Si vous êtes de ceux qui pensent qu'il y a moins de personnes dans les bars de Sherbrooke, vous n'avez pas tort.
Selon Gilbert Carrière, un exploitant de bars et discothèques qui a géré une dizaine d'établissements depuis maintenant presque 30 ans, il existe une réelle baisse d'achalandage. « Il y a plusieurs causes au phénomène, mais pour moi, la principale est les téléphones intelligents et les réseaux sociaux. Le jeune arrive dans l'établissement, il jette un coup d'œil, qui est là, combien il y a de personnes, il sort son téléphone, pitonne ou reçoit un texto et il repart aussi vite qu'il est arrivé pour rejoindre sa gang quelque part ailleurs si l'ambiance n'est pas à son goût. Dans ces cas-là, il est très difficile de retenir le client. Ça devient très volatile... »
Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les lois contre le tabac ne semblent pas avoir affecté l'achalandage, mais la politique de Tolérance Zéro pour les jeunes et une plus grande sévérité des policiers et des tribunaux envers la conduite avec les capacités affaiblies a eu un impact selon notre informateur. « Tu ne sors pas dans un bar si tu dois rester sobre.» Chez la clientèle plus âgée, de 35 à 55 ans, le taux de consommation est demeuré stable selon lui. Les gens boivent à peu près comme avant, mais ils demeurent moins longtemps dans les établissements.
Gilbert Carrière a été propriétaire du Fougasse dans les années 90, qui avait une moyenne de 750 personnes par soir, trois soirs par semaine. Il a aussi été propriétaire du Planète Rock, de l'Empire, du Scratch, et du Blanc bar lounge qui lui, avait une moyenne de 350 personnes par soir. Ensuite, il a ouvert la Fakulté, et le Summum qui acceuillait 1000 personnes par soir, deux soirs et demi par semaine. Gilbert est aujourd'hui propriétaire du tout nouveau Pub 80's qui accueille 150 à 200 personnes par soir, une clientèle âgée entre 35 et 55 ans nostalgique de la musique des années 80. « Auparavant, il y avait la musique pour attirer les gens. Tu sortais pour écouter et danser sur de la musique que tu n'entendais nulle part ailleurs. Il y avait des mix qui étaient faits juste pour les discothèques. Aujourd'hui, avec Internet, oublie ça. Tout le monde a accès à toute la musique qu'il veut », ajoute-t-il.
Autre facteur : il n'y a pas si longtemps, les gens ne travaillaient pas le dimanche. Aujourd'hui, à peu près tous les commerces sont ouverts les samedis et les dimanches. « Quand tu sais que tu dois te lever à sept heures le dimanche matin pour aller travailler, tu ne vires pas jusqu'au last call. Et puis, sortir est devenu un luxe. Le coût de la vie a augmenté, mais les revenus n'ont pas suivi. Les jeunes ont moins d'argent pour sortir. Ils vont à l'école plus longtemps et se retrouvent sur le marché du travail beaucoup plus tard. Il y a aussi le fait qu'on est devenu une société surprotectrice et que les bars ont toujours eu mauvaise réputation. »
Parmi les autres raisons mentionnées, les diverses activités estivales et festivals de tout acabit qui attirent la clientèle. « En été, si tu n'as pas de terrasse, oublie ça, tu n'es plus dans la game », lance-t-il.
« Aujourd'hui, pour qu'un bar ou une brasserie fonctionne, il te faut une terrasse, un restaurant avec une salle à manger, un beau décor, des promotions originales... la totale, quoi ! », conclut notre tenancier qui ne saurait, malgré tout, se passer de cette vie.