La 26e réunion (COP 26) des 195 pays
de l'ONU ayant adhéré à la Convention-cadre des Nations unies sur l'évolution
du climat (CCNUCC), qui se tiendra du 1 au 12 novembre prochain en Écosse,
doit dégager les consensus nécessaires sur les conditions optimales de lutte
aux changements climatiques.
Il s'agira d'opérationnaliser les objectifs climatiques
suivants : a) réduire les émissions de GES de 45 % d'ici 2030 b)
atteindre la carboneutralité d'ici 2050 et c) stabiliser la température
mondiale à 1,5 ℃ d'ici la fin du siècle. Et de s'assurer que chaque
pays s'y engage résolument.
Beaucoup d'écueils à ce jour
Depuis l'Accord de Paris en 2015, les réunions annuelles pour
décider des priorités, des mesures de contrôle et de leur application ont
globalement échoué. Malgré la morosité, aucun pays à part les États-Unis de
Donald Trump, n'a quitté le navire de la CCNUCC. Aujourd'hui, la réintégration
à l'Accord par le nouveau président Joe Biden ressuscite les espoirs.
Depuis sa création, le GIEC a produit six grands rapports.
Des milliers de scientifiques de différents pays ont co-signé ou corroboré les
conclusions : le temps presse, il faut agir de façon unifiée et
mondialement. À continuer sans correctifs majeurs, nous nous acheminons vers
des températures de près de 4 ℃ à la fin du siècle.
En revanche, deux éléments plaident en faveur des nouveaux
engagements : a) l'ampleur de plus en plus manifeste des conséquences
désastreuses du réchauffement climatique sur les peuples de la terre et b) la
mobilisation civile qui s'élargit chaque jour en faveur de l'action
gouvernementale pour contenir le réchauffement. En ce sens, de plus en plus de pays prennent
des engagements de réaliser la carboneutralité d'ici 2050 et des cibles
intermédiaires visant son atteinte.
Il
reste bien des « passagers clandestins » qui, selon Christian de Perthuis dans
Le Tic-tac de l'horloge climatique, sont « embarqués dans une croisière dont
ils refusent de payer le ticket et qui minent l'accord de l'intérieur ». Il
identifiait alors les chefs d'État climatosceptiques affichés de l'Australie,
de l'Arabie saoudite, du Brésil, de la Russie et de la Turquie.
En
juin, la Russie a annoncé la construction de la plus grande entreprise au monde
de liquéfaction de gaz naturel en Sibérie. Elle s'équipe de brise-glaces
nucléaires pour circuler dans l'Arctique. Au début de septembre, l'Australie a
publicisé son refus de se fixer un objectif de carboneutralité ainsi que son
intention de continuer d'extraire son charbon. C'est comme un pied de nez à
l'Accord de Paris.
Les décisions de Glasgow seront-elles à la hauteur des
défis ?
La
première question sur la table sera sûrement celle de décider si les cibles de
réduction adoptées à Paris sont suffisantes pour atteindre la carboneutralité
en 2050. De nouvelles études pointent vers la nécessité de réductions plus
radicales. De plus, l'analyse récente des plans de réduction de 113 pays indique
que nous sommes toujours sur la voie d'un réchauffement catastrophique de 2,7 ℃ d'ici la fin du
siècle.
Au
sortir de la COP 25 à Madrid en novembre 2019, plusieurs points de
discorde n'ont pas pu être résolus. Ils concernent particulièrement :
1-
Les
engagements de réduction de GES que chaque pays doit présenter à la conférence
dans quelques semaines sont-ils crédibles ? Une des difficultés est de
s'entendre sur des mesures strictes et indépendantes de calcul des émissions de
GES. Par exemple, le Brésil refuse qu'on vienne lui dire comment calculer les
émissions de GES à la suite de sa politique de déboisement de la forêt
amazonienne.
2-
Une
reddition de comptes crédible et efficace. Doit-on se fier aux seuls rapports des pays ou
exiger la vérification par des inspecteurs internationaux ? La reddition
permet-elle de vérifier annuellement la diminution des émissions de GES ? Aussi,
c'est ici qu'entre en ligne de compte la surveillance des « passagers
clandestins ».
3-
L'application
du principe de justice réparatrice (pollueur/payeur) aux émetteurs de GES jusqu'à
l'atteinte de la carboneutralité d'ici 2050. Comment appliquer la tarification
carbone de façon équitable à l'échelle de la planète ? Devons-nous demander les
mêmes efforts de réduction aux pays qui ont profité allègrement des énergies
fossiles pour se développer qu'aux pays sous-développés?
4-
L'assistance
financière aux pays en développement qui leur permettrait d'assurer la transition
écologique. Un Fonds vert pour le climat a bien été créé avec des engagements à
la hauteur totale de 100 milliards $ par année, mais plusieurs pays
s'y étant engagés ne versent pas leur dû, que faire ? Quelle reddition de
compte doit-on demander aux pays récipiendaires ?
5-
Le
risque
que les mesures proposées augmentent les inégalités dans le monde.
Peut-on obliger des pays moins développés déjà en manque d'énergie électrique
propre d'abandonner leurs centrales au charbon, par exemple, sans leur offrir
d'alternatives ?
6-
Un
autre aspect à tenir compte, c'est d'éviter que les mesures n'entrainent des émissions
inattendues. On parle, entre autres, d'exportation des productions
polluantes vers les pays en développement par les grandes entreprises.
À
ces défis s'ajoute un défi de procédure démocratique : lors de la
conférence internationale, les décisions doivent se prendre au consensus de
tous les pays et, de plus, toutes ces décisions doivent être entérinées par les
législatures de chaque pays. Adopté en 1997, il aura fallu 7 ans avant que
les pays entérinent le Protocole de Kyoto.
Capituler
devant la force de la nature
Souhaitons
tout le courage nécessaire à nos décideurs à Glasgow. Ils ne doivent pas oublier
que le climat n'a que faire de leurs tergiversations. Il agit implacablement et
refuse toutes négociations. La diplomatie, ne connait pas. Les excuses, il s'en
fout. Il nous faut capituler devant la force de la nature.
Yves
Nantel
Octobre
2021