Jusqu'à 40 ans, dans les grandes lignes, j'étais maître de mon Univers. Je gagnais ma vie avec mes passions, je passais du bon temps avec mes amis et ma famille. Épée à la main, je traversais les défis du quotidien. Défis qui se pointaient souvent sans avertissement! J'avais quand même la conscience à «on» en réservant une case dans mon horaire pour le travail-sur-soi; question de transformer et de faire évoluer la bibitte émotionnelle que nous sommes, nous, les humains.
Maintenant, pourriez-vous imaginer que votre passé se compare à trois pots de pâte à modeler, de trois couleurs différentes. Dites-vous qu'avec ça, vous devez fabriquer un magnifique personnage. C'est tout un art d'apprendre à construire son présent et son futur avec les éléments de son passé. Mais je pense qu'on a le pouvoir de modifier cette structure en tout temps! Autant intérieurement qu'extérieurement. Malgré notre vécu, on a toujours le choix de transformer nos perceptions et nos habitudes. Tout part d'une intention.
Jusque-là, la mutation de mon petit moi se faisait un jour à la fois, sans réelles conséquences néfastes sur les autres, à l'exception de ma gestion de stress. Bon, j'avoue que lorsque j'avais le gros nerf reposé et nourri aux légumes verts, j'améliorais les communications avec autrui. En général, j'étais assez fière de mon parcours et de ma volonté de polir les écorchures. Puis, ma progéniture a fait son entrée (ou plutôt sa sortie!).
Paraît que nos enfants sont le prolongement de notre enfant intérieur, en version améliorée. Fiou! Ils auraient un don pour exprimer les émotions que nous aurions refoulées. Mode «eject» à profusion! Croyez-moi, comme par magie, la fréquence en question de leurs cris et de leurs pleurs vient directement faire vibrer nos cordes sensibles, celles qui sont désajustées. Dans le feu de l'action, quand notre enfant est fatigué ou qu'il a faim et qu'il ne répond plus de lui-même, on a parfois le goût de l'imiter et de réagir.
Et c'est à ce moment que toutes les parcelles de courage se réunissent dans notre corps à la recherche des lettres c-a-l-m-e. Parfois l'ombre d'une respiration suffit pour retenir notre rugissement. On appelle en silence : «Monsieur Miyagi! Besoin d'un enseignement zen ici!» On est des parents, mais on est aussi des êtres humains. Revêtir le costume de maman et de papa, c'est souvent exigeant, et de jaser de manque de patience c'est assez tabou.
Mais, je ne m'aime pas quand je me laisse submerger par mes émotions. Mon estime en prend un coup quand l'impuissance s'empare de mon corps et que je tombe dans le mode survie. Parce que la vérité, c'est que nos mémoires d'enfant blessé qui ne se sentait pas en sécurité, jaillissent spontanément en réponse aux colères de nos enfants. Nous indiquant qu'il y a une balayeuse à passer dans certains racoins de notre cœur ou que l'on ne met pas nos limites à temps. Même si on nous répète qu'il n'y a pas de mauvaises émotions, je dirais que la pire, c'est lorsque la culpabilité mène le bal! On a peur de ne pas être à la hauteur et on a surtout peur de traumatiser notre progéniture quand s'échappe notre voix de ténor et nos yeux Jean-Luc Mongrain. Bonne nouvelle! Le ménage est déjà commencé dès qu'on en prend conscience. Après, c'est à nous de choisir la meilleure personne pour nous guider dans le processus de guérison.
Stéphanie Deslauriers dans son livre : Le bonheur d'être un parent imparfait, nous propose, sous le thème : Se calmer le pompon, de valider les émotions de notre enfant lorsqu'il est en crise et de trouver un moyen d'apaisement, comme par exemple : écouter de la musique, la lecture, la danse, le défoulement dans un coussin! Ou suggérer à notre tout-petit de faire une pause dans sa chambre. Pas pour l'isoler et le punir, mais pour lui permettre de se calmer. Et nous et nous? Les parents? Quand on sent que notre limite est atteinte? L'auteure confirme qu'on peut dire à notre enfant qu'on a besoin d'une pause pour nous calmer. Et on court se cacher dans le cabanon pendant 1 heure! Je blague!! Elle propose de dire : «O.K., là j'ai besoin d'un moment à moi pour aller respirer et me calmer» J'agis en modèle.1 À long terme, l'enfant apprendra à se retirer quand il aura un trop-plein.
Stéphanie, qui est psychoéducatrice, affirme qu'on peut demander à l'autre parent de prendre la relève. «Et si, malgré toutes nos bonnes intentions, on éclate? Si l'autre parent n'est pas là, ce n'est pas la fin du monde. On peut s'excuser et se reprendre par la suite (...).2 Le manque d'écoute de nos propres besoins et de notre passé forme un cocktail volcanique qui nous éloigne de notre rôle d'éducateur. Parce que selon la vraie définition d'un parent, on est censé être encadrant, mais pas castrant. Bienveillant, mais surtout pas violent. Comme le dit si bien la citation : «Un moment de patience dans un moment de colère empêche mille moments de regret.»
Chose certaine, on désire vraiment donner le meilleur à nos enfants. Et on souhaite de toutes nos forces leur éviter mille et une souffrances. On apprend à devenir un parent! Et comme le mentionne le célèbre auteur du livre Le pouvoir du moment présent, Eckhart Tolle, dans la préface de L'art d'être un parent présent : «Il y a un manque de connaissance évident ou de formation en ce qui a trait à l'éducation des enfants qui exige de trouver un juste équilibre entre l'approche ancienne et excessivement autoritaire et l'approche contemporaine, tout aussi déséquilibrée.»3 Ça revient à dire d'écouter notre instinct et notre petite voix.
Si on se faisait confiance? Il existe tellement d'outils pour nous aider à devenir le parent que l'on souhaite être. Rien n'est figé pour toujours. On peut tout remodeler! Inutile de se flageller et de plonger dans la culpabilité, en se reniant et en oubliant les instants lumineux de notre relation avec notre trésor! La vie est bien trop courte! Et surtout, l'enfant a besoin d'un parent qui s'aime et qui se pardonne pour apprendre à s'aimer à son tour.
Valérie Guillemette
Références :
(1)( 2) Stéphanie Deslauriers, Le bonheur d'être un parent imparfait, Canada, Guy Saint-Jean Éditeur, 2017,
(3) Susan Stiffelman, L'art d'être un parent présent, Paris, Éditions J'AI LU, 2018, p. 14
«Un moment de patience dans un moment de colère empêche mille moments de regret.» Ali lbn Abu Talib