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  LE PAPOTIN / Chronique historique

Anecdotes concernant les chemins de fer à Dudswell

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Mercredi le 7 octobre 2015

Le chef de gare

Avec l'arrivée du chemin de fer, un nouveau métier fit son apparition, celui du Chef de Gare ou Agent de la Station, comme nous avions coutume de le désigner à Dudswell. C'était la plupart du temps une personne inconnue qui venait de l'étranger. Former par la compagnie Québec Central à Sherbrooke, il venait s'installer dans l'un des petits villages possédant une gare évidemment.

Toutefois, cet étranger ne restait pas inconnu très longtemps. Il devenait très rapidement le personnage le plus important du village, après le curé et le médecin évidemment. Sa position privilégiée lui permettait de rencontrer des gens de partout dans le pays et était donc au courant de tout. C'était le "papotineux" de la région car toutes les nouvelles lui parvenaient en premier des voyageurs.

Il était responsable du télégraphe donc c'est lui qui envoyait ou recevait les bonnes et les mauvaises nouvelles, les fiançailles, les mariages, les baptêmes, les maladies, la mort ... En plus d'effectuer la vente des billets pour les passagers, il réceptionnait aussi les marchandises qui devaient être expédiées via le chemin de fer. C'était à lui que l'on s'adressait lorsque l'on attendait un "paquet". C'était aussi lui qui procédait au triage de la "male" qu'il confiait aux postiers des villages voisins.

Tout ce qui se passait dans la gare et sur un certain tronçon de la voie ferré, d'un côté ou l'autre, relevait de son autorité. Il était responsable de la coordination des déplacements des convois sur son territoire. Si un train tombait en panne ou déraillait, entre deux gares, c'est à lui que revenait la responsabilité d'identifier la situation puisqu'il avait été avisé par son voisin du départ du convoi et de l'heure approximative de son arrivée. En effet, dès qu'un train partait de sa gare, il télégraphiait à la suivante pour donner l'heure du départ et l'heure de son arrivée probable à son confrère. Si le train n'arrivait pas à l'heure dite, ce dernier envoyait des cheminots montés sur un "pompeur à bras" à la rencontre du convoie pour voir ce qui s'était passé. Il arrivait souvent qu'un conducteur de train fusse dans l'obligation de "stopper" son bolide parce qu'un troupeau de vache obstruait la voie, ou qu'un arbre se soit tout simplement couché sur les rails. Un bris mécanique ou un rail défectueux pouvaient aussi expliquer ce retard.

Il est arrivé, à plusieurs reprises, que les cheminots à bout de souffle, soient dans l'obligation de sauter en bas de leur pompeur en voyant la locomotive arriver à toute vapeur. Le convoi retardé pour une raison ou l'autre se devait à tout prix rattraper le retard.

Dans certaines compagnies, l'agent de gare bénéficiaient d'un laisser-passer gratuit pour voyager par le train. Mais en service vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il avait peu le temps à consacrer aux voyages. Résidant avec sa famille dans un petit logement situé à l'arrière ou au second étage de la gare, ce petit espace lui était accordé gratuitement en plus d'être chauffé au frais de la compagnie. L'hiver, lorsque le train avait du retard, il n'était pas rare que le chef de gare offre un petit remontant aux passagers attendant leur train.

Malheureusement, à la fin des années soixante, avec l'abandon des services de passager et l'utilisation de plus en plus généralisée des camions, beaucoup de chefs de gare se retrouvèrent sans emplois marquant ainsi la fin d'une époque.

Le dernier chef de gare à Bishopton fut monsieur Bernard Chassé. M. Gérard Labbé fut chef de gare à Marbleton, et cela quelques années.

Les "cheminots"

Anciennement, l'entretien des voies ferrées était assuré par de petites équipes de deux à quatre hommes qui avaient la charge d'une section donnée. Ceux-ci se déplaçaient à l'aide de « pompeurs », des plates-formes en bois qui fonctionnaient à bras, permettant aux hommes de se déplacer rapidement le long de la voie, afin de remplacer les rails ou de mettre la ligne à niveau.

À une certaine époque, Aaron Westman a travaillé pour le chemin de fer, le Québec Central Railroad. Henry Kenney en était le contremaître. Les autres compagnons de travail étaient, Hector Labbé et Lyford George. Douglas Bishop et Lawrence Weston travaillèrent également à l'entretien des voies. Lawrence, lorsqu'il était jeune, demeurait dans un wagon stationné à la gare de Dudswell Jonction. Il y eut également Bert Westman et M. Lessard, père d'Yvon. Arthur Leroux, était conducteur de locomotive. Nous étions, nous les jeunes, fières de connaître un homme aussi important. Ce brave homme se faisait un devoir de nous envoyer la main à chaque passage à Bishopton. En ce concerne M. Henry Kenney, ll entra au service de la compagnie de chemin de fer Québec Central comme responsable de section, puis tôt après comme contremaître. Il tint ce poste jusqu'en 1935, l'année de sa retraite.


Difficulté pour les opérateurs des pompeurs.

« Il n'y avait aucune communication possible entre l'ingénieur du train et les sectionnaires. À l'heure des «Freights,» un homme à pied était envoyé en éclaireur pour vérifier la venue d'un train. Si un convoi les prenait par surprise, les hommes avaient juste le temps de sauter du «pompeur» qui restait sur la ligne. Le train le frappait, il était démoli, cela se produisait au moins une fois par été.

Pour faire les gros travaux comme changer les «tails», les rails, araser la ligne, c'est-à-dire mettre la ligne au niveau, les deux sections travaillaient ensemble de St-Gérard à St-Adolphe. » Source : Marielle Duchesneau , Weedon.

L'entretien des voies en hiver

L'hiver, chaque locomotive qui tirait un convoi, était équipé d'un chasse neige. Près des gares, plusieurs hommes, jusqu'à 20 dans certains cas, nettoyaient manuellement les rebords de la voie ferrée et les prises d'aiguillage. Après une grosse tempête, qui n'était pas rare en ce temps là, ce nettoyage se faisait avec l'aide de Jessie, le cheval de Aaron Westman, qui tirait un petite charrue de bois. Source : Le livre de Bishopton.


Le pèlerinage de Saint-Gérard

Le 16 octobre de chaque année, des trains spéciaux étaient affrétés par le Québec Central afin de transporter les fidèles jusqu'au sanctuaire de St-Gérard de Majella à St-Gérard. À une époque un peu plus pieuse, beaucoup de croyants, parfois en quête d'une guérison, venaient d'aussi loin que des États-Unis. Source : L'Éveil du citoyen de Weedon, mars 2002, p.5.

Saint Gérard Majella (1726-1755) devient frère convers dans la congrégation des Rédemptoristes, en 1752. Cet ordre, fondé par saint Alphonse de Liguori, fut témoin d'une vie placée à l'enseigne de conversions, de miracles, de prophéties et d'extases nombreuses. En 1904, Monseigneur Laroque de Sherbrooke, assista à Rome à la canonisation de saint Gérard Majella. Lorsqu'il créa la nouvelle paroisse de l'endroit en 1905, il la mit sous le patronage de ce religieux. Les personnes qui avaient confiance en ce Saint se rendaient donc à cet endroit pour lui demander des faveurs. C'est ainsi que débuta les pèlerinages à St-Gérard. Cet événement se perpétue encore de nos jours. Cette année, c'est du 15 au 18 octobre que les festivités ont eues lieu.

Plus terre à terre, il est bon de rappeler que le village de Saint-Gérard n'a pas toujours porté ce nom. À l'origine, on l'appelait Lac Weedon ou Lake Weedon, nom donné à l'endroit par les promoteurs anglais de la Cie Sherbrooke and Kennebec Railway, le futur Québec Central et cela dès 1868. Sa dénomination présente, adoptée en 1924, reprend partiellement le nom de la paroisse Saint-Gérard-Majella. Le bureau de poste de l'endroit porte également le nom de Saint-Gérard depuis 1911.

Aux baigneurs.

Dans les pages du Pionnier de Sherbrooke du 19 juillet 1872, nous pouvons lire ce qui suit : « Des passagers sur les chars du Québec Central nous ont fait remarquer que, le long du chemin de fer, grand nombre de personnes se baignent sans aucun vêtement. Il est très regrettable que notre population soit ainsi une cause de scandale public, et nous espérons que les autorités compétentes y mettront ordre au plus tôt. »

Visite royale dans le Haut-Saint-François

Le 12 juin 1939, après un périple de quatre jours aux États-Unis, le couple royal, George VI et son épouse Elizabeth, effectua un arrêt de quelques heures à Sherbrooke. C'était la première fois qu'un souverain régnant faisait une visite officielle au Canada. À la veille d'une probable guerre en Europe, c'était probablement une façon de demander l'aide de l'Amérique au cas où une guerre n'éclate.

Le train de «ses Majestés», aux couleurs bleues et argent, arriva à la gare de la rue Minto à 12 h 50. Malgré les soixante minutes de retard qu'avait pris le convoi, la foule accueillit le roi et la reine avec enthousiasme dès l'instant où les souverains posèrent le pied sur la plate-forme du dernier wagon. En plus des invités de marque et des 800 délégués des municipalités de la région, une foule considérable, évaluée à environ 25 000 personnes (une autre source mentionne 60,000 personnes) prenaient place dans les estrades et sur les trottoirs à proximité de la gare. Près de 2 000 militaires et policiers avaient été mobilisés pour assurer l'ordre.

Après plusieurs minutes de salutations, le couple royal entreprit un tour de ville accompagné par certains dignitaires. De retour à la gare, le roi et la reine saluèrent une dernière fois la foule en délire. Puis, après le tir de 21 coups de canon, le train repartit de Sherbrooke et emprunta la ligne du Québec Central pour se rendre dans la vieille capitale, Québec. Selon le représentant du journal La Tribune, le train devait faire de brefs arrêts dans les gares de la région afin que le couple royal puisse saluer la foule venue les accueillir. Source : La Tribune, 13 juin 1939 et suivant.

À Bishopton, on attendait avec fébrilité l'arrivée du train royal. Certains avaient revêtit leurs plus beaux ‘'atours'' et quelques uns portaient le chapeau de castor. Quelle déception lorsque le train ne fit que ralentir. Selon ma mère, présente à cette occasion à la gare, il n'y avait pas beaucoup de monde sur place. Elle m'a affirmé qu'elle avait entrevu la reine que très brièvement à une fenêtre. Il est à noter que lors de cet important voyage, le roi était très malade. En fait, contrairement à ce qui avait été annoncé, le premier arrêt officiel après Sherbrooke fut Lévis, à 6 heures 05 et ensuite Rivière du Loup à 9 h. 25 pour un arrêt de 25 minutes. Les souverains prirent ensuite la direction des provinces maritimes d'où ils firent leurs adieux au Canada à la suite d'une tournée triomphale.

J'ai également retrouvé le témoignage suivant, très intéressant: « En fait, nous avions deux trains. Le train royal bleu et argent pour le roi, la reine et leur entourage, et un train vert et marron pour la presse et la sécurité. Avez-vous entendu parler de la sonnette? Le mécanicien du train royal avait une sonnette dans sa cabine. S'il voyait une foule importante à une gare rurale où le train ne s'arrêtait pas, il appuyait sur un bouton et le couple royal se hâtait de se rendre à la plate-forme du wagon panoramique pour saluer. Durant le voyage vers l'Ouest, il m'est arrivé souvent de me joindre au couple royal dans son wagon salle à manger. Évidemment, la table était bien mise, avec de l'argenterie reluisante et du cristal, et les repas étaient superbes. » Source: Ferguson, Ted. Sentimental journey: an oral history of train travel in Canada. Toronto: Doubleday Canada, 1985. P. 226 [Traduction libre]

Le tramway suspendu de la mine de cuivre de Weedon

D'autres entreprises vont imaginer les moyens les plus divers pour transporter leurs marchandises jusqu'au train. C'est le cas de la mine de cuivre de Weedon qui, de 1910 à 1921, exploita un service « de tramways suspendus », qui permettait le transport du minerai brut sur une distance de 4 miles (6 km) à travers la forêt et la rivière Saint-François. Ces baquets, qui pouvaient supporter près d'une demi-tome chacun était en opération 22 heures par jour et déversaient le minerai dans un vaste entrepôt en bordure de la voie ferrée à la « Crossing chez Biron ». Source : Weedon, conter son passé, se préparer un avenir, 125e : 1863-1988, 1988, p. 117.

Les excursions de plaisirs

Un peu avant et après 1900, la Compagnie de chemin de fer Québec Central provoqua beaucoup de controverses de la part des autorités religieuses en organisant des voyages de plaisir le dimanche. Les bonnes gens se plaignaient de « l'immense immoralité des jeunes filles et des jeunes hommes que la danse rend frivoles, passionnés et avides de plaisirs ».

Ainsi Mgr Racine, le premier évêque du diocèse de Sherbrooke, écrivait le 1er avril 1880 : « Le dimanche est un jour de grâce et de salut, de piété et de recueillement, et l'on ne doit pas en faire un jour de vanité, de dissipation, de jeu et d'excès. [...] C'est pourquoi nous défendons absolument les voyages de plaisir par chemins de fer ou par bateaux à vapeur, les dimanches et fêtes d'obligations ».

La petite municipalité du Lac Noir (Black Lake) semblait être le lieu de prédilection de ses excursions dominicales pendant lesquels on dansait et on y faisait la fête. Dans une lettre du 26 septembre 1887 adressée par le Cardinal Taschereau, à tous les curés de la Beauce, on peut lire ce qui suit: « Le curé de Saint-Alphonse-de-Thetford (...) m'informe que le samedi, il vient de votre paroisse, par le chemin de fer ou par d'autres voies, un certain nombre de personnes qui passent le dimanche et deux nuits dans cette petite mission du Lac-Noir, où il n'y a pas encore de messe. Cela donne lieu à des désordres contre lesquels je vous prie de prémunir vos gens. Ce sont des excursions du dimanche contre lesquelles j'ai publié un mandement que vous ferez bien de relire et de commenter pour faire cesser ces désordres» Source : Mandements lettres pastorales circulaires et autres documents publiés dans le diocèse de Sherbrooke, Sherbrooke, Imprimerie du Messager de St-Michel, 1931, tome X, p. 92.

Une vague d'indignation menace aux États-Unis, la danse. Les universités, les premières, ont signalé dans leurs journaux spéciaux «l'immense immoralité des jeunes filles et des jeunes hommes que la danse rend frivoles, passionnés et avides de plaisirs ». Il se forme actuellement à New York une vaste association de pères et de mères de famille dont le but est d'enrayer la dégénérescence morale de la jeunesse et de supprimer la danse qui excite à des dépenses exagérées pousse à la recherche du luxe et détourne du travail. Source: Le Messager de Saint-Michel de Sherbrooke du 14 août 1921.

Le Révérend Thomas Chapman se fâche ...

Un jour, quelque part autour de l'année 1882, un train du Québec Central était en route entre Lévis et Sherbrooke. Ce jour là, il pleuvait beaucoup et le bois disponible le long de la voie, celui que l'on utilisait pour alimenter la locomotive, était trempé "jusqu'aux os". Le chauffeur avait beau remplir la fournaise de l'engin, la température était à peine suffisante pour produire suffisamment de vapeur pour actionner les pistons de la locomotive. De plus, pour passer de la vallée de la rivière Chaudière à celle de la rivière Saint-François, la voie était montante, très abrupte, et la locomotive avait peine à monter la côte. Le train avait ainsi pris beaucoup de retard. Arrivé sur le versant de la rivière Saint-François, la voie était en pente descendante.

L'ingénieur, un monsieur de Marbleton , pour reprendre le temps perdu, décida de rouler à une vitesse qualifiée d'infernale par les passagers. Il y avait à bord du train quelques américains, des dames en particulier ainsi que MM. Thomas S. Chapman et Frederick Gilbert de Marbleton. Les passagers étaient terrorisés, et plusieurs dames s'évanouir en chemin. Immédiatement après avoir quitté la gare de Weedon, le train continua sa route à une vitesse grand V. M. Gilbert, quelque peu traumatisé, s'aperçu de la disparition de M. Chapman. Le cherchant désespéramment, il le retrouva près du frein du dernier wagon. « Que faite vous là M. Chapman? » Demanda M. Gilbert. Eh bien, Freddie, cette vitesse était trop pour moi. Je "sert" le frein de ce wagon depuis notre départ de Weedon, parce que je voulais être certain que le train s'arrête à ma station. J'en avais assez de me faire brasser d'un bord puis de l'autre ... Source: M. Frederick Gilbert


Misère humaine

À certaines époques, le long des chemins de fer et près des gares, on assistait souvent à des scènes déchirantes. Par exemple, des enfants ramassant du charbon laissé tomber par les chauffeurs d'engin. Cette matière ligneuse servait à chauffer les logis et à la préparation des repas dans les familles pauvres. Dans la photo de droite, ci-dessous, nous pouvons voir une petite fille transportant un sac de charbon avec un carrosse de bébé.


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