Je me souviens d'une discussion qui a transformé ma perception de la pratique du sport à jamais. C'était par une belle soirée d'été dans ma petite municipalité natale, le terrain de balle de l'endroit était le lieu de rassemblement des gars du village.
Il était environ 7 heures du soir et une partie de balle molle se déroulait entre deux équipes de la ligue des travailleurs de l'endroit. Un groupe de gars de mon patelin s'était rassemblé près des tables de pique-nique afin d'observer discrètement la partie, mais surtout, pour échanger sur différents sujets d'actualité du jour. Dans ce groupe, nous retrouvions un ensemble hétéroclite de garçons dont l'âge pouvait varier entre 17 et 25 ans. Comme c'était souvent le cas dans les petits villages de ce temps-là, tous les gars ou presque avaient un surnom ou un diminutif. Dans mon village, les gars s'appelaient : Taf, Coche, Buddy, Fab, Mike, Tarzan et comme dans tous les villages du Québec, nous avions aussi notre Ti-Casse.
J'avais l'âge d'un collégien à cette époque, je faisais partie des plus jeunes et inconsciemment, je cherchais à obtenir aux yeux des plus vieux un statut au sein du groupe. Je désirais m'imposer comme « le vrai sportif », celui qui fait du sport d'élite et qui joue dans la prestigieuse équipe de football collégial de la région.
Donc, dans le but de me donner de l'importance, j'ai lancé une phrase d'ouverture qui allait avoir le même effet qu'un pavé dans la marre : « La balle molle, ce n'est pas du sport ça! »
Alors, mon ami Taf qui était mon aîné me regarda en me disant : « Tu n'as absolument rien compris, tu es bien jeune encore, le sport ce n'est pas juste des performances et des trophées. C'est bien plus que cela! »
C'est suite à cette phrase que j'ai reçu mon premier cours de sociologie du sport. Mon ami Taf m'expliqua que le sport est avant tout un moyen d'évasion et de détente, il disait : « Tu vois, c'est deux équipes d'honnêtes journaliers qui ont travaillé dans la poussière et la chaleur toute la journée qui se retrouvent ici ce soir. Pas pour savoir qui est le plus fort d'entre eux, ils viennent ici pour se retrouver et se détendre. Peut-être même pour oublier pour quelques heures des situations frustrantes et oppressantes qu'ils vivent dans leur milieu de travail. Regarde le sourire de ces hommes, ils sont juste heureux d'être là dans un environnement détendu et joyeux. Le sport devient un prétexte pour sortir de leurs soucis quotidiens. Ne crois tu pas que cela leur fait du bien et que de se retrouver ensemble ici, c'est peut-être même un genre de thérapie de groupe? Le petit quelque chose dans la semaine leur permettant d'évacuer leurs tensions sur le terrain plutôt qu'à la maison? Penses-tu que pour se dire sportif, il faut être champion du monde? La beauté du sport n'est pas la performance, mais bien plus l'état d'esprit qui t'anime quand tu le pratiques! »
Ce soir-là, j'ai retenu une formidable leçon de vie qui influence encore mes interventions et ma façon de voir le sport comme outil d'intégration sociale.
