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Électrifier les transports ne sera pas suffisant

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Yves Nantel Par Yves Nantel
Jeudi le 3 mars 2022

Selon le tout récent rapport sur les émissions de GES au Québec, le principal secteur responsable des émissions de GES au Québec, en 2019, était le secteur des transports avec 43,3 % de l'ensemble des émissions. Il faut préciser que, de 1990 à 2019, les émissions de ce secteur ont augmenté de 34,6 %.

Si l'on décortique le secteur des transports, on réalise que le transport routier a rejeté 79,4 % des émissions de ce secteur. Pour leur part, l'automobile et les camions légers ont compté pour 63,3 % des émissions de ce dernier. 

Indéniablement, la priorité doit porter sur la décarbonisation de ce secteur et la transformation de nos modes de vie y étant associés.

 

L'électrification des transports 

Une des voies importantes est l'électrification des transports publics et privés. 

Il s'agit ici d'abandonner complètement l'utilisation de l'essence pour alimenter nos véhicules et ceux du domaine public. C'est déjà commencé mais la batterie au lithium-ion n'était présente sur nos routes en 2019 que dans seulement 1,2 % du parc de véhicules légers au Québec. 

Le gouvernement du Québec vise à ce que 100 % des véhicules automobiles vendues en 2035 soient zéro émissions nettes (ZEN). À ce moment, la vente de véhicules à essence sera interdite. Entretemps, des mesures incitatives sont déjà en vigueur dont la taxe sur le carbone répercutée dans le prix de l'essence, les subventions à l'achat d'un véhicule électrique et à l'installation de bornes de recharge.

 

Les mesures fiscales 

Le tarif du carbone qui prévaut au Québec est fixé à partir du marché du carbone Québec-Californie qui établit le prix à payer par les grandes entreprises pour leurs émissions qui dépassent les quotas fixés par le gouvernement. Pour ce qui est des pétrolières, elles refilent le coût aux consommateurs dans le prix de l'essence. 

Alors que la taxe sur le carbone était à 10 $/tonne de CO2, en 2013, le prix de l'essence a augmenté de 2.3 ¢/litre environ. Depuis novembre dernier, la nouvelle tarification est établie à 35,47 $/tonne au Québec, cela fixe la taxe de l'essence à 8 ¢/litre. Combien de consommateurs ont pris ou prendront en considération cette taxe carbone lors du renouvellement de leur véhicule ? 

Il faut donc augmenter cette taxe afin de la rendre dissuasive. Le gouvernement fédéral, pour sa part, s'est engagé à augmenter la taxe à 170 $/tonne de CO2 d'ici 2030 alors que la Commission sur l'écofiscalité du Canada évalue que, pour être efficace, elle devrait atteindre 210 $/tonne, ce qui équivaudrait à une augmentation de quelque 0,40¢ /litre d'essence. 

Dans le domaine de l'application du principe pollueur/payeur, d'autres moyens sont mis de l'avant. Le bonus-malus, pour sa part, vise à rendre moins profitables les grosses cylindrées. Il s'agirait de majorer le prix des véhicules selon leur poids, par exemple. En France, en 2022, le prix d'achat des véhicules dépassant 1 800 kilogrammes sera majoré. Cette majoration sera de 15 $ pour chaque kilogramme dépassant cette limite imposée. 

D'autres proposent de taxer les véhicules au nombre de kilomètres parcourus, selon l'heure de la journée ou encore le lieu d'utilisation et d'affecter les sommes récoltées pour financer le transport collectif.

 

Les mesures technologiques 

À ce niveau, on compte sur la progression du développement de l'autonomie des batteries. Les batteries devraient performer grandement avec la batterie au lithium métallique à électrolyte solide[1] qui amènerait leur autonomie à plus de 1 000 kilomètres par charge, soit la distance de Montréal à Gaspé. Hydro-Québec est déjà capable de la produire avec prévision de mise en marché dans 3 à 5 ans.

 La capacité de production des voitures électriques et leur prix devraient s'améliorer au point, qu'entre 2025 et 2027, nous verrions une inversion du prix en faveur des véhicules électriques. On peut croire que d'ici là les subventions à l'achat seront de plus en plus populaires.

 

Nos modes de vie à remettre en cause 

« Plusieurs constats de l'État de l'énergie au Québec 2022 montrent que les actions climatiques entreprises ne portent pas fruit : la consommation d'énergie au Québec ne s'améliore pas et les émissions de GES ne diminuent pas ».[2] Avec l'application des mesures actuelles au niveau du transport routier léger (automobiles et VUS), le gouvernement s'oriente vers une réduction de seulement 13 % de GES en 2030.[3] 

Électrifier tous les transports ne sera pas suffisant pour atteindre les objectifs de carboneutralité du secteur, il faut réduire le nombre de véhicules et aménager les villes pour que les gens s'y sentent bien et ressentent le goût de les habiter. 

Est-il nécessaire que nous possédions des véhicules utilitaires sport (VUS) pour nous déplacer dans les grandes villes et leurs banlieues ? 

Et même si tout était électrifié, est-il logique d'utiliser tant de véhicules pour nous déplacer ? Combien de véhicules restent stationnés la majorité du temps, que ce soit dans des stationnements individuels ou dans des stationnements publics alors que nous sommes à travailler, à dormir, à vaquer à la maison ? 

Il y a ici un problème de ressources pour produire ces véhicules : les matériaux qui se raréfient, l'énergie pour les produire, pour les faire fonctionner, les budgets consacrés aux routes et à leur entretien, la place qu'ils occupent sur les rues, la gestion de la circulation. Et un problème d'utilisation : est-il normal que la majorité ne serve qu'à des conducteurs uniques ? L'auto-solo qui s'est ancré comme mode de vie n‘est-elle pas à remettre en question ?

Oui, il y a des expériences intéressantes mais elles restent l'effort de personnes convaincues : le velo classique ou électrique, l'auto partagée. 

On parle de densification des villes, d'organisation du territoire pour que les gens y trouvent leur joie de vivre. Oui, l'organisation des villes pour qu'elles soient attrayantes est la solution mais elle demande de les concevoir autrement. Revoir et planifier l'habitation, le verdissement de la ville, la proximité des services et des lieux culturels, la collaboration dans le partage, etc. Agir sur l'environnement physique, oui, mais aussi sur les mentalités. Le martellement de la publicité en faveur des VUS n‘est-il pas à contresens de cette nouvelle vision, de cette nécessité de changer nos modes de vie ? 

Quand le GIEC nous dit que l'atteinte de la carboneutralité nécessite « des changements majeurs, inédits et rapides », quand les experts insistent pour qu'on change de paradigme, quand on constate le caractère insensé de notre situation à savoir que si tous les pays du globe décidaient de vivre au rythme des Canadiens, il faudrait les ressources de 4,8 planètes, on comprend mieux la nécessité de modifier nos modes de vie. Et dans le domaine du transport, on ne fait que commencer à voir poindre ce que sera l'avenir.



[1] Morcrette M. et Simon P., Les batteries solides : questions sur une formidable opportunité, Connaissance des énergies, 21 décembre 2020.

[2] État de l'énergie au Québec, Édition 2022. Chaire de gestion de l'énergie HEC Montréal, février 2022.

[3] Norme VZE 2025-2035, Analyse d'impact réglementaire du projet de resserrement de la norme véhicules zéro émission, MELCC, janvier 2022.


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