Plusieurs raisons peuvent justifier la terminaison d'emploi d'un salarié, telles que son inconduite, son insubordination, le manque d'ouvrage au sein de l'entreprise ou la faute grave comme le vol et la fraude. Mais qu'en est-il du congédiement administratif pour incompétence?
Depuis 2005, l'arrêt Costco Wholesale Canada Ltd. c. Laplante a établi des critères stricts qui permettent de déterminer si un employeur est légalement justifié de procéder au congédiement administratif d'un employé qu'il considère comme incompétent. Les critères applicables sont les suivants:
1- L'employé doit avoir été informé des politiques de l'employeur et des attentes particulières de ce dernier à son égard;
2- Les lacunes de l'employé doivent lui avoir été signalées afin qu'il puisse y remédier;
3- L'employé doit avoir profité d'un soutien nécessaire pour corriger ses lacunes et atteindre ses objectifs;
4- L'employé doit avoir profité d'un délai raisonnable dans les circonstances pour s'ajuster et corriger ses lacunes;
5- L'employé doit avoir été prévenu du risque de congédiement à défaut d'un ajustement de sa part.
Afin de déterminer si le congédiement d'un employé était légalement justifié par l'employeur, ce test à cinq critères fut depuis ainsi constamment appliqué par les tribunaux québécois.
Or, une récente décision (Commission scolaire Kativik) est venue en quelque sorte ajouter un nouveau critère à ce test, soit l'obligation pour l'employeur de trouver une solution de rechange au congédiement du salarié incompétent.
Dans cette affaire et ce, malgré l'incompétence du salarié à accomplir certaines tâches et malgré tout le soutien et l'encadrement fournis par l'employeur, l'arbitre de grief saisi du dossier a tranché en faveur du salarié. Puisque l'employeur n'avait pas rempli son obligation de trouver une autre solution que de procéder au congédiement, l'arbitre a effectivement considéré le congédiement administratif abusif dans les circonstances. L'employeur aurait dû, par exemple, proposer au salarié incompétent un autre poste compatible avec ses qualifications et compétences au sein de son entreprise.
Au regard des conclusions de l'arbitre demandant à l'employeur de réintégrer l'employé, l'employeur a demandé que cette décision soit révisée devant la Cour supérieure. Selon l'employeur, considérant le test à cinq étapes, l'arbitre de griefs avait rendu une décision déraisonnable en lui imposant une obligation inexistante en droit québécois. En effet, le test classique applicable au Québec ne tient pas compte de l'obligation imposant à l'employeur de « déployer des efforts raisonnables pour réaffecter l'employé dans un autre poste compatible avec ses compétences ».
Le juge de la Cour supérieure saisi du dossier devait donc plus précisément déterminer si l'arbitre avait eu raison d'imposer à l'employeur de réaffecter le salarié alors que les cinq critères étaient effectivement satisfaits.
En retraçant l'historique canadien complet dudit test, le juge a répondu à l'affirmative et a confirmé l'application de ce critère additionnel dans les circonstances.
Sachez toutefois que selon le tribunal, cette obligation en est une de moyens et non de résultat, c'est-à-dire que l'employeur n'est pas tenu d'obtenir un résultat précis. Ce dernier doit plutôt mettre en œuvre tous les moyens pour y parvenir. De plus, cette obligation ne trouve pas application dans toutes les situations. De fait, cette obligation de réaffectation dans un autre poste convenable ne saurait s'appliquer à toutes les situations de congédiement pour incompétence. Effectivement, il est nécessaire de considérer certains facteurs comme la taille de l'entreprise et les tâches précises et qualifications requises pour un poste.
Au regard de ce qui précède, vous devez retenir que le critère supplémentaire de réintégration existe en droit québécois et que les juges et arbitres sont susceptibles d'en tenir compte dans leurs prochaines décisions. Néanmoins, sa portée et sa mise en application dépendront des circonstances de chaque cas. Ainsi, mieux vaut vous tenir informé !
Par Me Ariane Ouellet
Avocate au sein de l'étude FONTAINE PANNETON JONCAS BOURASSA & ASSOCIÉS
Sources :
- Costco Wholesale Canada Ltd. c. Laplante, 2005 QCCA 788
- Commission scolaire Kativik c. Ménard 2017 QCCS 4686