Votre voisin Edmond a connu récemment de graves déboires financiers. En effet en mars dernier, Edmond n'ayant pas les liquidités financières pour payer les taxes municipales sur son immeuble à logements, la ville l'a fait vendre pour taxes.
Au moment de la vente, les sept logements étaient loués, deux des locataires payaient eux-mêmes l'électricité, pour les cinq autres logements elle était à la charge d'Edmond.
La santé financière d'Edmond s'étant rétablie, il a mandaté son notaire pour procéder au retrait de l'immeuble (c'est-à-dire au paiement des montants dus à l'acquéreur pour reprendre la propriété de son immeuble). C'est ainsi que le notaire fait parvenir à l'adjudicataire (c'est-à-dire celui qui a acquis l'immeuble pour taxes pour la somme de 9 901,10 $), une lettre dans laquelle il est fait mention du désir d'Edmond de rembourser le prix déjà payé pour les taxes, plus les intérêts de dix pour cent (10 %) ainsi que les taxes municipales et scolaires qui ont été payées depuis l'adjudication en justice, si tel est le cas.
Il appert que le nouveau propriétaire a perçu les loyers qui s'élèvent à plus de vingt mille dollars (20 000,00 $), qu'il n'a pas payé les taxes depuis la vente en justice et qu'il n'a pas payé le compte d'électricité.
N'ayant pas eu de réponse à sa lettre, le notaire communique par téléphone avec l'adjudicataire pour lui donner un rendez-vous, l'adjudicataire ne l'ayant pas rappelé, le notaire laisse un message sur le répondeur où il suggère deux dates pour la signature d'un acte de retrait. Pas de réponse.
Entre-temps, le notaire reçoit d'Hydro-Québec, un état de compte démontrant que l'adjudicataire n'a jamais payé l'électricité.
Lors d'une rencontre avec le notaire, l'acquéreur informé du compte d'Hydro-Québec prétend qu'il n'a pas à payer ce compte, puisqu'il n'est pas à son nom. Edmond accepte de payer ce compte dû à Hydro-Québec; malgré cela, l'acquéreur tergiverse toujours et le délai d'un an pour procéder au retrait est aujourd'hui échu.
Edmond a-t-il définitivement perdu son immeuble, d'autant plus que ledit immeuble a été vendu par l'acquéreur à une corporation?
Pour répondre à cette question, il faut tout d'abord examiner l'article 531 de la Loi sur les cités et villes qui décrète:
«L'immeuble vendu pour taxes peut être racheté par le propriétaire ou ses représentants légaux en tout temps durant l'année qui suit la date de l'adjudication, sur paiement à l'adjudicataire du prix de vente, y compris le coût du certificat d'adjudication, avec intérêts à raison de 10 % pour cent par année, une fraction de l'année étant comptée pour l'année entière.»
À la lecture de cet article, on pourrait croire que le délai d'un an clôt le débat, il n'en est cependant pas ainsi. En effet, la jurisprudence sur cet article nous apprend que si le propriétaire d'un immeuble vendu pour fins de taxes municipales se manifeste avant la fin de l'année de l'adjudication et qu'il démontre qu'il a les fonds nécessaires pour rembourser l'adjudicataire, le propriétaire aura gain de cause et pourra conserver son immeuble malgré que le délai soit échu.
Dans une décision datée du 5 juin 2015 qui porte le numéro 455-17-000834-127 où les faits sont similaires, le juge Dumas affirmait:
«On ne peut certainement pas reprocher au demandeur d'avoir laissé passer l'échéance. La raison pour laquelle l'échéance a été passée, est que le défendeur, après avoir été informé que toutes les exigences qu'il posait pour signer l'acte de retrait ont été acceptées, a négligé de se présenter au rendez-vous chez le notaire»
Par la suite, le juge faisant étant de la jurisprudence sur le sujet, retiendra la responsabilité de l'acquéreur et du nouveau propriétaire «... parce qu'elle a participé à empêcher le demandeur à effectuer le retrait et en rendant plus difficile l'action en passation de titre.»
Il est à noter que dans la cause citée, le demandeur avait choisi de réclamer les pertes qu'il a subies suite au défaut des défendeurs de procéder au retrait de son immeuble vendu pour taxes.
En conclusion, si une telle situation se présente, il faut absolument aviser l'acquéreur de votre immeuble, de votre intention de lui rembourser le montant payé pour les taxes, le coût du certificat d'adjudication, les intérêts de dix pour cent (10 %) peut importe le moment où s'effectue le remboursement et démontrer que les montants en question sont disponibles avant la fin de l'année qui suit la date de la vente.
Au plaisir.