Un entrepreneur en banlieue nord de Montréal reçoit de nombreuses
plaintes pour des balcons soulevés par le gel. Vérification faite, il constate
un véritable soulèvement de quelques pouces des balcons en partie reliés au
bâtiment et en partie appuyés sur des colonnes hors bâtiment. Il y a bien
soulèvement des colonnes, mais aucune trace de soulèvement du bâtiment
lui-même.
Colonnes de balcons soulevées par le gel
Quelques jours plus
tard, soit le 16 mars 2015, il lit dans le quotidien La Presse un article de M.
Pierre-André Normandin intitulé « Le sol de Montréal aussi gelé que celui
de Chibougamau ».
« 2,35 m : profondeur
du gel enregistrée à l'intersection de la rue University et du boulevard
René-Lévesque. C'est la profondeur de gel habituellement observée à
Chibougamau, pourtant beaucoup plus au nord. Même si le gel est moins profond
ailleurs, il a atteint des profondeurs record dans pratiquement tous les
secteurs de l'île. Rappelons que la profondeur du gel est étroitement liée au
type de sol. »
Une question lui
trotte dans la tête : est-il responsable de ce désordre s'il a bien
construit conformément au Code de construction du Québec?
Pour répondre, il
relit ce que le Code indique à ce sujet. Puisqu'il sait que le sol est composé
d'argile et que les colonnes sont des fondations ne délimitant aucun espace
chauffé, il lit : « Tableau 9.12.2.2 Profondeur minimale des
fondations : Au moins 1,2 m ou jusqu'à la limite de pénétration du gel si
cette valeur est supérieure. »
Une profondeur de
1,2 mètre, c'est à peine 4 pieds!
Il cherche ensuite
des données climatiques sur la profondeur de la pénétration du gel au Québec et
ne trouve aucune donnée spécifique dans le Code, pas même à l'annexe C. Il ne
trouve rien non plus sur le site d'Environnement Canada. En pratique, il
construit comme tous les autres constructeurs : dans la région de Montréal
il place les fondations de 1,2 à 1,8 mètre (4 à 6 pieds) sous le niveau du sol.
À Québec, c'est plutôt à 1,5 mètre (5 pieds) qu'il faudrait les
mettre. Il sait aussi que plus il construit au nord de Montréal, plus les
fondations doivent être profondes. Elles seraient probablement placées à 1,5
mètre (5 pieds) à Mont-Tremblant, par exemple.
De fait, le Code
(art 9.12.2.2.5)) permet de construire selon l'expérience antérieure de la
profondeur du gel. Dans certains cas, ce pourrait être moins que le minimum de
1,2 mètre (4 pieds).
Constructeur
prudent, il place les fondations de 1,2 à 1,8 mètre (4 à 6 pieds) sous le
niveau du sol et enrobe toujours les colonnes de polyéthylène pour en faire un
plan de glissement résistant au soulèvement par adhérence du sol. Mais si le
sol a gelé jusqu'à 1,5 mètre (5 pieds) ou plus il est possible que le sol ait
gelé sous les fondations. En gelant, des lentilles de glaces peuvent se
former et soulever les fondations des colonnes.
Notre entrepreneur
détient certainement de bons moyens de se défendre advenant des réclamations,
mais pour ce faire il aura besoin d'une expertise démontrant que la
construction est bien conforme au Code et dans ce cas-ci à la pratique courante
de placer les fondations de 1,2 à 1,8 mètre (4 à 6 pieds) sous le niveau du
sol. Cette expertise demandera certainement d'excaver à l'endroit des colonnes
pour constater la conformité à moins qu'il ne possède des photographies
convaincantes des travaux exécutés ou encore un relevé des installations telles
que construites, des pratiques peu fréquentes.
De bonne foi, il
rencontre chacun de ses clients et leur explique son analyse. Il est prêt à
faire les réparations, mais à certaines conditions : sans admission de
responsabilité, il excavera chacune des colonnes et fondations problématiques
le tout sous la supervision d'un expert indépendant accepté par les
parties :
a. S'il s'avère que
les fondations sont bien de 1,2 à 1,8 mètre (4 à 6 pieds) sous le sol et bien
enrobées de polyéthylène, il partagera les coûts à parts égales avec ses
clients; pour lui, un règlement même lorsqu'il n'est pas en faute vaut bien un
procès ou un arbitrage;
b. S'il s'avère que
les fondations sont à moins de 1,2 à 1,8 mètre (4 à 6 pieds) sous le sol, il
absorbera en totalité les coûts de correction.
Dans l'un ou
l'autre des cas, il placera les nouvelles fondations plus profondément,
soit de 1,5 à 1,8 mètre (5 à 6 pieds) sous le sol puisqu'il ne souhaite pas
revivre cette situation ni la faire revivre à ses clients.
Tous ses clients
ont accepté sa proposition et les travaux d'excavation débuteront lorsque le
sol aura enfin dégelé.
Source : http://www.apchq.com/estrie/fr/membres-services-technique-capsules-entrepreneur-le-gel-provoque-une-degelee.html