Vous le constatez depuis quelque temps, le portrait de la famille se redéfinit au Québec et ouvre ses portes à la diversité. Le concept de parent se mue et se transforme rapidement afin de s'adapter à la réalité sociale. Or, ce changement n'est pas libre de tout problème devant l'imposant engrenage du droit civil qui peine à tourner au même rythme que notre roue sociale.
Que votre couple soit victime de problèmes de fécondité ou encore que votre couple homoparental se heurte aux lois de la nature, c'est probablement la procréation assistée qui pourra offrir une solution à vos problèmes. Si vous songez à faire intervenir l'apport d'une personne supplémentaire au projet tant attendu de la conception d'un enfant, il faut le faire de façon bien éclairée, à savoir quel sera le rôle de cette nouvelle personne au projet. Peut-on parler d'un troisième parent pour l'enfant?
C'est dans une situation particulière qu'un juge de Joliette a dû se prononcer sur cette question. Deux femmes, en couple lesbien uni par les liens du mariage, essaient, comme bien des couples homosexuels, de donner naissance à un enfant par tentatives d'insémination artificielle effectuées en clinique. À la suite de l'infructuosité des démarches, le jeune couple entre en contact sur le web avec un homme, lequel aspire ainsi à devenir le géniteur de leur futur enfant. À la suite de la conception de l'enfant, les deux futures mères signent avec l'homme devant notaire une « Entente pour mettre au monde un enfant », entente qui promettait aux deux femmes le rôle de mères et qui accordait à l'homme le rôle de gardien légal de l'enfant à naître. C'est pour cette raison qu'à la naissance de l'enfant, seuls les noms des mères apparaissent à la déclaration de naissance.
La rupture de la cellule familiale engendre alors une saga judiciaire qui souffle sur les braises d'un débat encore ardent dans le portrait judiciaire québécois. La demande du géniteur en réclamation de paternité effleure à nouveau la question de la pluriparentalité au Québec.
Le juge Morrison de la Cour supérieure saisi de l'affaire rend au mois d'avril 2018 une décision sommant le gouvernement québécois de revoir les règles en matière de filiation en droit civil. Le juge de la Cour supérieure dénonce que le droit actuel ne reflète pas la « réalité sociale » de l'enfant et qu'il serait dans son meilleur intérêt de « permettre la reconnaissance de sa réalité, soit que sur les plans émotionnel et socio-économique, elle a effectivement eu trois parents. »
Or, le droit québécois ne permet pas actuellement la pluriparentalité et ne laisse la place qu'aux noms de deux parents à l'acte de naissance d'un enfant.
Rappelant qu'il est du devoir du juge d'interpréter le droit applicable et non de le créer, le juge Morrison se prononce tout de même en faveur du père biologique en rayant le nom de la seconde mère à l'acte de naissance et en y ajoutant celui de l'homme.
La Cour d'appel confirme la position du juge Morrison quant au statut de la triparentalité au Québec. Le juge Kasirer souligne que le droit civil québécois diffère du droit d'autres provinces canadiennes, en ce qu'il n'ouvre pas la possibilité qu'un enfant ait trois parents. Il porte alors une attention bien particulière à l'entente signée par les trois prétendus parents. Il affirme alors que le fait de refuser d'établir sa filiation paternelle à la naissance de l'enfant permet d'exclure l'homme du projet parental malgré la volonté de celui-ci de participer à la vie de l'enfant. Il lui est donc impossible après coup d'apposer son nom à l'acte de naissance de l'enfant.
Il faut se détromper, telle situation n'est pas unique en son genre et ne s'adresse pas qu'aux couples homosexuels. Bien que la procréation assistée soit chose commune en cas d'homoparentalité, il n'en reste pas moins qu'il peut constituer une solution pour tout couple en raison des différentes difficultés impliquées dans la conception d'un enfant.
Il convient alors de se poser les bonnes questions avant d'entamer un tel projet et de trouver les bonnes solutions pour éviter que ce projet rempli de joie ne tourne en une situation stressante. Votre conseiller juridique peut répondre à ces questions et vous éclairer sur l'éventualité d'une telle démarche. N'hésitez pas à le consulter.
Mathias Frappier, stagiaire en droit
Me Karine Bourassa
Fontaine Panneton Joncas Bourassa & Associés