La dernière partie de mon voyage en Israël et en
Palestine fut la plus intense. Je me suis posé à Jérusalem durant une dizaine
de jours, faisant de cette ville sainte, plurimillénaire, mon camp de base pour
découvrir, en plus de cette dernière, la Palestine : Bethléem, Jéricho,
Ramallah, ainsi que la Judée : Masada et la mer Morte.
J'ai dormi en dortoir les trois premières nuits,
dans une auberge de la nouvelle ville, à quelques centaines de mètres des murs
de la Vieille Jérusalem. Ça m'a permis de déambuler, à toutes les heures de la
journée, dans les rues chargées d'histoires et de récits de la Cité de David.
Divisée en quatre quartiers : arménien, chrétien, musulman et juif, ce
petit territoire muré possède huit portes. L'une d'elles, la Porte Dorée, donne
accès à ce qui reste du temple de Salomon ainsi qu'au Dôme du Rocher. Elle fut
condamnée au Moyen-âge par les Musulmans.
Les ruelles sont magnifiques, on a l'impression de
se promener dans un labyrinthe sans jamais vraiment se perdre : chaque
tournant nous promet une nouvelle découverte. C'est ainsi que j'ai suivi la Via
Dolorosa, le trajet que Jésus emprunta avec sa croix après avoir été jugé et
martyrisé. À presque chaque station de l'authentique chemin de croix se trouve
un lieu de culte particulier, qui permet une belle intériorisation pour les
pèlerins.
Trois endroits sont pressentis comme étant le lieu
officiel de la tombe du Christ. À l'un de ceux-là, on peut observer une pièce
creusée dans la roche et à l'entrée de laquelle une immense pierre taillée peut
être roulée. À un autre endroit, on retrouve la Basilique du Saint-Sépulcre,
lieu de pèlerinage officiel depuis le 4e siècle. C'est un édifice
aux hauts plafonds où il fait assez sombre et dans lequel on peu allumer des
chandelles et aller prier sur la tombe du Christ. Moment spirituel très fort!
En ratissant la vieille ville, il est impossible de
manquer le mur des Lamentations, ancienne fondation du temple de Salomon,
principal lieu dévotion juif. Le temple fut détruit par les Romains dès le
premier siècle après avoir maté une rébellion, et c'est au 8e siècle
que les Musulmans construisirent le Dôme du Rocher, 3e lieu saint de
l'Islam. Pas étonnant que les tensions soient aussi vives dans ce coin de la
ville : deux lieux saints de religions différentes l'un à côté de l'autre...
ou plutôt, l'un sur l'autre! À partir du «Dan Family of Canada Building», on a
une vue prenante du site en question : d'un côté, le mur des Lamentations,
partagé en deux en fonction du sexe, où les Juifs viennent insérer leurs
prières et intentions dans toutes les interstices de cette fondation
historique; de l'autre, un immense escalier de bois couvert d'un toit, menant à
cette fameuse mosquée au dôme doré. On peut visiter les deux endroits, sauf que
les non-musulmans ne peuvent pénétrer à l'intérieur du Dôme.
Ensuite, je suis allé rejoindre une amie Israélienne
que j'avais rencontrée en trek au Népal un an plus tôt. Idit est une fille bien
de son temps qui n'a pas peur de dénoncer les abus de son gouvernement envers
les minorités non-juives. Ce n'est pas une militante acharnée non plus, elle
est ouverte sur le monde et espère de tout cœur une bonne entente entre les
différentes communautés du Proche-Orient. Certains penseront que c'est une
utopiste, mais elle demeure l'une des vraies sources d'équilibre que j'ai
rencontrées dans cette région minée par l'extrémisme idéologique. Dans son
appartement d'un quartier résidentiel de la nouvelle ville, elle m'a
gracieusement offert la chambre de son frère, parti en voyage.
Chaque matin, nous quittions son endroit, elle, pour
se rendre au travail, moi, pour traverser le «mur de la honte» et entrer en
Palestine. Ce mur est honteux en raison du fait qu'il sépare les familles, les
couples et les paysans de leurs champs. Il est composé de hautes colonnes
emboîtables les unes dans les autres. Beaucoup plus facile et rapide pour les
autorités israélienne de déplacer ce mur de plus en plus loin en territoire
palestinien.
C'est mon plus grand choc du voyage : voir les
bulldozers à l'œuvre sous les plaintes et les cris dénonciateurs des gens qui
voient leurs terres leur échapper et leur droit de circuler librement se
réduire au rythme de la construction des nouvelles colonies juives. Aussi, le
fait de voir les champs si verts et si bien irrigués du côté israélien et juste
de l'autre côté du mur, les terres asséchées par le manque d'eau dû aux nombreuses
coupures d'aqueduc hebdomadaires.
Ma première destination fut Bethléem, où j'ai pu
visiter les trois sites qui rivalisent pour le titre «lieu de naissance du
Christ». Tout comme pour son lieu de sépulture, certains endroits paraissent
plus envisageables que d'autres, et sur l'un de ceux-ci est érigée l'imposante
Basilique de la Nativité.
On doit régulièrement courber l'échine afin de se
rendre jusque dans une petite pièce où l'on peut s'agenouiller sous un autel en
marbre orné de lampes, de draperies et d'icônes religieuses en or et en argent,
pour toucher un rocher qui vit naître le Christ.
Le soir, je retournais du coté israélien pour dormir
chez mon amie et le lendemain, je repassais la frontière de béton armé pour
aller à Ramallah et à Jéricho, plus vieille ville du monde habitée sans
interruption, rivalisant en âge avec Alep (Syrie) et Erbil (Kurdistan).
Le passage vers la Palestine est assez fluide; c'est
plutôt le retour en Israël qui est plus ardu. On fait la file dans un dédale de
barreaux d'acier et de porte métalliques, puis nous sommes scrutés, interrogés
et fouillés individuellement, avant de passer à l'immigration.
La dernière journée que je suis allé, j'ai oublié
d'apporter mon passeport! Brillante idée non? Il n'est pas nécessaire pour
entrer en Palestine, mais pour sortir, c'est primordial... Je m'en suis seulement
rendu compte à la fin de ma journée! Il a fallu que je convainque les gardes
frontaliers que je n'essayais pas de passer illégalement... Je garde toujours une
photocopie de mon passeport bien roulée dans ma ceinture, et c'est LA fois où
ce «torchons» illisible et humide m'a vraiment servi. Vous auriez dû me voir
entrain de déplier minutieusement ce qui restait de ma seule preuve d'identité.
Les soldats m'ont posé quelques questions pour vérifier la véracité de mes
dires et, comprenant la précarité de la situation dans laquelle je me trouvais,
ils m'ont donné un exceptionnel passe-droit.
Finalement,
avant de quitter le pays pour retourner en Égypte, mon amie Idit, sa famille et
leurs amis ont organisé un gros souper et deux belles sorties : le site
archéologique de la Cité de David (environ 3000 ans) et ses fameux tunnels
d'approvisionnement en eau. Ainsi qu'une journée à Masada, forteresse du roi
Hérode, juchée sur un haut promontoire aride juste en bordure de la mer Morte.
Nul besoin de vous dire l'enthousiasme qui m'habitait à l'idée d'aller flotter
dans celle-ci. Je dis flotter car c'est réellement ce qui se produit dû à la
sursaturation en sel de son eau. Presqu'impossible de rester à la verticale
tellement notre corps est poussé vers le haut! Attention à ne pas en avoir dans
les yeux ou dans le visage : ça chauffe!
C'est ainsi que se termine mon périple en Terre
sainte! Merci à tous ceux que j'ai rencontré et qui m'ont permis de mieux
comprendre la réalité de cette superbe région remplie de paradoxes.
Bonne découverte!