Par Jacques Robert
Les pionniers du canton de Dudswell, arrivés en 1800, s'installèrent autour du Dudswell Pound, aujourd'hui le lac Miroir.
Une petite agglomération se développa rapidement au sud-ouest de ce magnifique plan d'eau sur le chemin Gosford. Son nom lui fut donné lorsque l'on y installa le premier bureau de poste en 1839, d'abord "Dudswell" puis plus tard, on changea le nom pour "Dudswell Corner" ou Dudswell Center.
Dès le début, les colons construisirent un chemin qui les menait à la rivière Saint-François en un point appelé Bishop's Landing (aujourd'hui l'entrée du pont de Bishopton). Comme il n'y avait pas d'autre chemin, la rivière leur servait de route pour rejoindre les autres colonies situées à Lennoxville ou à Cookshire en remontant la rivière Eaton. À l'époque, Sherbrooke était un village de peu d'importance donc très peu fréquenté par les anciens du canton de Dudswell.
De là, ils pouvaient rejoindre le Vermont et le New Hampshire avec lesquels ils faisaient du commerce. Ce premier chemin suivait le chemin Bloomfield (chemin du cimetière) et la rue principale de Bishopton (route 255) aujourd'hui.
Au début, la petite colonie était complètement isolée en pleine forêt. Les cantons de Stoke, Weedon, Bury et Westbury furent habités qu'à partir de 1840. Les plus proches voisins étaient ceux de Cookshire. Toutefois, il y avait une autre sorte de voisins, très proches : les loups. L'endroit était tellement isolé que le soir, on devait enfermer les moutons et les petits animaux de peur qu'ils ne s'en emparent.
En 1805, la population de Dudswell disséminée autour du lac Miroir, était de 64 habitants, 39 hommes, 25 femmes. En 1815, on comptait 90 âmes. En 1825, le village Dudswell Corner et ses environs comptait 151 habitants.
Pour expliquer ce maigre accroissement de la population, il est à noter qu'entre 1810 et 1820, ces valeureux colons eurent à endurer la pire crise climatique mondiale ayant frappé l'humanité. Durant cette période, plusieurs volcans autour de la terre se mirent à cracher des milliards de tonnes de poussière qui firent le tour de la terre bloquant ainsi la lumière du soleil. Le pire se produisit en 1815 lorsque le mont Tambora, en Indonésie, entra en éruption, une éruption cataclysmale. Selon les estimations c'est un volume de 150 à 175 km3 de poussières et cendres qui fut émis.
L'année 1816 fut connue comme étant "l'année sans été". Il neigea tout l'été, les gelées se succédèrent et évidemment les récoltes furent catastrophiques. Plusieurs colons quittèrent la région pour les États Unis. Cette météo se poursuivit jusqu'en 1820 et fit des milliers de morts autour du monde.
PRINCIPAUX SERVICES
L'hôtel Lothrop
Cet hôtel n'existe plus. Construit à la fin des années 1830, il était situé en plein coeur du village de Dudswell Corner, sur le chemin Gosford. Seul gîte pour les passants et les voyageurs par diligence venant de Québec ou des États Unis. La diligence s'arrêtait ici deux fois par semaine pour changer de chevaux ou les faire reposer. Les passagers pouvaient prendre un bon repas avant de poursuivre leur voyage ou pour y passer la nuit. À cette époque, le chemin Gosford était le plus court chemin entre Québec et Portland ou Boston. C'est par ce chemin que transitait le courrier de Québec durant l'hiver, la navigation sur le fleuve étant impossible à cause des glaces, et cela la moitié de l'année. De là l'importance de ce chemin et des gîtes situés sur son parcours.
Dans le récit d'un voyage effectué en 1831 Thomas Fowler raconte: "À l'auberge, les conducteurs ont priorité quant aux repas et au logement, même si l'endroit est bondé. Ils ont des horaires à respecter et paient l'amende s'ils arrivent en retard au bureau de poste. Il leur arrive donc de brusquer les passagers qui prennent trop de temps à finir leur repas. Il raconte que les passagers n'ont souvent que de dix à quinze minutes pour prendre un repas rapide. Certains conducteurs, par contre, accepteront volontiers un pourboire de l'aubergiste pour prolonger l'arrêt et laisser les voyageurs dépenser davantage. On se plaint que les conducteurs ont un penchant prononcé pour la bouteille; c'est qu'ils sont toujours exposés au froid durant l'hiver, s'excusent-ils. "
Avant l'arrivée du Québec Central en 1875, la poste arrivait ici par diligence trois fois par semaine. Cet hôtel était pourvu d'une grande salle où se donnaient des fêtes et des danses. On y organisait souvent des soupers aux fruits de mer.
Au début des années 1900, elle était la propriété de M. et Mme George Embury. Plus tard, elle fut vendue à M. G. Lessard.
L'Académie de Dudswell
En 1844, 9 garçons et 9 filles s'inscrivirent à l'école no 2 de Dudswell Corner. Martha Parker y était enseignante à 15 livres, 14 shillings pour 8 mois de service. En 1857 l'Académie de Dudswell ouvrit ses portes sur le lot 12 du rang 5, près de l'établissement appelé Maple Diner, dans les années 30; ce site est tout près de la propriété de Luc Gosselin. Aujourd'hui, nous pouvons encore admirer les majestueux érables, qui à l'époque ombrageaient le bâtiment. En 1858, l'école du district no 2 se fusionna avec l'Académie.
Plusieurs personnages importants y firent leurs études: Robert A. Davis, le fils de Thomas devint le cinquième premier Ministre du Manitoba. Il y eut également William Bullock Ives, le promoteur de la «Hereford Railroad Company » (le Main central) et président de la compagnie. M. Ives fut également président de la « Royal Pulp and Paper Company » ; de la « Salmon River Pulp Company » ; de la « Scotstown Lumber Company » ; et il possédait des intérêts dans plusieurs autres compagnies. Il était le fils d'Eli Ives, médecin à Marbleton, et d'Artemissa Bullock, des loyalistes venus du Connecticut. L'Académie demeura en usage quelques années après 1900.
La maison de Thomas Davis
Cette propriété était située à l'extrémité d'un petit chemin verbalisé dans les années 1840. Nous pouvons voir, encore aujourd'hui, les fondations de ce bâtiment. C'est dans cette demeure que naquit Robert A. Davis. Né en 1841, il fit ses études primaires à l'Académie de Dudswell et ses études secondaires au Saint Francis College de Richmond. En 1870, il immigra à Winnipeg et se lança dans les affaires. En décembre 1874, devenu un homme riche et influent, il devient premier ministre du Manitoba. À ce titre, il eut plusieurs rencontres avec Louis Riel, le chef des Métis des territoires de l'ouest.
Moulin à scie Willard et le ruisseau Hall
À cet endroit coule le ruisseau Hall qui prend sa source dans les montagnes de Stoke. M. Salmon Willard avait construit un moulin à scie près du chemin Gosford. Le 28 juin 1901, durant un orage terrible, le petit ruisseau d'habitude si calme, se changea en un énorme torrent d'eau et de boue chargé d'arbres et de déchets de toutes sortes. M. Willard dans un effort surhumain, tenta d'ouvrir la vanne pour sauver son moulin et se noya alors que l'installation tout entière et la route furent emportées par le monstre.
Le long de ce torrent, serpentait parmi les collines le "South Stoke Road" aujourd'hui le chemin Lessard. À l'époque, la première ferme sur ce chemin appartenait à M. Fairman Hall né le 6 mars 1840. Il était à la fois fermier et prospecteur. Il passait des heures à explorer le ruisseau et les collines environnantes à la recherche de pépites d'or. Ses recherches furent très souvent fructueuses. Un jour, il découvrit une mine d'or et en informa le gouvernement. Comme celui-ci voulait s'en emparer, il refusa d'en révéler l'emplacement exact et il emporta son secret dans la tombe en 1925. C'est en 1851 que furent identifiés les placers aurifères du ruisseau Hall. D'importants travaux d'exploration y ont été effectués durant les années 1890.
M. Hall était un intellectuel et un bon lecteur. Il était aussi poète, sa poésie était bien connue de tous. « Un de ses poèmes écrits à l'occasion du dévoilement d'un monument en l'honneur de nos pionniers en 1900 s'intitulait "Historic Sketch in Verse". Il se mérita par ses poèmes le titre de "Spirit of the Peak" ». Le journal "Sherbrooke Gazetts" publia la plupart de ses écrits. Il fut conseiller municipal pendant plusieurs années et également un excellent constructeur de routes.
