Avez-vous déjà fait un budget ? Si oui, vous savez
sûrement qu'il s'agit de fixer les limites de vos dépenses en fonction de vos
conditions financières pour une période donnée. La même démarche s'applique aux
budgets d'entreprises, de gouvernements ou autres entités qui administrent des
argents. Si on l'applique au niveau de l'administration du principal gaz à
effet de serre, le CO2, on l'appelle budget carbone.
Pour établir ce budget, les scientifiques ont pris
en compte divers facteurs dont : 1) les émissions actuelles de CO2 émises depuis le début de l'ère
préindustrielle, 2) les projections d'émissions futures selon les plans de
réduction actuels des pays 3) les limites d'émissions encore acceptables pour
éviter des conséquences dramatiques.
Les 192 pays réunis lors de la COP 25 à Paris se
sont donné comme objectif de limiter le réchauffement à +1,5 ℃ d'ici 2100.
Au-delà de ce réchauffement, les dommages et l'adaptation à gérer seraient très
difficiles à assumer et à + 2 ℃, s'avérer incontrôlables. Il s'agit, rien de
moins, de maintenir les capacités de la planète dans la zone d'habitabilité
pour le vivant.
Dans son dernier rapport en 2021, le GIEC
évaluait, qu'entre 1750 et 2019, les émissions de CO2
dans l'atmosphère avaient atteint 2 560 milliards de tonnes (2 560 GtCO2). Il en arrivait aussi à la conclusion que si
on voulait maintenir le réchauffement à +1,5 ℃, on ne devait pas émettre plus
de 500 GtCO2. Pour ne pas dépasser +2 ℃, il
ne nous restait que 1 150 Gt à émettre. Le budget carbone sécuritaire était
donc de 500 GtCO2 pour limiter la
température à +1,5 ℃.
Il en déduisait alors : « Ces
objectifs supposent de ne pas utiliser la majeure partie des énergies fossiles
disponibles dans le sous-sol. Et donc des transformations technologiques,
économiques, sociales, culturelles et politiques majeures ».
En fin d'année 2023, Global Carbon Project faisait
une mise à jour des études du GIEC et concluait que, suite au peu de diminution
des émissions depuis 2019, « il y a 50 % de chances que le
réchauffement de la planète dépasse +1,5 ℃ de manière constante dans environ 7
ans ». À voir les dérèglements du climat à ce jour qu'en sera-t-il
dans 7 ans ? Au-delà ?
Qu'en est-il au Canada ?
Si l'on reporte l'analyse du budget carbone au
Canada, on réalise que le Canada l'a fait éclater depuis longtemps. Ça se
comprend : il fait partie des 10 plus grands émetteurs de GES du monde et il
est le 5e plus grand émetteur par personne, juste devant les États-Unis, en
compagnie des grands pays pétroliers.
Cela signifie que nous avons été les « choyés » de
l'ère des énergies fossiles et que nous devons notre état de développement et
le degré de confort atteint à ces énergies. Mais cela veut aussi signifier
qu'il sera très difficile d'effectuer les transformations majeures édictées
plus haut. Il en sera particulièrement difficile pour les provinces dont
l'économie repose sur la production de ces énergies fossiles. Nous pensons ici
à l'Alberta et la Saskatchewan. D'ailleurs ces provinces regimbent actuellement
aux mesures d'atténuation des GES. Cherchez l'erreur !
Que diriez-vous d'un budget carbone
individuel ou familial ?
Afin de respecter les limites d'émissions de GES
donc de respecter le budget carbone du Canada, les gouvernements doivent poser
des limites aux entreprises et aux commerces, à leurs administrations, aux
administrations municipales ou autres et aux individus-consommateurs.
Au niveau des individus, des familles, il se
discute actuellement de la pertinence de promouvoir le budget carbone. Qu'en
pensez-vous ? Il s'agirait :
1)
d'établir un budget carbone adapté
à votre situation personnelle ou familiale ;
2)
de calculer des quotas d'émissions
à ne pas dépasser ;
3)
d'élaborer des plans de sobriété
de consommation visant les endroits où vous pouvez couper vos consommations les
plus émettrices de GES ;
4)
de vous soumettre à des plans de
contrôle pour assurer le respect des engagements et la meilleure efficacité possible.
Le budget carbone modulerait les gestes à poser
selon l'empreinte écologique de chacun. Alors, ceux qui émettent davantage de GES devraient fournir des efforts
en conséquence. Les gestes à poser seraient laissés à la discrétion des
individus, des ménages.
Nous venons de vivre une situation similaire, bien
que l'enjeu était plus restreint, à savoir la pandémie de COVID-19. Et nous
avons passé à travers. Avec la lutte au réchauffement du climat, nous devons
nous inscrire dans la démarche de sortie des énergies fossiles et la confection
d'un budget carbone ne pourrait-il pas s'avérer être un des moyens effaces d'y
arriver ?
Configurer les échéances à partir d'un budget
carbone serait une façon de prendre au sérieux l'urgence d'agir pour la
réduction des gaz à effet de serre. Appliquer le budget carbone à nos modes de
vie démontrerait notre responsabilité individuelle dans la préservation du plus
grand bien commun universel, un climat viable pour la vie terrestre.