Dans une culture populaire réductrice et amère règne entre autres la glorification de la redéfinition de soi. On nous dit de changer de peau, de tout laisser tomber.
Le problème, c'est que, bien trop souvent, les lecteurs de livres de développement personnel se réinventeront avant même de s'être trouvés. « Je veux repartir à zéro ». À mon humble avis, la quête identitaire d'une personne dure toute une vie. On remodèle celle-ci, certes, mais elle demeure un travail de longue haleine, étrangère à un modèle qui veut effacer tout ce que vous avez accompli pour, du jour au lendemain, devenir autrui. Jusqu'à quel point seriez-vous prêt à aller pour le devenir? Vous n'êtes pas autrui. Vous êtes unique, avez une seule personnalité, un seul vous. Cela ne cacherait-il pas un fond de comparaison excessive?
L'identité est donc façonnée interminablement. Ainsi, vouloir repartir à zéro, c'est comme délaisser le chemin parcouru toute une vie durant, essayer d'abandonner ce que vous êtes réellement. Une fois justement, à cette nouvelle case départ, vous tenterez de rebâtir, vous rebâtir, sans même avoir achevé l'œuvre de votre vie : vous. Reconstruire avant d'avoir fini de construire, réinventer, avant d'avoir inventé, redéfinir, sans être pleinement définis.
Convaincus à ce laïus. Au lieu de peaufiner, de bonifier, d'améliorer; il faut jeter sur-le-champ. Ce que vous avez réussi à créer et à comprendre vous concernant n'est plus de date, parce que vous êtes vendu aux deux premières pages d'un best-seller, qui a réussi à vous faire douter du bien-fondé de votre existence.
Quant à moi, j'essaierais d'explorer et de sortir dans ma zone de confort dans l'objectif d'en trouver plus sur moi, pas pour miraculeusement découvrir un autre moi. J'imagine que ce qui incite à la réinvention, c'est l'espoir soudain de pouvoir laisser un passé peut-être houleux derrière soi. Oui, je crois en le « regardez toujours devant », mais sans nécessairement abandonner les embuches. Je les veux comme récompenses, comme leçons de vie. Rester positif, oui, mais pas quitte à tout quitter. Plutôt, quitte à acquitter, quitte à se pardonner.