Bonjour chers lecteurs, aujourd'hui je vais vous parler d'un endroit très particulier situé au sud-ouest de la péninsule indienne : le Kérala. À l'image de l'Europe, l'Inde est un continent en soi, chaque région est différente des autres, chaque province indienne possède sa propre culture, sa propre langue, sa cuisine, ses croyances particulières et, en ce qui nous concerne ici, son propre sport national. Le Kérala est un endroit très luxuriant, arrosé par la mousson ainsi que par une autre saison des pluies. Sa population, en bonne partie chrétienne, doit se déplacer depuis des siècles sur des pirogues et autres longues embarcations à travers un système de canaux et chenaux qui permet d'accéder à presque tout sur leur territoire. Les courses de bateaux se sont donc instaurées de soi, et les embarcations se sont améliorées de décennie en décennie. Aujourd'hui, les courses de bateaux-serpents se sont hissées au rang de sport national. Il s'agit du sport comportant le plus de participants à la fois (444 personnes, divisées en 4 bateaux, par course).
Durant toute l'année, les villes et villages possédant des équipes de « Snake Boat Race » s'affrontent dans le but de faire partie des 16 meilleures équipes de la saison régulière. Puis, le 2e samedi du mois d'août, c'est l'événement tant attendu : le « Nehru Trophy boat race », où prennent part les finalistes. L'excitation est palpable dans toute la cité d'Allepey, où a lieu l'événement. Des estrades flottantes sont installées près de la ligne d'arrivée, et durant toute la journée, les gens, plus de 250 000 au total, affluent de tous les coins du pays pour assister à cette course. Nous avions acheté des billets un peu à l'avance pour être certains d'avoir une place, mais surtout nous avions réservé un hôtel dans cette ville au moins six mois à l'avance... Nous n'étions pas les seuls touristes étrangers, mais disons que c'est un sport dont les partisans sont essentiellement Indiens. Dans les estrades flottantes, que nous atteignons en bateau, les gens pariaient sur l'équipe qui allait remporter la coupe cette année. Après avoir vu l'ensemble des équipes concurrentes, j'ai moi-même fait mon pronostique : UBC (United Boat Club) gagnera! Certains autour de moi essayaient de me convaincre d'encourager plutôt leur équipe, tandis que d'autres étaient bien d'accord avec mon choix. Vers 14 h, les courses commencèrent, et la foule était déchaînée. C'était vraiment impressionnant de voir ces longs bateaux, d'une trentaine de mètres, occupés par une centaine de rameurs chacun, côte à côte, en groupe de 4 bateaux, tenter de franchir les 1400 mètres le plus rapidement possible afin de passer au prochain tour. Les meilleures équipes y arrivent en moins de 4 min 50 s.
Durant les courses et les préparations, quelques bateaux ont coulé, ce qui ne présageait rien de bon pour ces protagonistes. À la manière de drakkars vikings, le rythme de pagaie était assuré par cinq hommes qui frappaient dans le fond de l'embarcation. Après quelques rondes d'élimination, la finale a lieu et c'est UBC qui l'emporte! Ha! Ha! J'aurais peut-être dû mettre un petit cinq là-dessus! L'assistance était euphorique tout au long de la compétition, les gens criaient et ricanaient comme des enfants; c'était vraiment beau à voir! Au retour à mon hôtel, une connaissance qui venait d'une autre ville m'a dit : « J'espère que l'an prochain tu prendras pour Karichal... »
Le lendemain matin, ma conjointe Marie-Christine, mon ami Samuel et moi-même avons réservé un bateau pour pouvoir visiter les villages autour d'Allepey. Lorsque nous avons passé près du village des vainqueurs, nous avons demandé à notre capitaine de bateau de nous y débarquer afin que nous puissions féliciter la fameuse équipe gagnante. Malgré une petite pluie, l'ambiance était très ensoleillée. Ils nous ont aidés à débarquer du bateau et nous ont présentés aux grands champions qui étaient célébrés comme des rois. Ces grands gaillards n'avaient pas dormi de la nuit, mais affichaient encore un sourire et une énergie très palpable. Ils nous ont montré tous les trophées qu'ils avaient gagnés depuis le début de cette épopée en 1954, puis nous ont présenté leur capitaine ainsi que leur entraîneur spécial, un militaire de profession qui avait pris une année sabbatique seulement pour entraîner cette équipe. Ils nous ont montré le bateau qui leur a permis de gagner et ont voulu prendre plusieurs photos en notre compagnie... surtout avec ma compagne aux cheveux blonds bouclés, qui contrastait tellement avec le milliard de têtes foncées du sous-continent indien! Avant de partir se reposer, ils ont voulu faire une prière universelle (car l'équipe est multiconfessionnelle : hindous, chrétiens et musulmans) pour remercier l'Éternel de leur avoir permis de l'emporter et pour les aider à garder les pieds sur terre puisqu'ils sont devenus des vedettes du jour au lendemain.
Le Nehru Trophy boat race est une expérience vraiment formidable, un bain de foule incomparable dans une ambiance festive qui permet de voir les Indiens sous un autre jour...
Réservez votre place pour l'an prochain!
Bon voyage,