serions davantage en mesure d'évaluer si nous sommes dans
la première phase de l'emballement du climat, à quel moment nous atteignons
l'irréversibilité du réchauffement et d'y confronter les plans de lutte de nos
gouvernements et nos engagements personnels. Quels partis politiques auront le
courage de nous donner l'heure juste à ce niveau et aurons-nous le courage de
voter pour ceux-ci ?
Yves
Nantel, septembre
2024