Le 28 février dernier, la Cour supérieure a rendu un important jugement dans l'affaire Gastem inc. c. Municipalité de Restigouche-Partie-Sud-Est. Ce jugement confirme qu'une municipalité qui adopte un règlement pour protéger ses sources d'eau ne devrait pas être visée par une poursuite, même si ce règlement affecte les intérêts d'une compagnie pétrolière.
L'histoire remonte au début des années 2010. C'est à cette époque que débutèrent plusieurs projets d'exploration pétrolière ou gazière au Québec. Craignant que des forages réalisés à proximité de sources d'eau nuisent à la qualité de l'eau potable, des citoyens s'inquiétèrent. Comme le gouvernement ne répondait pas aux inquiétudes de ces citoyens, ces derniers se tournèrent vers leurs municipalités.
Dans ce contexte, à la suite de la municipalité de Saint-Bonaventure située dans le coin de Drummondville, des dizaines de municipalités de partout au Québec, dont celle de Restigouche-Partie-Sud-Est, adoptèrent un règlement dit de Saint-Bonaventure. Ce règlement interdisait les forages près des sources d'eau.
L'homme à l'origine de l'élaboration de ce règlement, Richard Langelier, avait réuni toute une équipe d'experts dont j'ai eu la chance de faire partie. Avec d'autres, j'avais confirmé le bien-fondé juridique du règlement et donc le fait que les municipalités pouvaient adopter un règlement inspiré de celui de Saint-Bonaventure. Malheureusement, dans l'affaire Pétrolia c. Gaspé, la Cour supérieure a invalidé un tel règlement. Dans un article publié dans Les Cahiers de Droit, j'ai eu l'occasion de démontrer que ce jugement de la Cour supérieure était erroné. Mais le mal était fait.
Invoquant notamment ce mauvais jugement, la compagnie Gatem a poursuivi Restigouche-Partie-Sud-Est sous prétexte que l'adoption d'un règlement dit de Saint-Bonaventure était une faute qui avait nui à ses activités de forage pétrolier. Heureusement, le jugement dans l'affaire Gastem inc. c. Municipalité de Restigouche-Partie-Sud-Est confirme que le fait pour cette municipalité d'adopter un tel règlement ne constitue pas une faute. Cette poursuite a donc été rejetée et qualifiée d'abusive par le tribunal. C'est même Gastem qui a été condamnée à verser à Restigouche-Partie-Sud-Est une somme de 154 123,93 $ à titre d'honoraires professionnels et débours !
Morale de l'histoire : une municipalité ne devrait pas être visée par une poursuite parce qu'elle protège ses sources d'eau.
Guillaume Rousseau, avocat et professeur agrégé à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke