Les changements que nous faisons subir à la planète sont à ce point importants que les experts ont cru bon de donner un nom à cette période. Chacun de nous, installé dans notre confort, nous ne percevons pas l’ampleur des changements qui s’opèrent à l’échelle planétaire, pas davantage des impacts qui ont commencé à se manifester et qui vont s’amplifier si on ne fait rien ou trop peu. Peut-on imaginer que, nous les humains, en quelques années, nous ayons transformé la planète à ce point que nous entrions dans une nouvelle ère, l’ère de l’Anthropocène ?
L’empreinte humaine compromet la biocapacité de la planète
Jusqu’à tout récemment, la planète-terre avait une biocapacité suffisante pour combler les besoins humains mais graduellement notre empreinte écologique est devenue problématique :
- en moins de 150 ans, les humains ont épuisé 40 % des réserves d’hydrocarbure qui avaient pris des milliards d’années à se former ;
- plus de 50 % de la surface des continents a été transformée par l’agriculture à grande échelle, par l’érection de villes gigantesques et par la technologie. Comme conséquences, la biodiversité, les cycles biogéochimiques, les sols et le climat sont affectés ;
- la fabrication d’engrais et la combustion de carburants contribuent à fixer plus d’azote que l’ensemble de processus naturels réunis ;
- plus de la moitié de l’eau douce accessible en surface est monopolisée pour des usages humains alors que les eaux souterraines sont exploitées de manière excessive.
- depuis 1990, 35 à 40 % des coraux sont morts, eux qui ont résisté durant des millénaires.
Global Footprint Network nous introduit une autre façon de comprendre ce processus. Aujourd’hui, il faut 1,7 planètes-Terre pour combler les besoins de l’humanité. L’humanité a utilisé plus d’arbres, d’eau, de sols et de poissons que la planète ne peut en fournir en un an et nous avons émis plus de carbone que les forêts et les océans ne peuvent en absorber.
Plus encore, si tous les humains vivaient au rythme des Canadiens, il faudrait 4,8 planètes-Terre. Autour des années 1970, la terre suffisait encore à combler nos besoins et à se reproduire d’année en année. Si ce développement date du début de l’ère industrielle (milieu du 19e siècle), la saturation de la capacité productive de la terre est plus récente.
Rapidité et intensité de l’empreinte humaine
On le constate, l’empreinte humaine qui transforme la planète est d’une rapidité et d’une intensité absolument incroyables comparée aux perturbations dont la nature a dû faire face au cours des époques antérieures.
Au niveau de la rapidité à transformer notre planète, les études des paléoclimatologues, ces experts qui analysent l’histoire du climat jusqu’à un million d’années antérieurement, démontrent que jamais au cours des périodes antérieures les concentrations de CO2 dans l’atmosphère n’ont atteint les degrés actuels. Lorsque ce gaz augmentait c’était très lentement sur des périodes très longues permettant ainsi une adaptation graduelle aux perturbations conséquentes.
Au niveau de l’intensité, le réchauffement climatique évolue vers des scénarios catastrophiques si on ne fait rien ou si peu, comme actuellement. Il y a urgence. Dans notre univers mental, les chiffres 1, 2, 3, 4, sont de petites unités, c’est peu en soi. Mais les experts l’affirment, preuves à l’appui, une augmentation de la température de 1,5 ℃ en si peu de temps est des plus problématiques. Et que dire de + 2 ℃ ou encore +3 ℃ ou +4 ℃.
Pourquoi Anthropocène ?
L’Anthropocène serait une nouvelle période géologique de notre planète, la terre. Celle où les humains ont commencé à façonner leur environnement au point de le transformer radicalement.
La terre, qui compte 4,5 milliards d’années, s’est développée lentement. La période allant de 2,58 millions d’année à il y a quelque 11 700 ans s’est appelée le Pléistocène. Les continents avaient leur configuration actuelle. Elle a subi quatre ères glaciaires suivies de périodes interglaciaires d’une durée de 20 000 à 40 000 ans.
Puis, l’époque de 11 700 ans jusqu’à aujourd’hui s’est appelée l’Holocène. Elle fut une période interglaciaire caractérisée par une stabilité relative où les humains ont apprivoisé la nature afin de satisfaire leurs besoins élémentaires.
Suite à l’intervention humaine récente, mais imposante, nous entrons dans une époque de profonds changements qui permettent de caractériser cette période qu’on devra à l’avenir appeler l’Anthropocène.
Au-delà des changements climatiques
Les prochaines années vont continuer à nous affecter, le visage de la société va changer et les défis à relever s’amplifier. Ainsi, la population mondiale va graduellement passer de 7 à 10 milliards de personnes d’ici la fin du siècle et il faudra tous les nourrir, la population actuelle va vieillir avec des besoins spéciaux, certaines ressources vont se raréfier et nous devrons les remplacer par d’autres, les risques de guerre pour se les approprier risquent fort de s’accentuer, la biodiversité subit déjà des pertes irréversibles, à la migration économique s’ajoutera la migration climatique, etc.
Décidément, nous sommes bien entrés dans une époque où l’humain transforme la planète à un rythme effréné. Nous sommes de plein pied dans la période de l’Anthropocène.
Yves Nantel
Janvier 2020x
Claude Villeneuve,
Est-il trop tard ? Le point sur les changements climatiques, Éditions MultiMonde, 2013.
Global Footprint Network, communiqué de presse, 31 juillet 2018 relayé par Radio-Canada.