Le nombre de fois que je me fais questionner au sujet des fameux sulfites contenus dans le vin est incroyable. Presque chaque fois que je fais une dégustation, que j'organise à l'Auberge Quilliams, le sujet est amené sur le tapis. Ce fameux gaz, qui conduit bon nombre de personnes à avoir la gueule de bois, est de plus en plus pointé du doigt par les consommateurs, mais l'est-il à juste titre? Les gens s'étonnent de voir de plus en plus la mention « contient des sulfites » sur les étiquettes. Plusieurs d'entre eux ont l'impression, à tort, que l'ajout de sulfites est un phénomène nouveau et de plus en plus employé. Ce sont plutôt les législateurs qui ont décidé récemment que cette mention devait apparaître sur les étiquettes ou les contre-étiquettes. Si aux États-Unis cette mention est obligatoire depuis un bon moment, en Europe cette pratique est plus récente (2005). Toutes les bouteilles contenant plus de 10 mg/litre doivent porter cette mention. Le hic c'est qu'on n'est pas obligé d'indiquer la quantité de sulfites. Pourtant, il s'agit là d'une donnée extrêmement importante compte tenu du fait que certains vins rouges peuvent contenir jusqu'à 160 mg/litre (maximum permis), les vins blancs environ 210 mg/litre et les liquoreux jusqu'à 400 mg/litre. Entre un minuscule 10 mg/litre et 400 mg/litre, il y a un univers.
Mais pourquoi ajouter des sulfites?
L'emploi de sulfites remonte à la fin du XVe siècle. Le SO2 sert d'antioxydant, d'antiseptique et d'acidifiant. Pasteur dans ses recherches sur le vin avait compris que l'ajout de SO2 protégeait le vin de l'altération causée par l'air. Son utilisation est donc bénéfique. En fait, pour les œnologues, le SO2 est en quelque sorte une police d'assurance à laquelle tous ou presque souscrivent, même les purs et durs de la biodynamie. Ces derniers, soit dit en passant, se sont imposé des règles plus strictes que celles imposées par la législation européenne en ce qui concerne les maxima (deux à trois fois en deçà des normes légales). Le dioxyde de soufre est entre autres employé à titre d'antiseptique et vaporisé sur les vendanges impropres ou ajouté lorsqu'une vinification a mal tourné. Il est utilisé également pour aseptiser les fûts avant l'introduction du vin et les bouteilles avant l'embouteillage. Les rouges, grâce à leurs tannins, sont moins vulnérables, mais les blancs, les rosés et les liquoreux sont plus fragiles et difficiles à faire surtout en ce qui concerne la couleur, ce qui fait que le SO2 est employé en plus grande quantité pour ceux-ci. Mais le SO2 n'a pas seulement que des effets bénéfiques. Les meilleurs vignerons vous diront qu'il est important de ne pas sulfiter lors de la fermentation pour ne pas tuer les levures indigènes afin de garder la typicité de leurs vins.
Peut-on faire des vins sans ajout de SO2?
Il est possible de produire des vins sans sulfiter, mais il très hasardeux de le faire ne serait-ce à tout le moins que lors de l'embouteillage. Chez ceux qui s'obstinent à prendre le risque, une fois sur deux le vin aura un problème (vin piqué, décoloré, etc.). À notre époque, un rendement d'une bouteille sur deux est inacceptable économiquement. Certains réussissent par contre, mais pour ce faire, la vendange doit être d'une propreté irréprochable et dégagée avec soin de toute impureté. Pierre Overnoy, viticulteur à Pupillin dans le Jura, réussit à vinifier ses vins de l'appellation Arbois sans utiliser de soufre, et ce, avec beaucoup de succès. Par contre, il est le premier à déconseiller à quiconque d'agir ainsi, expliquant à ceux qui aimeraient l'imiter que toutes les conditions doivent être réunies pour ce faire.
Donc, en conclusion, l'ajout de sulfites est un mal nécessaire et quasi indispensable. Il le restera jusqu'au jour où quelqu'un trouvera une méthode plus efficace. Si ça peut vous consoler, sachez qu'il y a cent fois plus de sulfites sur les étalages de fruits et légumes des super marchés que dans une bouteille de vin.
Les suggestions de la semaine :
Chardonnay, Hob Nob, Les Vins Georges Dubœuf, Vin de Pays d'Oc, France, 2008 Code SAQ : 11133749, Prix : 14,20 $
Georges Dubœuf, le roi du Beaujolais nous présente ici un vin à base de chardonnay qui aurait pu provenir de la Californie ou de l'Australie que je n'aurais pas été surpris. Déjà avec un nom pareil et à voir l'étiquette on est dirigé sur la piste du Nouveau Monde. Hobnob en anglais veut dire côtoyer (to hobnob with) ou encore se lier d'amitié (to hobnob) et je suis certain que ce chardo n'aura pas de difficulté à se faire des amis. Doté d'une robe dense aux teintes dorées, il dévoile un nez où l'expression est au rendez-vous. Des nuances de beurre frais, de brioche, de vanille et de pomme granny smith. La bouche est croustillante et les saveurs qu'on y perçoit ne sont pas étrangères aux arômes perçus à l'olfaction. Un vin convivial, qu'on boit entre amis à l'heure de l'apéro avec des tapas aux fruits de mer
Cabernet/merlot, Awetea Te Mata Estate, Hawkes Bay, Nouvelle-Zélande, 2008, Code SAQ : 11305951, Prix : 28,55 $
Une dégustation de vins provenant de la Nouvelle-Zélande m'a récemment permis de découvrir ce vin tout à fait réussi, expressif à souhait, affichant une belle harmonie de saveur, sans flafla ni surextraction. Il fut un de mes coups de cœur de cette journée où le pinot noir et le sauvignon étaient à l'honneur. Moins expressif et concentré que son grand frère, le Coleraine, mais aussi beaucoup moins cher (52,25 $). Il faut dire que cette winery néo-zélandaise n'est pas à ses premières armes en matière de viticulture puisqu'il s'agit du plus vieux vignoble de ce pays situé aux antipodes du Québec. Les vignes ont été plantées entre 1863 et 1914. Il s'agit donc d'un vin de style meritage, c'est-à-dire issu d'un assemblage de type bordelais. La robe est dense et profonde avec des reflets grenat. Des arômes de prune, d'épices et de cerise sont perçus en avant-plan et s'accompagnent de nuances de cèdre et de chocolat noir. La bouche est le miroir du nez en termes de caractères. La finale laisse percevoir des flaveurs de réglisse. Les tannins sont souples et bien présents. Idéal avec un rôti de bœuf au jus.