On est de plus en plus devant l'évidence :
l'augmentation des émissions de GES et son corollaire le réchauffement du
climat a commencé à déferler ses conséquences et tôt ou tard nous serons tous
affectés directement ou indirectement.
Le défi est de contenir le réchauffement du climat
à 1,5 ℃. La fenêtre d'opportunités existe encore mais le temps presse, nous
disent les experts. Des cibles sont fixées : a) réduire nos émissions de GES de
45 % d'ici à 2030 b) atteindre la carboneutralité en 2050 c) réduire davantage
pour contenir le réchauffement à 1,5 ℃ en 2100.
Le défi est colossal pour tous les pays de la
planète. Cette dernière ne négociera pas. Certains diront que ce discours est
alarmiste, que la science trouvera bien des solutions. Peut-être ? Mais rien
n'est moins sûr. Doit-on rester les bras croisés à voir si les prévisions des
experts vont se réaliser ? Est-ce la voie la plus responsable ?
Voici deux mesures, à des niveaux différents, qui
devraient nous faire progresser.
Récupérer les super profits des
pétrolières
En 2022, les pétrolières ont fait des profits
records (Forbes, février 2023) :
Shell : 42,3 milliards $
Chevron : 35,5 milliards $
ExxonMobil : 55,7 milliards $
TotalEnergies : 20,5 milliards $
BP : 27,7 milliards $
pour un total de 182 milliards $ en bénéfice net.
Et où seront-ils réinvestis ? Dans le développement de leur industrie ?
Sortir des énergies fossiles est un impératif. Si
l'on y croit, on doit dépasser le stade du souhait. Mais comment faire pour
obliger les pétrolières à s'amender car elles ne le feront pas d'elle-même ?
Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU
s'est indigné tout comme les nombreux militants environnementalistes :
« Aujourd'hui, j'en appelle à tous les pays développés à taxer les
bénéfices exceptionnels des entreprises du secteur des combustibles fossiles
«. C'était en septembre 2022.
Pour sa part, Christian de Perthuis, économiste
français, auteur de Le tic-tac de l'urgence climatique,
propose que tous les profits, à moins d'être réinvestis dans la transition bas
carbone, soient taxés. À quelle hauteur ? S'appuyant sur les scénarios de
l'Agence internationale de l'Énergie qui affirme que pour atteindre la
carboneutralité en 2050, il faut cesser dès aujourd'hui tout investissement
nouveau dans le pétrole et le gaz, il est conséquent et demande que la taxe
soit de rien de moins que de 100 %.
Et évidemment que cessent dès maintenant, les
subventions aux pétrolières. Le gouvernement du Canada est supposé s'exécuter
cette année.
Pour les individus, le passeport carbone
Si le principe de pollueur-payeur s'applique aux
entreprises, peut-on l'appliquer aux individus de manière équitable ? Des
données récentes démontrent que plus on est riche dans notre société plus on
pollue. Au Canada, ceux qui gagnent moins que 50 300 $ (50 % de la population)
émettent chacun près de 10 tonnes de GES annuellement alors que ceux qui
gagnent plus de 93 700 $ (10 % de la population) en émettent 60 tonnes.
Malgré les taxes
cumulées sur l'essence prélevées par le Canada et le Québec, un peu plus de 25
¢ le litre, les ventes d'essence continuent d'augmenter et ne sont pas un frein
à son utilisation. De plus, les recherches de la Chaire de gestion du secteur
de l'énergie, HEC Montréal, concluent à une demande accrue pour les véhicules
énergivores en pétrole, de gros calibres et de poids imposants : à preuve, la
vente de VUS a progressé de 253 % entre 1990 et 2021. Conséquence : on ne
réussit pas à endiguer les émissions de GES.
Décidément, l'on n'est pas en phase avec les
exigences de Dame Nature. La sensibilisation ne sera pas suffisante. Si une
frange de la population s'emploie à diminuer leur empreinte carbone, la
participation de tous est loin d'être acquise.
Pour y arriver, une solution à explorer, le
passeport carbone. Le gouvernement allouerait des des quotas d'émissions de
GES, l'objectif étant d'atteindre le maximum de diminution de GES par personne
pour satisfaire aux objectifs de limitation du réchauffement du climat.
Quel serait le scénario possible à appliquer d'ici
2030 ? En 2024, le gouvernement émet, par exemple, un droit d'émissions de 10
tonnes/personne/année puis il le réduit d'une tonne à chaque année. À ce
rythme, en 2030, nous serions rendus à 4 tonnes par personne. L'ONU pose l'exigence de 2,3 tonnes par personne pour
atteindre l'objectif de l'Accord de Paris de limiter le réchauffement à 1,5 ℃.
Laissons aux experts le soin de peaufiner cette mesure.
Cette mesure s'inscrirait dans une perspective de justice
climatique : ceux qui ont pollué et polluent le plus devront contribuer
davantage mais tout le monde y mettrait la main à la pâte. Les endroits où agir
avec plus de sobriété sont ici laissés à la discrétion des individus. Mais
évidemment, des pénalités s'imposeraient aux personnes qui n'atteindraient pas
les réductions d'émissions.
Des choix difficiles à faire en perspective si
l'on se fie à l'évolution du climat sur la planète et à la mollesse
d'intervention des gouvernements.
Yves Nantel