Devant les manifestations de plus en plus dramatiques du
réchauffement climatique, un consensus se dégage graduellement en vue d'atteindre
la carboneutralité pour 2050. Pour y arriver, il faut procéder à la transition
des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) vers les énergies renouvelables
(éolien, solaire, hydraulique, hydrogène, etc.) et renforcer la capacité
d'absorption des puits naturels de CO2 (sols et océans). Des
scientifiques vont plus loin et préparent des scénarios relevant de la
science-fiction à savoir modifier le climat planétaire.
Afin de renforcer les capacités d'absorption des puits de CO2,
trois processus sont envisagés. Le premier réfère à des interventions en phase
avec la nature : plantation de milliards d'arbres, protection de
territoires et modification des pratiques agricoles. Le deuxième fait appel à
des technologies nouvelles : capture et stockage du CO2 (CSC).
Le troisième à la géo-ingénierie : blocage des rayons solaires et hausse
de productivité des océans.
La capture et le stockage du CO2 (CSC)
Selon l'Agence internationale de l'énergie « les besoins
de CSC sont colossaux et de plus en plus de pays intègrent cette technologie
dans leur politique de décarbonation ». L'Agence envisage la capture de 1,6 milliard
de tonnes de CO2 par an dans le monde en 2038 et de 7,6 milliards de
tonnes à l'horizon de 2050 alors que cette technologie en capte seulement 40
millions de tonnes par année actuellement.
Quand on parle de CSC, on s'adresse aux puits naturels. La
CSC consiste à capter le CO2 lors des procédés de production. Il
peut être capté avant la combustion, pendant la combustion ou après la
combustion du charbon, du pétrole ou du gaz, selon le combustible utilisé.
Une fois le CO2 capté il est transporté pour être
enfoui, à de grande profondeur, dans des mines désaffectées ou dans des puits
de pétrole taris ou encore dans les océans. Ainsi stocké, le CO2 se
minéralise et reste emprisonné pendant des milliers d'années.
Le Canada a quatre projets de CSC en opération dont, à titre
d'exemple, le Bundary Dam 3 de la SaskPower en Saskatchewan : une centrale
électrique au charbon de laquelle on capture le dioxyde de carbone (CO2)
après combustion, mais avant qu'il migre dans l'atmosphère.
C'est lors des procédés de production des plus grands
émetteurs de CO2 à savoir la sidérurgie, les pâtes et papiers, le
ciment, la pétrochimie, l'agroalimentaire, etc. que nous pourrions utiliser
avantageusement cette technologie. Ces industries, même une fois converties à
l'énergie renouvelable comme au Québec, produisent encore des émissions de CO2.
Ce secteur industriel au Québec demeure le deuxième plus grand émetteur de GES
après le transport. La CSC est pour lui un espoir de progresser vers la
carboneutralité.
Au niveau mondial, la technique de capture et stockage du CO2
s'intensifie : quelque 76 projets sont en vigueur ou en expérimentation
actuellement. L'Europe y est très active, de même que la Chine et les
États-Unis. La Norvège, leader en la matière, propose ses côtes marines comme
lieu d'enfouissement.
Ces expériences inédites méritent d'être suivies de très près.
La précaution est de rigueur.
La géo-ingénierie : de la science-fiction ?
On pourrait qualifier la géo-ingénierie de science-fiction :
ce n'est pas le cas pour les scientifiques qui s'y préparent. Sous le titre Changer
le climat, Science et Vie d'octobre 2018 y consacrait son dossier
principal. Il s'agit de projets d'interventions radicales sur l'ensemble du
climat.
Le premier consiste à bloquer les rayons du soleil,
rien de moins. Sur l'exemple des nuages d'éruptions volcaniques, on croit
pouvoir, grâce à des ballons pulvérisateurs, des drones ou des avions, injecter
dans la stratosphère un gaz (dioxyde de soufre, par exemple) qui atténuerait la
chaleur les rayons solaires. Une opération qui pourrait durer plusieurs
décennies.
En complément à cette méthode, on pourrait augmenter le
pouvoir réfléchissant des nuages, blanchir les sols, ou encore peindre les
toits des édifices en blanc de façon à renforcer son albédo, à savoir son
pouvoir réfléchissant.
Le deuxième projet n'est pas moins ambitieux : alcaliniser
les océans pour favoriser l'absorption du CO2. On sait que les
océans ont un grand pouvoir de captation de CO2, mais les
concentrations de GES dans l'atmosphère acidifient les océans et réduisent
grandement ses capacités d'absorption. Une flotte de milliers de navires sillonnerait
les mers et déverserait en permanence, à sa surface, du minerai d'olivine
jusqu'à la fin du XXIe siècle. On croit qu'ainsi les océans seraient capables
d'absorber 1 000 milliards de tonnes de CO2 et de stabiliser la
température autour de + 1,5 ℃.
Un autre projet serait d'aspirer l'air avec des turbines géantes
afin d'en extraire le CO2, de le transporter puis de le stocker dans
des gisements géologiques ou marins.
Le dossier de Science et Vie se termine avec 5
questions : Qui décidera de lancer ces opérations ? Quel climat choisir ?
Comment gérer les effets secondaires ? La géo-ingénierie peut-elle devenir une
arme ? Pourra-t-on arrêter ces manipulations sans risques ?
Éviter la manipulation du climat
Évidemment, l'utilisation de la géo-ingénierie ce n'est pas
demain la veille, mais notre refus de prendre des mesures d'envergure nous
rapproche de ces manipulations. Si nous laissons le climat se détériorer en
boucles de rétroaction, il pourrait être nécessaire, en désespoir de cause, de
l'envisager.
Il faut tout mettre en œuvre pour éviter la manipulation du
climat. Il faut s'en tenir aux capacités naturelles de la planète. Elle nous a
bien servis jusqu'à ce que notre boulimie productiviste nous conduise à la
porte du chaos climatique.
Novembre 2021