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Diffamation, mais à quel prix

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Fontaine Panneton Joncas Bourassa & Associés Par Fontaine Panneton Joncas Bourassa & Associés
Jeudi le 8 septembre 2016

Le 1er septembre 2016, la Cour d'appel du Québec a rendu une décision des plus importantes quant aux dommages que peut obtenir une personne qui a été diffamée.

Vous vous souviendrez sans doute de Bernard Gauthier surnommé «Rambo». Le tout remonte à mars 2010, alors que dans le cadre de l'émission Enquête de Radio-Canada, Jean-Yves Lepage déclare qu'il a fait l'objet de menaces, d'intimidation de la part du syndicat FTQ Construction, de l'Union des opérateurs de machinerie lourde local 791, de Bernard Gauthier, représentant du local 791, pour avoir refusé de céder à l'embauche des travailleurs sur le chantier d'un barrage sur la rivière Toulnustouc.

Suite aux propos de Lepage, Richard Goyette, alors directeur général de la FTQ Construction, convoque une conférence de presse dans laquelle il fait état d'un accident de travail sur le chantier du barrage où travaillait Lepage et déclare «à mots à peine couverts» selon la Cour d'appel que «le travailleur en cause a perdu la vie en raison de la négligence de l'intimé Lepage.»

Le lendemain Gauthier convoque à son tour une conférence de presse. Il traite alors Lepage d'assassin suite au décès du travailleur et dira même qu'il a poursuivi Lepage, qu'il a gagné une cause contre lui parce qu'il avait fait faire des fausses déclarations par sa bru puis son comptable.

Plus tard, Gauthier reprendra les mêmes propos à l'émission de Denis Lévesque.

En première instance, le juge conclut que Goyette et Gauthier ont tenu des propos diffamatoires qui ont causé un préjudice à la réputation de Lepage. Pour le juge, il s'agit d'une faute intentionnelle qui visait à discréditer Lepage, Goyette a selon le juge «sciemment dénaturé les conclusions du rapport de la CSST au détriment de la réputation de l'intimé (Lepage). Pour Gauthier, le juge n'accorde aucune crédibilité à son témoignage et considère «qu'il n'hésite pas à faire un usage de menaces et d'intimidation pour parvenir à ses fins.»

C'est ainsi qu'en première instance, la FTQ Construction, le local 791, Goyette et Gauthier sont condamnés à payer à Lepage le somme de 100 000,00 $quant aux dommages punitifs, la Cour condamnera la FTQ Construction à 75 000,00 $, le local 791 à 50 000,00 $, Goyette à 25 000,00 $ et Gauthier à 50 000,00 $.

En appel, les trois juges examinent tout d'abord la responsabilité civile relative à la diffamation.

Après avoir fait une revue exhaustive de la jurisprudence et avoir examiné attentivement la décision de la première instance, la Cour d'appel a retenu la responsabilité des appelants, mais diminue considérablement les dommages.

Relativement aux dommages moraux, la Cour en est venue à la conclusion que la preuve soumise en première instance et l'ensemble de la jurisprudence québécoise ne justifie pas la somme de 100 000,00 $ et diminue la compensation à ce chapitre à 40 000,00 $.

Concernant les dommages punitifs, c'est-à-dire ceux accordés pour atteinte illicite et intentionnelle à Lepage, la Cour considère que la FTQ Construction et le local 791 n'y ont pas participé et que ces derniers ne méritent pas d'être condamnés à ce chapitre. À cet égard, le Cour écrit :

«Ceci dit, s'il a été clairement établi que MM. Goyette et Gauthier ont voulu intentionnellement nuire par leurs propos à l'intimé, la preuve ne permet pas de conclure à la commission par les organisations syndicales d'une faute intentionnelle distincte de celle de leurs préposés ou mandataires, ou de conclure qu'elles ont orchestré les propos de ceux-ci ou savaient que des accusations de ce genre seraient portées contre l'intimé.... mais on ne peut pas leur imputer d'avoir su ou prévu que ces faussetés seraient prononcées ou répétées. Ce n'est pas impossible, bien sûr, mais ce n'est pas établi d'une manière prépondérante par la preuve.»

La Cour a considéré à ce chapitre que la preuve n'a pas été faite de façon prépondérante concernant l'intention des deux syndicats de nuire délibérément à Lepage. Encore une fois, tout est question de preuve.

Au Québec, il demeure que les dommages moraux et punitifs ne sont guère élevés.

Au plaisir.

Référence FTQ Construction et al c. Lepage, Cour d'appel no. 500-09-024509-13.


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