Bien que l'on puisse s'attendre légitimement à la protection de notre vie privée, l'utilisation d'un téléphone cellulaire appartenant à notre employeur peut altérer cette attente légitime et nos courriels personnels peuvent, à certaines conditions, être admis en preuve dans le cadre d'un litige.
Dans la décision de la Cour supérieure Images Turbo c. Marquis, le tribunal analyse l'admissibilité en preuve des courriels qui proviennent de l'adresse courriel personnelle d'une ancienne employée trouvés dans son BlackBerry qui appartenait à son employeur. L'ex-employée en question utilisait son adresse courriel personnelle ainsi que celle de l'entreprise pour communiquer avec ses clients en raison notamment de l'impossibilité pour certains clients à la rejoindre pour des raisons d'incompatibilité technique. Ainsi, les courriels professionnels entraient sur deux adresses.
Lors de sa démission, madame a remis son BlackBerry à l'employeur et ce dernier, faisant le ménage du cellulaire avant de le remettre à un autre employé, a eu accès à ses courriels tant personnels que professionnels, et ce, sans avoir besoin d'un mot de passe. Les courriels en question démontraient que madame se cherchait un nouveau travail et qu'elle avait l'intention de travailler chez un compétiteur, et ce, malgré que son contrat de travail contenait une clause de non-concurrence valide.
Lors du procès, le procureur de madame s'est objecté à la mise en preuve des courriels personnels contenus dans le BlackBerry alléguant qu'il est question de la vie privée de sa cliente, que l'employeur n'avait pas de motifs de douter de son employée qui pourrait permettre la surveillance de cette dernière et que l'employeur ne peut pas prendre connaissance des courriels qui ne sont pas contenus dans le serveur de l'entreprise.
Procédant à l'analyse des faits et de la jurisprudence applicable, le juge a conclu que les courriels découverts dans le BlackBerry sont admissibles en preuve puisque madame utilisait tant son adresse courriel personnelle que professionnelle, que le cellulaire était la propriété de l'entreprise, qu'il n'y avait aucun mot de passe ou barrière informatique pour empêcher la consultation des courriels et que l'employeur n'a eu recours à aucun stratagème ni aucune procédure de type « essais et erreurs » pour accéder à la boîte de courriel personnelle de madame.
Ainsi, selon les circonstances, il peut s'avérer très périlleux de confondre l'utilisation personnelle et professionnelle des équipements électroniques qui sont fournis par son employeur, surtout lorsqu'un litige se pointe à l'horizon. N'oubliez pas : les écrits restent et les paroles s'envolent !
Me Karine Bourassa
Fontaine Panneton Joncas Bourassa & Associés