Les puissants séismes qui ont frappé récemment le
Népal ont provoqué une certaine réticence auprès des voyageurs qui
envisageaient ce pays comme prochaine destination-voyage. Aujourd'hui, ma
chronique a pour but de vous inciter à vous y rendre pour deux raisons : ses
merveilles, tant naturelles que culturelles, ainsi que l'aide financière
directe que votre passage apportera à une population des plus pauvres de la
planète.
Le Népal est classé parmi les 10 pays les plus
défavorisés du monde. Son économie repose sur l'agriculture et, depuis son
ouverture sur le monde en 1951, sur le tourisme. Les tremblements de terre dans
l'Himalaya sont fréquents; le contraire serait étrange, car l'activité
tectonique, qui façonne continuellement cette immense chaîne de montagne, est
d'actualité depuis près de 80 millions d'années.
Plus concrètement, le subcontinent indien entre en
collision avec l'Eurasie, ce qui provoque des plissements de la croûte
terrestre et forme les plus hautes montagnes du globe. C'est donc dire que
les Népalais connaissent cette situation précaire depuis toujours... seulement,
ces dernières semaines, la force des séismes n'a pas été habituelle.
La
liberté du « dernière minute »
J'ai passé plus d'un mois au Népal avec mes amis
Yannick et Tommy, ainsi qu'avec un couple d'amis Français que je salue au
passage : Christopher et Aurélie. Nous avons consacré presque l'entièreté de
notre séjour à arpenter les montagnes autour de l'Annapurna et du Dhaulagiri,
nous promenant de villages en villages, de cols en vallées.
Dans le but que notre voyage soit le plus bénéfique possible
pour nos portefeuilles dégarnis, mais surtout pour le peuple de ce beau
royaume, nous n'avons rien réservé à l'avance. Les agences qu'on trouve sur le
Net, bien qu'elles soient fiables et sécuritaires, ne sont pas toujours la
propriété des gens du pays, et les profits ne demeurent pas souvent en terre
népalaise.
Nous avons opté pour l'organisation de notre
expédition à notre arrivée à Katmandou. Il y en a pour tous les goûts :
des treks de trois jours jusqu'à 21 jours, en camping avec porteurs et guides
ou hébergé chez l'habitant sans guide, en suivant des sentiers de pierres
utilisés par les locaux.
Après avoir parlé à quelques randonneurs de retour de
leur trek ainsi qu'à des locaux et à des responsables d'expéditions, nous avons
décidé d'opter pour l'achat d'une bonne carte topographique de la région de
l'Annapurna et sommes partis en autobus locale pour le village de Besisahar avec
du matériel que nous avions acheté dans des boutiques de la capitale.
Avant de traiter de notre superbe trek de 21 jours,
laissez-moi vous dire à quel point Katmandou vaut la peine de faire partie de
vos plans lors de votre passage au Népal. Ce n'est pas une capitale ordinaire,
elle n'est pas très moderne et, à première vue, peut paraître chaotique. Et
bien, elle l'est! Il y a tout de même de l'ordre dans ce gros village où les
règles de circulation de semblent pas exister.
Juste pour vous donner une idée, le chauffeur de taxi
qui nous a conduits de l'aéroport international, sorti tout droit d'un film des
années soixante, jusqu'à notre auberge, a traversé un parc et un terrain de
soccer où des jeunes étaient en pleine partie. Cela afin d'éviter un bouchon de
circulation qui sévit en permanence.
Au cœur de Katmandou, il y a un quartier plus
commercial qui attire plusieurs visiteurs : il s'agit de Thamel. S'y
promener est exquis. Outre les boutiques qui vendent des copies ou de vrais «North
Face» et autres marques, il y a de bons petits restos et une ambiance particulière
qui permet de se sentir à l'autre bout de la planète.
Près de ce quartier se trouve la Place Dârbar de
Patan, un endroit mythique avec des temples et des pagodes datant du 14e
siècle... Un peu plus au nord de l'aéroport, au centre du quartier bouddhiste
tibétain, se trouve l'un des plus beaux stupas du monde : le Bodnath
(Boudhanat)! On doit y circuler dans le sens des aiguilles d'une montre afin de
respecter le sens de la prière des pèlerins et des moines. C'est une place très
animée où nous avons eu la chance de demeurer durant nos cinq ou six jours à
Katmandou.
Sillonner
l'Himalaya
Puisque nous étions de bons marcheurs, et que la
lecture de cartes est presqu'une passion, nous avons décidé de partir à la
conquête de l'Himalaya sans guide ni porteur. Après s'être enregistrés au
bureau gouvernemental et avoir obtenu notre permis pour l'itinéraire souhaité,
nous avons entamé une longue marche de trois semaines, remontant des vallées à
l'eau cristalline et dormant dans de petites auberges gérées par les familles y
habitent.
Quelle liberté! Chaque matin nous partions vers 8 h 30
et arrêtions où nous voulions pour manger, se reposer ou admirer le paysage.
Nous croisions quelques fois des gens qui vivent dans ces montagnes; un grand
sourire aux lèvres, ils nous saluaient immanquablement : «Namasté!» et
nous leur retournions la pareille... même à bout de souffle. Signifiant «mon âme
salue ton âme», cette expression illustre la spiritualité des Népalais dans
cette contré où l'Homme est en constante présence de la magnificence et de la
grandeur de la Terre. Nous sommes si petits face à toute cette force de la
nature que cela nous enseigne l'humilité.
Plus nous gagnions en altitude, plus la végétation
laissait la place à la roche, la glace et la neige. Cette différence est telle
qu'au début nous étions entourés de grands conifères et après la septième
journée, plus rien! Les bâtiments de bois cèdent leur place à ceux de pierres,
les larges sentiers deviennent d'étroits sillons creusés par les yacks et les
ânes.
Lorsque nous avons atteint Manang (3500 mètres), une
belle petite ville en flanc de montagne, nous avons pris une pause
d'acclimatation d'une journée, afin de donner la chance à notre organisme de
s'habituer à l'altitude. Après le neuvième jour, nous nous sommes également
arrêtés à Thorong Phedi (4800 mètres). Nous voulions attendre que notre ami
Tommy se sente mieux pour franchir le col de Thorong-la (5500 mètres). Nous
croyions qu'il avait le mal aigüe de l'altitude (SAS), puisqu'il en avait plusieurs symptômes, mais
il s'est avéré finalement qu'il avait une bactérie assez vorace au système
digestif.
Vu que le temps, le repos et quelques médicaments
n'arrangeaient pas son cas, après la
deuxième nuit, j'ai dû utiliser le seul téléphone satellite qu'il y avait dans
la région (6$ US / minute) pour appeler ses assurances et un hélicoptère de
sauvetage qui est arrivée le lendemain matin. Yannick l'a accompagné à
l'hôpital de Katmandou et j'ai poursuivi avec Chris et Aurélie afin de franchir
le fameux col.
À partir de 5000 mètres, nous n'avancions plus aussi
vite. Chaque pas faisait l'objet d'un effort, puisque l'oxygène était de plus en
plus rare. Nous avions le souffle très court. La lourdeur de mes pas
m'obligeait à une intériorisation et renforçait mon esprit. Arrivé au col, je
suis monté un peu plus haut pour avoir une vue d'ensemble ainsi que pour remercier
le ciel de me permettre de voir cette immensité et de vivre cette belle
expérience, aussi éprouvante soit-elle.
Puis, la descente de plusieurs jours dans une vallée
très sèche, mais combien pittoresque, qui contrastait énormément avec l'autre
versant. Je me suis fait inviter à tirer de l'arc par des jeunes de mon âge qui
s'entrainaient pour un concours. Nous avons partagé un temps de méditation avec
des sâdhus, très curieux de nos origines, et avec qui nous avons échangé des
objets et de la nourriture.
Nous avons traversé de magnifiques rizières en
terrasses, nous nous sommes baignés dans des torrents glacés ainsi que dans des
sources thermales. Finalement, nous avons rejoins Yannick à Pokhara, où il nous
attendait pour nous annoncer que Tommy s'était rétabli, mais qu'il avait dû
retourner au Québec.
C'est à bord d'un imposant pédalo sur le lac Phewa à
Pokhara que nous nous sommes promis de revenir dans ce pays où le temps
s'arrête et où la pauvreté ne rime pas avec tristesse et violence, mais plutôt
avec accueil et paix. Faites-vous un cadeau tout en aidant un peuple à remonter
la pente : ALLEZ AU NÉPAL!
Namasté,
David Beaulieu