Chers lecteurs et lectrices, cette semaine j'entame une série
de chroniques sporadiques sur le quatrième pays le plus peuplé de la planète,
soit l'Indonésie. C'est une immense contrée d'îles volcaniques, de jungles
luxuriantes, de peuples aux rites et aux langages des plus variés, de vestiges
des puissantes sociétés qui y ont trouvé refuge au fil des siècles. Pays si
interpellant que j'y suis allé 3 fois et compte bien y retourner dans la
prochaine décennie...
Je vous ferai découvrir, Bali et Lombok; Flores, Sumbawa,
Rinca et Komodo; Sulawesi (Célèbes); Sumatra et, aujourd'hui : Java! Le cœur
politique, économique et démographique de l'Indonésie est une île étroite formée
par la tectonique des plaques et d'une longueur équivalente à la distance qui
sépare Toronto de Gaspé. C'est sur celle-ci que vivent plus de la moitié des
Indonésiens, majoritairement dans de grandes villes bruyantes et polluées, mais
également dans de beaux petits villages tranquilles, qui contrastes énormément
avec le chaos organisé de Jakarta, de Semarang ou de Surabaya. Je vous propose
un aperçu de l'île en quatre temps...
Jakarta
À moins de viser directement la destination touristique
qu'est Bali, le point d'arrivée au pays est par sa capitale, Jakarta. L'ancien
port commercial hollandais du temps des épices, bien connu sous le nom de
Batavia, n'a plus le même charme d'antan. Aujourd'hui, c'est une immense
métropole qui a de la difficulté à gérer les nombreuses inondations qui la
lavent chaque année, dû à son développement urbain anarchique et à sa situation
géographique particulière.
Outre le pâté de maison où se
concentre le vieux centre hollandais, la ville ne m'a pas parue si invitante à
première vue. Cependant, une fois bien établi, on découvre une autre facette :
son dynamisme, son désordre bien assumé, la multitude de sourires, les gratte-ciels
dont ils sont très fiers, les bons petits restos et surtout, le quartier autour
du port. Ce dernier n'est pas très visité, mais c'est là que j'ai fait les plus
belles rencontres et pris les photos les plus authentiques!
Village de Pangadaran
Pour sortir de cette cohue permanente, j'ai décidé de
traverser l'île en bus vers le sud-est pour me rendre dans un village de
pêcheur du nom de Pangadaran. En chemin, je me suis arrêté pour visiter
Bandung, la fameuse ville qui a accueilli la conférence du même nom en 1955.
C'est là que plusieurs ententes historiques ont été prises entre les pays
non-alignés. Ceux-ci comme l'Inde, l'Égypte, l'Iran, le Pakistan et même la
Turquie, n'ont pas voulu choisir entre le bloc de L'Est (communiste) et le bloc
de l'Ouest (capitaliste), et ont ainsi formé, en 1952, un troisième bloc : le
Tiers monde!
Arrivé au village de pêcheur, je suis allé visiter la belle
plage et j'ai eu droit à l'une des spécialités de la place : la pizza et le
poisson! Durant mon séjour de trois ou quatre jours dans cette bourgade, j'ai
participé à une sortie en mer avec les pêcheurs locaux qui m'ont accueilli
parmi eux. J'ai également fait une randonnée dans le parc national situé sur
une presqu'île au sud-est de la ville.
Je vous suggère d'y aller en groupe et non en fin de journée...
J'étais seul, vers 17 h et je me suis fait encercler, puis attaquer par
plusieurs dizaines de macaques auxquels je n'ai pas donné à manger... Les
touristes, majoritairement des Indonésiens, ont pris l'habitude de les nourrir
et ils se fâchent lorsqu'on n'a rien pour eux. J'ai dû reculer jusqu'à la grève
en me faisant imposant et en poussant des cris pour les garder à distance,
puis, j'ai reculé jusqu'à la mer pour éviter d'en avoir dans mon dos. Voyant
qu'ils n'abandonnaient pas et que les actes des plus gros devenaient de plus en
plus agressifs, s'approchant et criant en montrant leurs crocs, j'ai dû réagir
et leur lancer une pierre après l'autre... Ça a pris plus de vingt galets avant
qu'ils abandonnent et reculent dans la forêt! Mis à part cette expérience, ce
coin de Java fut un havre pour reprendre mon souffle avant de retourner en
ville.
Yogyakarta et les temples de Prambanan et de Borobudur
Yogyajakarta n'était pas du tout comme je me l'imaginais
(cacophonique et polluée). Son centre historique, qui héberge la majorité des
voyageurs sac-à-dos, m'a toutefois charmé! Un attrayant dédale de passages et
de marchés où se côtoient mosquées, vendeurs
d'oiseaux, petits restos à l'ambiance inoubliable, classe de musique ou de
cuisine. On pourrait y passer des semaines sans en avoir terminé des
découvertes.
C'est aussi le point de départ pour aller voir les deux complexes
de temples les plus massifs du pays. Tout d'abord, j'ai visité Parambanan sous
un soleil de plomb. Un temple hindou, bien préservé, qui permet d'apprécier la
précision des bas-reliefs et de l'architecture des anciens colonisateurs de
Java. Puis, la cerise sur le gâteau : Borobudur! Un chef-d'œuvre de
l'architecture bouddhiste émergeant d'un décor tropical à couper le souffle. Ce
stupa combiné à un mandala (vue du ciel) est classé patrimoine mondial de
l'UNESCO, et est un lieu de pèlerinage prisé datant de l'an 800. C'est une
massive construction à base carrée (123 mètres de côté) sur laquelle se dresse
près d'une centaine de petits stupas laissant entrevoir un bouddha à
l'intérieur de chacun d'eux. Les murs sont remplis de bas-reliefs sculptés dans
la pierre volcanique. Juste pour passer une journée sur le site, il vaut la
peine de d'aller en Indonésie! C'est à dire l'intérêt du lieu...
Bromo et Ijen
La quatrième partie de mon périple à Java, fut une incursion
dans sa nature et sa géologie. Après une bonne journée de train, assez antique,
je me suis reposé dans une auberge jeunesse près du volcan Bromo. J'y ai
rencontré trois autres voyageurs et nous avons convenu de partager les coûts de
location d'une Jeep avec chauffeur et guide pour faire la visite de l'immense
cratère habité du volcan Bromo.
En fait, il y a la vaste plaine à l'intérieur de l'ancien
cratère, où les habitants font paître leurs animaux
et où l'on retrouve le temple de Kasada.
En son centre, on voit poindre le nouveau volcan, actif, aux fumerolles
constantes.
Lors de mon passage, des gens s'étaient installés à
l'intérieur de ce dernier, sur les versants abruptes, dans le but d'attraper
les offrandes que les pèlerins viennent lancer à l'entité spirituelle lié à
cette puissance volcanique. Pauvres gens qui essaient d'attraper fleurs et
nourriture au détriment de leur santé, vivement altérée par les gaz s'échappant
de Bromo.
Pour demeurer dans le même genre d'activité, deux jours plus
tard, je me suis rendu sur les pentes d'un autre volcan. Celui-ci étant plus
important au niveau économique que religieux. Il s'agit du Kawah Ijen, réputé
pour la grande quantité de souffre qu'il produit.
Je suis parti à 4 h du matin, en même temps que les mineurs
qui y extraient ses précieux cristaux jaunes, pour aller escalader son flanc et
descendre dans sa caldeira. C'est un travail ardu, mais il est difficile de se
plaindre quand on voit les gens chargés d'un panier double contenant plus de 50
kilos de souffre et pour lequel ils seront payé 5$ une fois sortis du volcan
aux fumerolles étouffantes. Les plus téméraires font deux allers-retours par
jour, mais mettent leur vie en jeu pour un salaire toutefois plus élevé que la
majorité de leurs contemporains. On estime l'espérance de vie de ces travailleurs
du souffre à 35 ou 40 ans!
Je dois moi-même avoir une année de moins en banque, puisque
je suis descendu jusqu'à la source, au fond du volcan, afin de contempler
le lac acide qui y gît. J'ai ainsi pu
avoir un réal aperçu de ce que ces gens endurent. Au moment de remonter, le
soleil avait eu assez de temps pour chauffer un flanc du cratère et faire
changer la direction du vent; la fumée nous envahissait et nous coupait
littéralement le souffle. Il a fallu que je m'étende à quelques reprises au sol
pour aller chercher un peu d'oxygène. La fumée nous tirait quelques larmes,
qui, au contact du sulfure de souffre, produisaient un brûlement... De la même
façon, notre sueur devenait irritante. J'ai alors compris pourquoi aucun
travailleur n'avait accepté l'eau que je leur offrait durant ma descente dans
le volcan, malgré leur gorge qui devait être affreusement sèche.
Java est une aventure en soit! Donnez-vous le temps de la
parcourir et vous y ferez de belles rencontres et de belles découvertes...
Ensuite, direction Bali, l'île voisine, qui vous paraîtra d'un autre monde.