Selon le tout récent rapport sur les émissions de GES au
Québec, le principal secteur responsable des émissions de GES au Québec, en 2019,
était le secteur des transports avec 43,3 % de l'ensemble des émissions. Il
faut préciser que, de 1990 à 2019, les émissions de ce secteur ont augmenté de 34,6
%.
Si l'on décortique le secteur des transports, on réalise que
le transport routier a rejeté 79,4 % des émissions de ce secteur. Pour leur
part, l'automobile et les camions légers ont compté pour 63,3 % des émissions de
ce dernier.
Indéniablement, la priorité doit porter sur la décarbonisation
de ce secteur et la transformation de nos modes de vie y étant associés.
L'électrification des transports
Une des voies importantes est l'électrification des
transports publics et privés.
Il s'agit ici d'abandonner complètement l'utilisation de
l'essence pour alimenter nos véhicules et ceux du domaine public. C'est déjà
commencé mais la batterie au lithium-ion n'était présente sur nos routes en
2019 que dans seulement 1,2 % du parc de véhicules légers au Québec.
Le gouvernement du Québec vise à ce que 100 % des véhicules automobiles
vendues en 2035 soient zéro émissions nettes (ZEN). À ce moment, la vente de
véhicules à essence sera interdite. Entretemps, des mesures incitatives sont
déjà en vigueur dont la taxe sur le carbone répercutée dans le prix de
l'essence, les subventions à l'achat d'un véhicule électrique et à
l'installation de bornes de recharge.
Les mesures fiscales
Le tarif du carbone qui prévaut au Québec est fixé à partir
du marché du carbone Québec-Californie qui établit le prix à payer par les
grandes entreprises pour leurs émissions qui dépassent les quotas fixés par le
gouvernement. Pour ce qui est des pétrolières, elles refilent le coût aux
consommateurs dans le prix de l'essence.
Alors que la taxe sur le carbone était à 10 $/tonne de CO2,
en 2013, le prix de l'essence a augmenté de 2.3 ¢/litre environ. Depuis novembre
dernier, la nouvelle tarification est établie à 35,47 $/tonne au Québec, cela fixe
la taxe de l'essence à 8 ¢/litre. Combien de consommateurs ont pris ou prendront
en considération cette taxe carbone lors du renouvellement de leur véhicule ?
Il faut donc augmenter cette taxe afin de la rendre
dissuasive. Le gouvernement fédéral, pour sa part, s'est engagé à augmenter la
taxe à 170 $/tonne de CO2 d'ici 2030 alors que la Commission sur l'écofiscalité
du Canada évalue que, pour être efficace, elle devrait atteindre 210 $/tonne, ce
qui équivaudrait à une augmentation de quelque 0,40¢ /litre d'essence.
Dans le domaine de l'application du principe
pollueur/payeur, d'autres moyens sont mis de l'avant. Le bonus-malus, pour sa
part, vise à rendre moins profitables les grosses cylindrées. Il s'agirait de
majorer le prix des véhicules selon leur poids, par exemple. En France, en
2022, le prix d'achat des véhicules dépassant 1 800 kilogrammes sera
majoré. Cette majoration sera de 15 $ pour chaque kilogramme dépassant cette
limite imposée.
D'autres proposent de taxer les véhicules au nombre de
kilomètres parcourus, selon l'heure de la journée ou encore le lieu d'utilisation
et d'affecter les sommes récoltées pour financer le transport collectif.
Les mesures technologiques
À ce niveau, on compte sur la progression du développement de
l'autonomie des batteries. Les batteries devraient performer grandement avec la
batterie au lithium métallique à électrolyte solide[1]
qui amènerait leur autonomie à plus de 1 000 kilomètres par charge, soit la
distance de Montréal à Gaspé. Hydro-Québec est déjà capable de la produire avec
prévision de mise en marché dans 3 à 5 ans.
La capacité de production des voitures électriques et leur
prix devraient s'améliorer au point, qu'entre 2025 et 2027, nous verrions une
inversion du prix en faveur des véhicules électriques. On peut croire que d'ici
là les subventions à l'achat seront de plus en plus populaires.
Nos modes de vie à remettre en cause
« Plusieurs constats de l'État de l'énergie au Québec
2022 montrent que les actions climatiques entreprises ne portent pas
fruit : la consommation d'énergie au Québec ne s'améliore pas et les émissions
de GES ne diminuent pas ».[2] Avec
l'application des mesures actuelles au niveau du transport routier léger
(automobiles et VUS), le gouvernement s'oriente vers une réduction de seulement
13 % de GES en 2030.[3]
Électrifier tous les transports ne sera pas suffisant pour atteindre
les objectifs de carboneutralité du secteur, il faut réduire le nombre de
véhicules et aménager les villes pour que les gens s'y sentent bien et
ressentent le goût de les habiter.
Est-il nécessaire que nous possédions des véhicules
utilitaires sport (VUS) pour nous déplacer dans les grandes villes et leurs
banlieues ?
Et même si tout était électrifié, est-il logique d'utiliser
tant de véhicules pour nous déplacer ? Combien de véhicules restent stationnés
la majorité du temps, que ce soit dans des stationnements individuels ou dans
des stationnements publics alors que nous sommes à travailler, à dormir, à
vaquer à la maison ?
Il y a ici un problème de ressources pour produire ces
véhicules : les matériaux qui se raréfient, l'énergie pour les produire, pour
les faire fonctionner, les budgets consacrés aux routes et à leur entretien, la
place qu'ils occupent sur les rues, la gestion de la circulation. Et un
problème d'utilisation : est-il normal que la majorité ne serve qu'à des
conducteurs uniques ? L'auto-solo qui s'est ancré comme mode de vie n‘est-elle
pas à remettre en question ?
Oui, il y a des expériences intéressantes mais elles restent
l'effort de personnes convaincues : le velo classique ou électrique,
l'auto partagée.
On parle de densification des villes, d'organisation du
territoire pour que les gens y trouvent leur joie de vivre. Oui, l'organisation
des villes pour qu'elles soient attrayantes est la solution mais elle demande
de les concevoir autrement. Revoir et planifier l'habitation, le verdissement
de la ville, la proximité des services et des lieux culturels, la collaboration
dans le partage, etc. Agir sur l'environnement physique, oui, mais aussi sur
les mentalités. Le martellement de la publicité en faveur des VUS n‘est-il pas
à contresens de cette nouvelle vision, de cette nécessité de changer nos modes
de vie ?
Quand le GIEC nous dit que l'atteinte de la carboneutralité
nécessite « des changements majeurs, inédits et rapides », quand les experts
insistent pour qu'on change de paradigme, quand on constate le caractère
insensé de notre situation à savoir que si tous les pays du globe décidaient de
vivre au rythme des Canadiens, il faudrait les ressources de 4,8 planètes, on
comprend mieux la nécessité de modifier nos modes de vie. Et dans le domaine du
transport, on ne fait que commencer à voir poindre ce que sera l'avenir.
[1]
Morcrette M. et Simon P., Les batteries solides : questions sur une
formidable opportunité, Connaissance des énergies, 21 décembre 2020.
[2]
État de l'énergie au Québec, Édition 2022. Chaire de gestion de l'énergie HEC
Montréal, février 2022.
[3]
Norme VZE 2025-2035, Analyse d'impact réglementaire du projet de resserrement
de la norme véhicules zéro émission, MELCC, janvier 2022.