Quoi que nous fassions, il est trop tard pour s'en
sauver sans dommages. Nous nous sommes décidés trop tard à intervenir sur le
réchauffement du climat.
On le constate de visu. Les événements
atmosphériques extrêmes provoquent des inondations, des feux de forêt, des
sécheresses, la fonte des glaciers et du pergélisol, l'acidification des océans
et j'en passe. Ces phénomènes sont en voie de conditionner notre qualité de vie
à la grandeur de la planète.
Les recherches le démontrent. On ne réussit pas à
réduire significativement les GES, on ne réussit pas à se débarrasser des
énergies fossiles ainsi que du méthane sources principales du réchauffement du
climat.
Deux voies à suivre : l'atténuation et/ou
l'adaptation.
L'atténuation signifie la réduction des émissions de
GES donc d'éliminer la cause du dérèglement du
climat. L'adaptation
signifie la réparation des dommages sur les humains et sur les infrastructures
résultant de la concentration des GES dans l'atmosphère donc d'agir sur les conséquences.
L'atténuation se situe sur le long terme et vise
un bien commun planétaire à savoir un climat viable pour l'humanité. Les
résultats de cet objectif ultime ne seront vraiment mesurables qu'en l'an 2100.
D'ici là, les experts ont planifié des résultats intermédiaires à atteindre :
réduire les émissions de GES de 50 % d'ici 2030, atteindre la carboneutralité
en 2050 et éliminer les excédents de GES dans l'atmosphère pour lui redonner sa
pleine santé en 2100.
L'atténuation implique donc que tous les pays de
la planète s'unissent, se solidarisent autour d'objectifs et de stratégies
communs. Plus facile à dire qu'à faire. Chaque pays, surtout les principaux
pays producteurs de pétrole mais aussi les grandes puissances et les pays émergents
auront tendance à vouloir maintenir leurs privilèges. D'autres se diront
d'accord mais ne prendront pas nécessairement les moyens pour atteindre
l'objectif.
Comme on n'a jamais eu à appliquer un tel
programme, les certitudes n'existent pas et on peut déjà supposer que des
ajustements importants seront nécessaires d'ici 2100. Et on peut prédire sans
se tromper que des parts de budget colossales devront y être affectées.
L'adaptation se situe sur le court terme et
concerne le bien privé, d'individus ou de collectivités. Elle est surtout
locale et immédiate. Les inondations, les feux de forêt ou encore les
sécheresses et les chaleurs extrêmes sont circonscrites sur des territoires
donnés et impliquent des personnes concrètes à secourir ou à soigner, des
maisons, des villages, des routes à rebâtir, à déplacer et ainsi de suite. Ici
encore des sommes astronomiques seront revendiquées et on n'aura pas le choix,
on y est déjà obligé.
Ici les pays les plus pauvres argumenteront, avec raison, qu'ils n'ont pas
ou peu contribué au problème et réclameront des compensations pour l'adaptation
et l'atténuation. Les pays insulaires qui s'enfoncent dans le Pacifique
demandent déjà l'aide des pays les plus riches pour déménager. Quel défi.
Au-delà de ces considérations
La nature regimbe. Les experts sont de plus en
plus clairs : avec les engagements actuels, et à la condition que chaque pays
les réalisent sérieusement, on s'aligne de plus en plus vers une hausse de
température du climat de 3 ℃ plutôt que du 1,5 ℃, nécessaire pour limiter les
dégâts. À 3 ℃, les dommages pourraient être jusqu'à 5 fois pire qu'à 1,5 ℃. Si
cela s'avère, imaginons les efforts d'adaptation à consentir; nous sommes
aujourd'hui à presque 1,2 ℃.
On se retrouve donc face à un cul-de-sac. Moins
nous ferons d'efforts d'atténuation, plus la situation va empirer et plus
d'efforts et de budgets conséquents devront être affectés à l'adaptation. En contrepartie, moins nous ferons d'efforts
pour l'adaptation, plus nous aurons des pertes de vie, des récoltes
rachitiques, des destructions d'infrastructures, etc.
Mener de front les deux voies
Il faut voir que les deux voies visent le même
objectif à savoir épargner des vies humaines et préserver la qualité de vie sur
terre. Mais nous sommes déjà passablement mal pris, il faut freiner les
émissions, les stabiliser puis en extraire l'excédent sinon on va vers la
catastrophe. Il faudra mener de front l'atténuation et l'adaptation.
Privilégier l'adaptation permettrait de maintenir
nos modes de vie pendant encore quelques années ou décennies mais le coût
financier de l'intensification des effets sur les écosystèmes fera que nous
serons débordés et nous devrons nous résoudre à réorienter les budgets à
l'atténuation.
Privilégier l'atténuation fait que nous négligeons
les vies humaines, la santé et le renforcement des infrastructures. Tout aussi
inacceptable. L'atténuation impliquera inévitablement des modifications
importantes de nos modes de vie d'où des choix déchirants à l'horizon.
Au temps de la COVID, suite au manque des
respirateurs, nous avons été jusqu'à nous poser la question : sauver la vie des
jeunes ou celle des personnes âgées ? Nous n'en sommes pas là mais il est
certain que si nous n'intervenons pas ou pas suffisamment sur la réduction des
émissions de GES la situation va empirer et nous serons confrontés à ce type de
choix cornélien : qui et quoi privilégier. Quelles villes, quels pays, quelles
régions du monde ? Vaut mieux planifier immédiatement l'itinéraire plutôt que
de se retrouver face au précipice.
Yves Nantel
Janvier 2024